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Maison des Canadiens

« Plus de 100 hommes du Queen’s Own Rifles sont tombés au combat ou ont été blessés, pas très loin de cette maison, dans les premières minutes après leur débarquement sur la plage. »

Cette inscription éloquente accueille les visiteurs à l’entrée d’une grande maison à ossature de bois qui donne sur la plage Juno située dans le village Bernières-sur-Mer en France. « La Maison des Canadiens » ou Canada House est un des bâtiments iconiques de l’histoire militaire canadienne. Cette maison a été parmi les premières libérées par les soldats canadiens le Jour J, le 6 juin 1944. Depuis, elle est un repère historique connu qui figure sur l’arrière-plan de plusieurs photos en noir et blanc qui représentent le débarquement des soldats sur la plage du village Bernières-sur-Mer en Normandie.

Hervé Hoffer

Ce bâtiment est, et l’était toujours, un immeuble comprenant deux maisons jumelées. De jolies maisons d’été de cette sorte ont été typiques pour la côte de Normandie avant l’invasion de la France pendant la Deuxième Guerre mondiale par les Allemands qui en ont détruit des centaines pour construire les défenses en béton du Mur de l’Atlantique afin d’empêcher les troupes alliées d’envahir la Normandie. Cette maison est l’une des rares maisons laissées comme elles étaient à l’époque, peut-être parce qu’elle servait de foyer à un officier d’occupation allemande.

La famille de Hervé Hoffer est propriétaire de la partie gauche de la maison. La maison appartenait à son grand-père quand la guerre a éclaté, mais il a été expulsé par les Allemands.

Au 40e anniversaire du Jour J, en 1984, quand de nombreux anciens combattants qui étaient encore en vie ont recommencé à faire leurs pèlerinages à la plage Juno, Hervé Hoffer a rencontré quelques Canadiens qui avaient participé à la libération de sa maison.

Hervé Hoffer et son épouse, devant leur maison, La Maison des Canadiens. \r\nImage: \u00a9 Richard Foot.

« Les anciens combattants étaient encore jeunes et en bonne santé [en 1984]. On a parlé en prenant une bière », ­­­­­­­­a dit Hervé Hoffer. « Certains m’ont demandé s’ils pouvaient voir l’intérieur de la maison. Je me suis fait beaucoup d’amis qui ont contribué à mon intérêt. »

Pendant des décennies à partir de ce moment, Hervé Hoffer a conservé avec amour la mémoire du sacrifice canadien et l’esprit de sa maison touchée par l’histoire de la guerre. Aujourd’hui, les visiteurs sont presque toujours les bienvenus. À l’intérieur, on peut voir un sanctuaire vivant de souvenirs, c’est-à-dire la maison d’été décorée avec les drapeaux canadiens, des insignes régimentaires et une grande collection de cartes de guerre, de photos, d’uniformes et d’autres artefacts.

Régiment Queens Own Rifles

La maison est aussi devenue un lieu de pèlerinage pour d’anciens membres et des membres actuels du régiment Queens Own Rifles (QOR), qui est un régiment établi à Toronto dont les membres ont débarqué devant la maison lors de la bataille. « Les Queen’s Own Rifles sont entrés dans la maison 20 minutes après le début du débarquement », a dit Hervé Hoffer.

En 2004, un des anciens combattants de QOR a offert à Hervé Hoffer une coupure de 100 francs français tachée de sang. La coupure est maintenant encadrée et elle décore le parloir avant de la maison. L’ancien combattant a raconté à Hervé qu’il l’avait reçue le jour J. Un soldat allemand blessé au cours de la fusillade dans une église à côté avait supplié le Canadien de le laisser vivre en échange de l’argent.

Il y avait aussi une bataille à l’intérieur de la maison d’Hervé Hoffer quand les Canadiens libéraient la maison des troupes ennemies. Un autre ancien combattant, qui est retourné pour visiter la maison en 2009, a laissé le commentaire suivant dans le livre d’invités : « Ernie Kells, Queen’s Own Rifles, un des cinq soldats, qui sont venus dans cette maison le jour J, a maintenant 84 ans. Excusez d’avoir jeté les grenades dans votre cave. »

Chaque année le 1er juin, Hervé Hoffer allumait une lanterne de paraffine et l’accrochait au balcon de sa maison. Le 6 juin, après le coucher du soleil, il portait la lanterne à la plage et marchait dans l’eau jusqu’à la taille dans la Manche, avant de jeter la lanterne dans la mer. On entendait souvent un joueur de cornemuse jouer une sérénade. Hervé Hoffer appelait cette cérémonie « le geste symbolique à l’honneur des Canadiens qui sont venus de la mer ce jour-là pour nous rendre la liberté. »

Décédé en janvier 2017, Hervé Hoffer a légué la maison et ses artefacts à sa femme et ses enfants, de même qu’à l’Association la Maison des Canadiens, un organisme privé dédié au maintien de la maison et de son rôle dans la mémoire canadienne.

Le jour J