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Margaret Trudeau

Margaret Joan (née Sinclair) Trudeau (Kemper), auteure, actrice, photographe, militante en santé mentale (née le 10 septembre 1948 à North Vancouver, en Colombie-Britannique). Le mariage de Margaret Trudeau avec le premier ministre Pierre Trudeau en 1971 l’a rendue célèbre du jour au lendemain. La dissolution de leur union s’est produite sous l’œil du public à une époque où s’effritaient les rôles traditionnels dévolus tant aux ménagères qu’aux femmes de politiciens. Épouse d’un premier ministre et mère d’un autre ‒ Justin Trudeau ‒, Margaret Trudeau s’est forgé elle-même un rôle public après avoir divulgué son diagnostic de trouble bipolaire. Dans deux livres et dans des discours acclamés, elle s’est portée ouvertement à la défense des personnes atteintes de troubles de santé mentale.

Margaret Trudeau en 2014

Jeunesse et famille

Margaret Joan Sinclair est née le 10 septembre 1948 à North Vancouver, en Colombie-Britannique. Elle est la quatrième de cinq filles, précédée de Heather, Janet et Rosalind et suivie de Betsy. Sa mère, Kathleen (née Bernard), est la fille de Thomas Bernard, un commis des chemins de fer. Son père, James Sinclair, un boursier Rhodes né en Écosse, déménage au Canada durant sa jeunesse. Il est pilote de l’Aviation royale canadienne en Libye, en Sicile et à Malte durant la Deuxième Guerre mondiale. Il est élu député une première fois en 1940, l’année où il épouse Kathleen, alors âgée de 20 ans, une élève-infirmière de 12 ans sa cadette, à qui il a déjà enseigné les mathématiques à l’école secondaire. De 1952 à 1957, il est ministre fédéral des Pêches dans le cabinet du premier ministre libéral Louis Saint-Laurent. Il sera député jusqu’en 1958. (Voir aussi Élections de 1957 et de 1958.)

La famille déménage à Ottawa après la nomination de James Sinclair au cabinet. Margaret fréquente l’école publique de Rockcliffe Park, où elle réussit si bien qu’elle saute sa troisième année, avant que la famille retourne sur la côte ouest. Diplômée de l’école secondaire Delbrook Senior, elle entre à l’Université Simon Fraser, où elle s’initie à la marijuana et à la politique radicale.

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En vacances avec sa famille sur l’île de Moorea, en Polynésie française, elle rencontre un Canadien plus âgé qui l’a remarquée tandis qu’elle faisait du ski nautique. Sa mère lui demande après coup si elle sait à qui elle vient de parler. « Ah, Pierre quelque chose », répond-elle. Sa mère lui dit qu’il s’appelle Pierre Trudeau et qu’il est le ministre de la Justice du Canada (quelques mois plus tard, il sera premier ministre). « Pierre m’a paru très âgé et très vieux jeu », écrira‑t‑elle dans ses mémoires.

Après un diplôme en sociologie, Margaret Sinclair voyage sur la « route des hippies » en Europe et en Afrique du Nord. Pendant un temps, elle vagabonde avec Leonard Cohen au Maroc. De retour au Canada, elle entretient une liaison clandestine avec le premier ministre pendant 18 mois. Elle vit brièvement à Ottawa, où elle est sociologue stagiaire au ministère de la Main-d’œuvre et de l’Immigration.

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Mariage avec Pierre Trudeau

Le 4 mars 1971, le premier ministre quitte Ottawa en avion; d’après l’annonce officielle, il prend congé pour aller faire du ski dans l’Ouest. En réalité, il y va pour une noce à laquelle ne sont invités que quelques membres des deux familles. Margaret Sinclair, 22 ans, épouse Pierre Trudeau, 51 ans, lors d’une cérémonie présidée par le révérend John Swinkels, un prêtre catholique romain (Margaret s’est convertie au catholicisme avant le mariage). La mariée, réputée pour coudre ses propres vêtements, confectionne également elle-même le gâteau de noces à trois étages. Après avoir célébré en famille, le couple s’offre une courte lune de miel de ski au chalet familial des Sinclair à Whistler, en Colombie-Britannique.

Un peu plus de neuf mois plus tard, le premier fils du couple, Justin, vient au monde le jour de Noël 1971. Il est suivi d’Alexandre, qu’on appelle Sasha, le jour de Noël 1973, puis de Michel, né le 2 octobre 1975.

