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Marine marchande du Canada

La marine marchande est une flotte de navires commerciaux qui transportent des personnes, des matières premières et des produits manufacturés. Elle désigne également le personnel de l’équipage de ces navires. L’histoire de la marine marchande du Canada est faite de hauts et de bas. De ses jours très prospères à la fin du 19e siècle jusqu’à sa quasi-disparition quelques années plus tard en passant par un rapide renforcement en tant que composante clé des Alliés durant la Deuxième Guerre mondiale, et finalement jusqu’à sa disparition complètement au milieu du 20e siècle, la marine marchande du Canada n’a pas été bien traitée.

Marine marchande

19e siècle

Les navires et les marins sont associés au Canada depuis l’époque des premiers contacts européens. Avant la Confédération, les vastes forêts du Canada fournissent du bois pour construire les bateaux français et britanniques, mais dès le début du 19e siècle, une petite industrie de construction navale locale prend rapidement de l’expansion, produisant une quantité constante de robustes navires en bois. Vers 1878, seulement 11 ans après la Confédération, le Canada est le quatrième pays armateur au monde, avec une flotte marchande de 7200 vaisseaux. Puis, à mesure que les voiliers à coque d’acier de construction européenne remplacent les gréements carrés en bois, les constructeurs navals canadiens cessent d’être compétitifs. Vers 1895, presque tous ont fermé leurs portes.

Première Guerre mondiale

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate en août 1914, la flotte marchande du Canada n’est plus que l’ombre d’elle-même. De plus, le pays n’a qu’une faible capacité de construction navale. Bien qu’il y ait peu de navires marchands canadiens, il y a encore des centaines de marins marchands qui aident à équiper les navires de la Grande-Bretagne et des autres nations alliées qui transportent les approvisionnements de guerre essentiels en Europe, dans des convois qui traversent le nord de l’Atlantique, en provenance principalement de Halifax et de Sydney en Nouvelle-Écosse.

Alors que la guerre se poursuit, le Canada élabore une nouvelle politique de marine marchande appartenant au gouvernement. La guerre donne lieu à la création de nouveaux chantiers navals canadiens qui connaissent un essor économique. En plus des 26 navires marchands construits pour la Grande-Bretagne, le gouvernement en commande 63 en mars 1918 pour la nouvelle marine marchande du gouvernement canadien (MMGC). Les navires destinés à la MMGC ne sont cependant livrés qu’après la fin de la guerre.

Au moins 570 marins marchands canadiens sont tués pendant la guerre, la grande majorité dans des attaques de sous-marins allemands.

Entre les deux guerres

Les navires de la MMGC ne durent pas longtemps. Ils sont petits, lents, alimentés au charbon et ne peuvent pas transporter beaucoup de passagers. Ils sont vendus ou mis à la ferraille, sans être remplacés. Au cours de la décennie qui suit, des navires étrangers transportent le fret international et les passagers du Canada.

Toutefois, le gouvernement fait une acquisition précieuse lorsqu’il commande cinq navires à vapeur à la Grande-Bretagne pour un service de transport de passagers et de marchandises entre l’est du Canada et les Antilles. Ces navires blancs et étincelants entrent en service en 1928 et ils sont nommés en l’honneur des épouses de célèbres amiraux britanniques. On les appelle affectueusement les « Lady Boats ».

Deuxième Guerre mondiale

Le 26 août 1939, deux semaines avant le début de la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement réquisitionne les 38 transatlantiques commerciaux du Canada et les place sous le contrôle de la Marine royale canadienne (MRC). Une fois la guerre commencée, les navires ennemis capturés et les navires des pays occupés sont intégrés à la flotte marchande.

De plus, les 133 navires de la flotte des Grands Lacs sont par la suite réquisitionnés et affectés à des convois océaniques. La construction navale est également relancée. À la fin de la guerre, les chantiers navals canadiens ont produit 403 cargos pour les Alliés, dont un grand nombre portent le drapeau canadien.

Les Lady Boats sont également mis à contribution. L’un d’eux (Lady Somers) est converti en croiseur auxiliaire armé et un autre (Lady Nelson) devient le premier navire-hôpital du Canada. Les autres continuent à transporter des passagers et des marchandises, y compris des troupes et des épouses de guerre. Quatre des cinq navires sont coulés, mais l’un d’eux est renfloué et remis en service.


