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Max Chancy

Leader communautaire, professeur de philosophie, éducateur et militant politique (né le 9 mai 1928 à Jacmel, en Haïti; décédé le 25 mars 2002 en Haïti). Il a activement participé à la fondation de la Maison d’Haïti, organisme qui a joué et continue de jouer un rôle important dans la communauté haïtienne de Montréal. Max Chancy s’est également impliqué pour améliorer le système d’éducation québécois.

Éducation

Après ses études à l’École Normale Supérieure de l’Université d’État d’Haïti, Max Chancy part en Europe. Il obtient un certificatif d’études politiques et une licence en philosophie à la Sorbonne, en France, et un doctorat à l’Université Johannes Gutenberg de Mayence, en Allemagne. Il devient, à son retour en Haïti en 1953, professeur de philosophie à l’Université d’État d’Haïti et à l’école secondaire. Il milite activement au sein du syndicat de l’Union nationale des maîtres de l’enseignement secondaire.

À la suite de la répression du gouvernement de François Duvalier sur le syndicat, Max Chancy quitte l’enseignement public pour enseigner au Centre d’études secondaires, une école secondaire privée à Port-au-Prince qu’il cofonde en 1954. Il s’engage également dans la lutte politique contre la dictature de Duvalier en intégrant le Parti populaire de libération nationale. Emprisonné en 1963, il quitte le pays en 1965 après être libéré de prison. Max Chancy émigre au Canada accompagné de sa famille, où il demande le statut de réfugié politique. (Voir aussi Politique canadienne sur les réfugiés.)

Militantisme communautaire et activisme social

Dès son arrivée au Québec, Max Chancy est recruté par la Commission scolaire régionale de Chambly (voir Commission scolaire). De 1965 à 1970, il enseigne successivement le latin et l’allemand à l’école Externat classique de Longueuil (qui devient plus tard le Collège Édouard-Montpetit) et à l’école secondaire Polyvalente de Boucherville (voir Boucherville). À partir de 1970, il devient professeur de philosophie au Collège Édouard-Montpetit et, en 1973, chargé de cours au département de philosophie de l’Université du Québec à Montréal.

Au début des années 1970, le nombre d’immigrants et d’immigrantes venant d’Haïti augmente de façon importante (voir : Communauté haïtienne au Canada; Immigration au Canada). La plupart d’entre eux et elles s’établissent à Montréal. On les considère comme des réfugiés et réfugiées économiques (voir Immigration économique au Canada), c’est-à-dire comme des gens qui fuient la misère et non pas des persécutions politiques. (Voir : Réfugiés au Canada; Politique canadienne sur les réfugiés.) Plusieurs de ces nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes sont en situation d’irrégularité (voir Immigration irrégulière au Canada), le statut de réfugié politique est donc difficile à obtenir. Max Chancy, malgré qu’il soit lui-même en attente de son statut de réfugié, tente de montrer le lien qui existe entre ces déplacements de population et la politique de répression du gouvernement haïtien. Il dénonce également le soutien dont bénéficie ce gouvernement de la part des pays occidentaux, incluant le Canada. (Voir aussi Relations extérieures du Canada.)

En 1972, Max Chancy facilite la fondation de la Maison d’Haïti avec l’aide de sa conjointe Adeline Magloire et d’autres associés. L’organisme a pour objectifs d’aider les personnes immigrantes d’origine haïtienne à intégrer la société québécoise. La Maison d’Haïti défend également leurs droits en tant que travailleurs et travailleuses en plus de lutter contre le racisme. Au fil des ans, cette institution devient un pilier incontournable de la communauté haïtienne.

Implication dans le système scolaire québécois

À la fin des années 1970, un nombre élevé d’écoliers et d’écolières d’origine haïtienne éprouvent beaucoup de difficultés dans le système scolaire québécois. Plusieurs sont en situation d’échec, d’autres sont placés dans des classes spéciales. Ces problèmes prennent une telle ampleur que les ministères de l’Immigration et de l’Éducation mettent sur pied une table de concertation. Cette table réunit des représentants et représentantes des institutions d’État, du milieu de l’éducation et de la communauté haïtienne. L’objectif de la table est de trouver des solutions aux problèmes auxquels font face les élèves de la communauté haïtienne. Max Chancy y participe en tant que représentant de la Maison d’Haïti, en compagnie d’autres leaders de la communauté comme Jean-Claude Icart et Adrien Bance. Dans un texte publié dans un ouvrage collectif paru en 1982, Max Chancy fait le lien entre les problèmes scolaires des jeunes d’origine haïtienne et la situation souvent précaire de leur famille. Dans le même article, le sociologue Charles Pierre-Jacques explique que les difficultés des élèves d’origine haïtienne sont, en partie, liées au racisme existant dans le système scolaire.


Les implications de Max Chancy dans le système scolaire québécois contribuent à le faire connaître. En 1979, le gouvernement du Québec le nomme membre du Conseil supérieur de l’éducation. En janvier 1984, le ministre de l’Éducation Camille Laurin lui donne la responsabilité du comité ministériel dénommé L’École québécoise et les communautés culturelles. Le rapport du comité, que Max Chancy préside, fait des recommandations pertinentes, notamment en ce qui a trait à l’importance de l’éducation interculturelle. C’est une approche pédagogique qui tient compte des références culturelles de l’élève afin de développer une communication plus efficace.

La lutte pour la démocratie et le progrès social

Tout au long de son exil au Canada, Max Chancy s’intéresse toujours à ce qui se passe dans son pays d’origine. Il organise des rencontres régulières avec des jeunes de la communauté pour leur parler d’Haïti. (Voir Communauté haïtienne au Canada.) Ces rencontres sont des occasions pour renforcer leur sentiment d’appartenance à la communauté haïtienne, de leur faire comprendre l’histoire haïtienne et leur situation sociale en tant que groupe ethnique minoritaire. À ses yeux, la préservation des cultures d’origine des communautés immigrantes est essentielle et constitue, de façon générale, un élément d’enrichissement de la société. Il intervient aussi fréquemment dans une émission à la radio communautaire, Radio Centre-Ville. Il prend position sur différents sujets qui touchent aussi bien la politique québécoise et canadienne que la situation sociale et politique en Haïti qui est, à l’époque, sous la domination de la dictature de Duvalier.

Toutefois, pour Max Chancy, s’il est important de soutenir la lutte de libération du peuple haïtien, il est aussi essentiel de se solidariser avec la lutte d’autres peuples opprimés. C’est ainsi qu’il apporte son appui aux mouvements de paix qui dénoncent la guerre du Viêt Nam et en Amérique latine. Il prend également une part active dans les organisations sociales au Québec, notamment en tant que militant syndicaliste. En 1975, il participe, au côté du syndicaliste de notoriété nationale Michel Chartrand, à une rencontre appelée Conférence internationale de solidarité ouvrière. Cette Conférence a lieu pour la première fois au Québec. Elle réunit plusieurs représentants de mouvements luttant pour l’émancipation des peuples opprimés.

Retour en Haïti et décès

Immédiatement après la chute de la dictature de Duvalier en 1986, Max Chancy et Adeline Magloire rentrent dans leur pays. Souffrant d’une maladie qu’il endure courageusement pendant plusieurs années, Max Chancy décède le 25 mars 2002 dans son domicile. Son parcours existentiel est marqué par des luttes constantes, aussi bien pendant sa période d’exil dans la communauté haïtienne de Montréal qu’en Haïti.