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Communauté haïtienne au Canada

Selon le dernier recensement (2016) de Statistique Canada, on dénombre 165 095 Haïtiens et Haïtiennes au Canada, dont un peu plus de 86 % habitent au Québec.

Des femmes haïtiennes à Montréal

Immigration haïtienne au 20e siècle

La première présence haïtienne au Canada remonte aux années 1930. Des jeunes issus de la classe moyenne ou de la bourgeoisie élisent domicile au Québec pour y effectuer des études universitaires. L’un d’eux s’appelle Philippe Cantave. Il fonde pendant son séjour dans la province la première association canado-haïtienne. Au cours des années 1950, le nombre de personnes haïtiennes venant étudier à Montréal augmente de façon importante. Généralement, après leurs études, ces jeunes rentrent dans leur pays.

Vély Leroy qui fréquente l’École des Hautes Études Commerciales à partir de 1954 écrit : « De mémoire, la fin des années 1950 et le début des années 1960 verront arriver [à Montréal] des étudiants [haïtiens] en optométrie, en génie civil, en droit, en sciences sociales, en microbiologie. »


C’est au cours de la décennie 1960 que l’on voit s’établir, surtout au Québec, des immigrants et immigrantes d’Haïti avec l’intention d’y rester. (Voir Immigration au Canada.) La plupart d’entre eux et elles sont des exilé(e)s politiques. (Voir Réfugiés au Canada.) Cette cohorte provient de la classe intellectuelle et professionnelle qui fuit la dictature de François Duvalier dans leur pays d’origine. Certains et certaines sont connu(e)s comme des grands écrivains tels que Anthony Phelps et Émile Ollivier. D’autres contribuent au développement de la médecine au Québec. C’est le cas de la docteure Yvette Bonny qui réalise en 1980 la première greffe osseuse dans la province. Quant au docteur Jean-Claude Fouron, il fonde en 1989 l’unité de cardiologie fœtale de l’hôpital Sainte-Justine, une première au Canada. D’autres enfin enseignent à l’Université du Québec à Montréal, à l’Université de Montréal et à l’Université McGill.

Jusqu’à la fin des années 1960, la communauté haïtienne est peu nombreuse au Canada. En 1968, celle-ci représente 0,25 % des immigrants et immigrantes reçu(e)s dans le pays. 93 % d’entre eux choisissent le Québec. Cette province est une destination de choix étant donné l’usage du français et l’importance du catholicisme. Au début des années 1970, l’immigration haïtienne augmente de façon exponentielle. Au Québec, en 1973 et 1974, cette immigration occupe la première place parmi tous les groupes migratoires reçus dans la province. Par rapport à la première cohorte des années 1960, ces immigrants et ces immigrantes sont en moyenne beaucoup plus jeunes, mais aussi moins diplômé(e)s. Dans un premier temps, ils et elles occupent des emplois sous-payés et doivent faire face au racisme et à la discrimination.  

Vie sociale et culturelle

Des organismes comme la Maison d’Haïti et le Bureau de la communauté haïtienne de Montréal (BCHM) sont fondés à Montréal en 1972. Ceux-ci aident les nouveaux immigrants et les nouvelles immigrantes à s’y intégrer. (Voir Immigration au Canada.) Les regroupements communautaires participent également dans la lutte contre les discriminations subies par certains travailleurs, particulièrement les chauffeurs de taxi. (Voir La lutte des chauffeurs de taxi haïtiens contre le racisme des années 1970 et 1980 à Montréal.) Au début des années 1980, les membres de la communauté haïtienne font face à un racisme à peine voilé. Ils et elles ne peuvent donner leur sang parce que la Croix-Rouge canadienne prétend qu’ils et elles sont porteurs et porteuses du virus du Sida, sans donner de preuves concrètes. En collaboration avec les deux organismes cités plus haut, l’Association des médecins haïtiens à l’étranger (AMHE) et le Ralliement des infirmières et infirmières auxiliaires haïtiennes de Montréal mettent tout en œuvre pour dénoncer cette décision discriminatoire. Tous ces organismes jouent un rôle important dans l’organisation de la communauté. Parmi les leaders communautaires important(e)s de l’époque on compte : Paul Déjean et Karl Lévêque, fondateurs du BCHM; Max et Adeline Chancy de la Maison d’Haïti; Jean-Claude Icart, sociologue et militant communautaire; les médecins Anthony Alcindor, Louis Roy, Ernst Cresseau, etc.

Dès le début des années 1970, les premiers intellectuels et premières intellectuelles habitant à Montréal publient différents ouvrages (romans, essais), des revues et des journaux. Des liens d’amitié et de solidarité se développent entre des écrivains haïtiens et des écrivains québécois. (Voir aussi Littérature de langue française; Littérature étrangère de langue française.)

Depuis les années 1970, plusieurs restaurants spécialisant dans la gastronomie haïtienne ouvrent leur porte à Montréal, y compris sur les rives Nord et Sud.

Dans les années 1980, d’autres organismes voient le jour, comme l’Association des Enseignantes et Enseignants Haïtiens du Québec (AEEHQ), l’Association des ingénieurs et scientifiques canado-haïtiens, le Centre International de Documentation et d'Information Haïtienne, Caribéenne et Afro-canadienne (CIDIHCA). Ce dernier joue un rôle central dans la constitution d’archives de documents rares sur l’histoire d’Haïti et de la Caraïbe. Le Centre publie également plusieurs œuvres littéraires d’auteurs haïtiens ainsi que des ouvrages historiques portant sur la région. C’est à cette époque que Dany Laferrière débute sa célèbre carrière comme auteur. Il deviendra, en 2013, le premier Canadien à être élu à l’académie française.

Dans les années 2000, une station de radio s’adressant principalement à la communauté haïtienne, CPAM, est fondée à Montréal.

Plusieurs jeunes d’origine haïtienne occupent une place importante sur la scène artistique.

En 2020, Kaytranada remporte deux prix Grammy pour sa pièce 10 % et son album Bubba. (Voir aussi Prix de musique Polaris.) D’autres chanteurs et chanteuses contribuent au développement du style rap québécois. Soulignons également l’entrée triomphale du jeune artiste peintre Manuel Mathieu au Musée des beaux-arts de Montréal qui acquiert l’une de ses toiles en 2017 et qui lui consacre une exposition en 2020. Il expose également dans plusieurs musées de capitales européennes.   

À Toronto, une communauté haïtienne commence timidement à émerger. Selon le recensement de 2016, celle-ci compte 5 145 membres. Cette communauté a déjà son propre organisme, la Fondation Sylvenie Lindor, dont le mandat consiste à aider les jeunes noir(e)s francophones à réussir dans la société torontoise.


Politique

Plusieurs membres de la communauté haïtienne se démarquent en politique. C'est le cas de Saint-Firmin Monestime, le premier Canadien noir a être élu maire en 1964. Vivian Barbot préside la Fédération des femmes du Québec (2001-2003). Elle est également la première femme haïtienne à être députée à la Chambre des communes (2006-2008). Michaëlle Jean est gouverneure générale du Canada (2005-2010) puis secrétaire générale de la Francophonie (2014-2019). (Voir Francophonie et Canada.) Dominique Anglade est la cheffe du Parti libéral du Québec depuis mai 2020.