Bataille de l’Atlantique

La Bataille de l’Atlantique est la plus longue et la plus dure bataille navale jamais livrée en mer. Pendant six longues années, plus de vies humaines, de navires et de matériel sont perdus que pendant toutes les campagnes navales combinées des 500 années précédentes. Il s’agit sans doute de la campagne la plus décisive du conflit et elle se poursuit durant toute la durée de la guerre en Europe, soit de septembre 1939 à mai 1945. En 1941, le premier ministre britannique Winston Churchill la surnomme « la Bataille de l’Atlantique ». Selon lui, elle est « le facteur dominant tout au long de la guerre ». Après le conflit, Winston Churchill note : « La seule chose qui m’a vraiment terrifié pendant la guerre, c’est la menace des sous-marins allemands. »

Dès l’éclatement de la guerre, les Britanniques mettent sur pied un système de convois, Halifax étant le principal point de rassemblement pour les convois de navires qui partent vers l’est en transportant de la nourriture, des matières premières et des armes vers l’Angleterre. Au départ, les navires doivent pouvoir atteindre une vitesse de neuf nœuds pour naviguer en convois, mais comme des navires plus anciens et moins rapides sont mis en service, des convois lents commencent en août 1940 en utilisant Sydney comme point de départ. Les bateaux capables d’atteindre 15 nœuds ou plus naviguent seuls. En règle générale, un convoi de 40 navires se compose de 10 colonnes de 4 navires par colonne. Un navire amiral navigue en tête, commandé par le commodore du convoi, tandis que des navires d’escorte navale patrouillent sur les flancs.

En septembre 1940, les sous-marins allemands commencent à utiliser des tactiques de « meute de loups », ce qui consiste à placer des groupes de sous-marins qui se tiennent à l’affût sur les routes prévues des convois en route vers la Grande-Bretagne. Lorsqu’un convoi apparait, les sous-marins allemands s’attaquent à leurs cibles à volonté, causant de lourdes pertes. Quelques mois plus tard, au début de 1941, les attaques allemandes s’intensifient et la situation devient grave.

Au fur et à mesure que la guerre progresse, les Britanniques surmontent cette menace croissante en utilisant plusieurs méthodes. Les scientifiques développent de nouvelles méthodes pour localiser et couler les sous-marins allemands, des bases supplémentaires pour les navires et les avions sont établies en Islande et à Terre-Neuve, et de nouveaux types de navires-chasseurs de sous-marins sont construits. La corvette, qui devient le pilier de la MRC, est probablement le plus célèbre de ces nouveaux navires.

L’une des mesures anti-sous-marines les plus importantes est la fermeture du « trou noir », qui est la zone au milieu de l’Atlantique où les avions de patrouille ne peuvent initialement pas se rendre et ne peuvent donc pas la couvrir. Ce problème est résolu par l’introduction des bombardiers Liberator à long rayon d’action. Combinées à d’autres mesures, ces mesures entrainent un renversement de la situation contre les sous-marins à la mi -1943, même si la bataille de l’Atlantique dure encore deux ans.

Plus de 1600 hommes et femmes canadiens et terre-neuviens, sur les quelque 12 000 qui servent dans la marine marchande, perdent leur vie à cause de l’action ennemie, ce qui est un taux plus élevé que dans n’importe quel service des Forces armées canadiennes. En hiver, les eaux glacées de l’Atlantique Nord entrainent une mort rapide, la plupart du temps en cinq minutes, réduisant les chances de survie à 1 %. Malgré les dangers, les marins marchands, même ceux qui ont survécu à des naufrages, continuent à faire leur devoir, séparés de la mort par une simple plaque d’acier.

L’un des grands défis de la marine marchande est de trouver assez de marins, puisque la flotte canadienne d’avant la guerre ne comprenait que 1450 marins marchands. La marine marchande se tourne vers les compagnies de transport maritime actives dans les eaux intérieures et le long des côtes, mais elle accepte également les hommes qui ont été auparavant rejetés par la Marine ou d’autres services parce qu’ils étaient trop jeunes ou trop âgés, ou qu’ils ne répondaient pas aux exigences médicales.

Comme plusieurs d’entre eux manquent d’expérience, le gouvernement créé des centres de formation. La St. Margaret’s Bay Sea Training School de Hubbards en Nouvelle-Écosse organise des cours pour les marins ordinaires et les officiers cadets, tandis que la Marine Engineering Instructional School de Prescott en Ontario forme le personnel de la salle des machines. Plusieurs écoles de radio agréées par le gouvernement forment des opérateurs radio.

Le coût de la guerre est élevé. Cinquante-neuf navires marchands immatriculés au Canada sont coulés par l’ennemi ou probablement par l’ennemi. Les navires marchands canadiens font 25 343 voyages de l’Amérique du Nord à la Grande-Bretagne, transportant près de 165 millions de tonnes de fournitures civiles et militaires.