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Sous la loupe des médias

Margaret Trudeau est couramment décrite dans les médias comme étant belle et fougueuse. L’écrivaine June Callwood parle d’elle un jour comme d’une « enfant-fleur parfaitement préservée. » (Voir aussi Hippies au Canada.) En 1974, Margaret Trudeau confie en entrevue télévisée qu’elle a été hospitalisée aux soins psychiatriques à cause des tensions « effrayantes » que lui cause son état d’épouse du premier ministre, un statut de célébrité auquel elle n’a guère été formée ni préparée. « Je me suis préparée au mariage avec Pierre, dit‑elle, mais pas au mariage avec le premier ministre. » On la critique dans la presse pour ses infractions au protocole et sa conduite imprévisible, qui oscille parfois dangereusement entre la dépression et l’excitation caractéristiques du trouble bipolaire. Par exemple, elle fume régulièrement de la marijuana autour de ses gardes du corps; en 1977, elle divulgue dans un magazine des détails intimes de sa relation avec Pierre; un jour, en plein dîner d’État, elle se lance spontanément dans une chanson qu’elle a écrite pour l’épouse du président du Venezuela.

Ses luttes personnelles arrivent aussi à une époque d’évolution des mœurs, où les femmes ‒ en tout cas celles de sa génération ‒ sont plus nombreuses à vouloir s’épanouir hors du moule traditionnel des « femmes au foyer. » (Voir aussi Mouvements de femmes au Canada : 1960 à 1985.) « Je ne suis pas une tarée, une cinglée ou une excentrique parce que je veux faire un bon travail honnête sur une base quotidienne », dit-elle un jour. « Je veux juste trouver mon individualité. J’en ai assez d’être un bien public. »

À partir de 1977, Margaret et Pierre Trudeau vivent une longue séparation à titre d’essai. Ses absences à elle du 24, promenade Sussex, la résidence du premier ministre à Ottawa, pour étudier la photographie à New York alimentent les rumeurs sur l’état du ménage. Le couple le plus épié au Canada fait la une de la presse à scandale du monde entier en 1977 lorsque Ron Woods, des Rolling Stones, invite Margaret Trudeau à faire des photos du groupe durant un spectacle à Toronto. Plusieurs autres escapades avec des célébrités font aussi les manchettes. Le soir où son mari subit sa défaite électorale de 1979, Maggie T, ainsi qu’on la surnomme, est photographiée en train de faire la fête au Studio 54, célèbre boîte de nuit de Manhattan.

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Divorce et décès

Rentrée à Ottawa au début des années 1980, Margaret Trudeau s’installe à proximité du 24, Sussex afin de mieux pouvoir élever ses fils. Elle demande le divorce en novembre 1983, qui est chose faite le 2 avril 1984, un mois après que Pierre Trudeau a annoncé sa retraite de la politique. Le 18 avril, elle épouse le promoteur immobilier Fried Kemper. Elle passe l’essentiel des 15 années suivantes loin des projecteurs, sauf en 1988 pour une accusation de possession de marijuana, bientôt abandonnée. Elle aura deux enfants avec son nouvel époux : un fils, Kyle, et une fille, Alicia.

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Durant ce temps-là, toutefois, elle est aussi aux prises avec différents problèmes de santé mentale, notamment une dépression post-partum après la naissance d’Alicia, des pensées suicidaires et un trouble alimentaire. Après avoir inventé de toutes pièces une histoire de ski avec les fils de la princesse Diana, elle est hospitalisée pour dépression en 1998. Plus tard cette année-là, Michel Trudeau meurt à l’âge de 23 ans, emporté par une avalanche dans le lac Kokanee, en Colombie-Britannique. Son corps ne sera jamais retrouvé. Dans son autobiographie intitulée Common Ground (trad. Terrain d’entente, 2014), Justin Trudeau évoquera la douleur atroce, débilitante, que cette perte inflige à sa mère, une douleur aggravée par ses problèmes de santé mentale et les aggravant par le fait même.

Moins de deux ans après la mort de leur fils, Pierre Trudeau s’éteint à son tour le 28 septembre 2000, avec Margaret à son chevet. En effet, elle et lui ont renoué et sont devenus proches amis à la fin des années 1990. (Voir aussi Article de Maclean’s : « Trudeau’s Funeral ».)

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Militante en santé mentale

La double perte de Michel et de Pierre Trudeau plonge Margaret dans un profond abattement. « J’ai sombré en pleine folie, dit-elle au Globe and Mail en 2009. J’étais incapable de sortir de chez moi pour faire l’épicerie. » Son mariage avec Fried Kemper se termine par un divorce en 1999. En 2001, elle subit des examens à l’Hôpital Royal Ottawa, où elle reçoit enfin un diagnostic officiel de trouble bipolaire, assorti des médicaments et de la thérapie qu’il lui faut. « Je n’ai pas été secourue avant d’avoir touché le fond, et j’étais alors dans la cinquantaine », dira‑t‑elle lors d’une entrevue en 2017.

Margaret Trudeau rend publique son histoire lors d’une conférence de presse au profit de l’Hôpital Royal Ottawa en 2006. Plus tard, elle décrit ses luttes incessantes contre la psychose maniaco-dépressive et la maladie mentale et se porte publiquement à la défense des personnes atteintes de troubles de santé mentale. Son expérience fait d’elle une communicatrice crédible sur un sujet longtemps considéré comme tabou dans les médias. Son autobiographie parue en 2010, Changing My Mind (trad. En libre équilibre, 2010) est un succès de vente et est bien accueillie par la critique, qui invite même à un réexamen de sa vie passée sous les feux de la rampe.

Margaret Trudeau se révèle aussi bonne oratrice. Un prix à son nom, le prix Margaret Trudeau pour la défense des droits en santé mentale, est décerné annuellement aux personnes qui consacrent leur vie à combattre la stigmatisation de la maladie mentale et à renforcer le dialogue à ce sujet. C’est l’animatrice et journaliste à la radio de la CBC Shelagh Rogers qui a reçu le premier des mains de Margaret Trudeau en 2016. Le prix est parrainé par Housing and Community Support Services, un organisme fondé par Margaret Trudeau qui offre de l’aide au logement et du soutien en santé mentale.

Paiements de l’Organisme UNIS

En 2020, on apprend que Margaret Trudeau était l’un de plusieurs membres de la famille Trudeau à avoir reçu des honoraires de l’Organisme UNIS, mieux connu sous le nom anglais de WE Charity (voir Craig Kielburger), qui lui a versé plus de 250 000 $ pour prendre la parole en 28 occasions. Ces paiements sont devenus un problème après que le gouvernement fédéral eut accordé un contrat à UNIS sans passer par le processus d’appel d’offres. Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré qu’il ne s’était pas retiré des délibérations du cabinet sur l’attribution du contrat de gestion de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant, un programme de 912 millions de dollars qui offre de modestes subventions aux étudiants du postsecondaire pour faire du travail de bienfaisance encadré.

Œuvre littéraire et autres activités

Margaret Trudeau se raconte à la première personne dans un récit croustillant de son mariage avec Pierre Trudeau : Beyond Reason (1979; trad. À cœur ouvert, 1979), suivi trois ans plus tard de Consequences (1982; trad. Les conséquences, 1982), où elle décrit ses liaisons avec des stars d’Hollywood tels que Ryan O’Neal et Jack Nicholson, ainsi qu’avec le sénateur américain Ted Kennedy. Forte du succès de Changing My Mind (trad. En libre équilibre, 2010), elle publie en 2015 un guide d’auto-assistance en santé mentale, The Time of Your Life.

Elle a tenu des rôles vedettes dans la comédie romantique L’Ange gardien (1978; v.a. Guardian Angel, 1979), un film plutôt mal accueilli, et dans le suspense Kings and Desperate Men (1981). Elle a été invitée à des émissions d’interviews et de variétés américaines et canadiennes et a participé à des jeux-questionnaires télévisés tels que To Tell the Truth et The Hollywood Squares. Pendant deux ans au début des années 1980, elle a coanimé une émission du matin à la station de télévision CJOH d’Ottawa.

À la fête des Mères de 2019, elle a présenté en première au Second City de Chicago son spectacle solo Certain Woman of an Age, qu’elle a repris à Just for Laughs, le pendant anglophone du Festival Juste pour rire. L’œuvre est maintenant offerte sous forme de livre audio.