Lorsqu’arrive la fin de la guerre, les marins marchands canadiens ont navigué sur tous les océans du monde, affrontant les tempêtes, défiant des navires de surface ou des sous-marins allemands, pour transporter des approvisionnements essentiels. L’océan Atlantique, cependant, reste le plus important. Selon le contre-amiral canadien Leonard Murray, qui commande le théâtre canadien du nord-ouest de l’Atlantique pendant la guerre, « la bataille de l’Atlantique n’a pas été gagnée par une force navale ou aérienne, elle a été remportée grâce au courage, à la force d’âme et la détermination des marines marchandes britannique et alliées. »

Après-guerre

Le ministre des Transports en temps de guerre, J.E. Michaud, déclare que « les marins marchands ont pratiquement formé la quatrième armée des services de combat ». Pourtant, peu avant la fin de la guerre, son remplaçant Lionel Chevrier écrit au sujet des avantages sociaux accordés par le gouvernement aux marins de la marine marchande à la retraite : « Ces prestations ne devraient pas être de nature à encourager les marins à quitter cette industrie à la fin de la guerre pour trouver un emploi dans d’autres domaines, car les services de nombreux marins marchands qualifiés seront nécessaires si le Canada veut conserver sa marine marchande après la guerre. » Par conséquent, le gouvernement canadien refuse d’accorder aux marins de la marine marchande le statut d’anciens combattants ainsi que les prestations qui en découlent, incluant les pensions que le statut d’anciens combattants leur aurait apportées.

Ironiquement, la flotte marchande canadienne, à nouveau redevenue la quatrième plus importante au monde, ne dure pas très longtemps. Le gouvernement libéral du premier ministre Louis Saint-Laurent la vend à des prix dérisoires. Lorsque la guerre de Corée commence en 1950, il ne reste que peu de navires marchands canadiens pour soutenir l’effort de guerre des Nations unies. Douze navires portant le pavillon canadien naviguent dans la zone de guerre, heureusement sans subir de pertes.

Syndicat des marins canadiens

Le refus du gouvernement d’accorder aux marins marchands le statut d’anciens combattants et de leur fournir des prestations est suivi, au début des années 1950, par une tentative de démanteler de force le Syndicat des marins canadiens (SMC). Le syndicat s’oppose à la vente des navires et organise une grève dans le monde entier. Cette action paralyse 60 % du transport maritime mondial lorsque des milliers de débardeurs du monde entier expriment leur solidarité avec les marins canadiens et refusent de charger ou décharger les navires de cargo. Cela devient la plus importante grève internationale du 20e siècle.

En réaction, le gouvernement et les armateurs essaient de discréditer le syndicat en accusant ses membres d’être des communistes (certains le sont), à une époque où la Guerre froide commence. Avec le soutien du gouvernement, les entreprises de transport maritime et les dirigeants des syndicats anticommunistes demandent au mafieux américain Hal Banks et à sa Seafarer’s International Union (SIU) de venir au Canada pour démanteler le SMC.

Cette action donne lieu à l’un des épisodes de conflit de travail les plus vicieux de l’histoire du Canada. Par un mélange d’intimidation, de chantage et d’ententes secrètes avec les entreprises de transport maritime, Hal Banks et ses hommes de main détruisent rapidement le SMC. Mais en 1959, ses méthodes d’intimidation vont trop loin et ses anciens alliés se retournent contre lui. En conséquence, le SIU est suspendu du Congrès du Travail du Canada, tandis qu’une enquête du gouvernement menée en 1962-1963 révèle un passé de gangstérisme au sein de la SIU, et elle est placée sous tutelle.

Mais il est déjà trop tard. La combinaison des confrontations avec les syndicats, de la hausse des coûts et de la compétition étrangère mène à la chute de la marine marchande. Malgré le fait que le Canada soit bordé de trois côtés par des océans et possède le plus long littoral au monde, plus un seul navire marchand de haute mer ne porte le pavillon canadien de nos jours.

Prestations pour les anciens combattants

En 1992, après une bataille longue et difficile, les anciens marins marchands obtiennent officiellement le statut d’anciens combattants, ce qui leur permet de recevoir les mêmes pensions d’invalidité, indemnités et soins de santé que les anciens combattants des Forces armées. Malheureusement, des milliers de marins marchands sont déjà morts à ce moment-là. De plus, rien n’est fait pour compenser les indemnités perdues depuis 1945.

Le jour du Souvenir, 2010

En 1998, quatre anciens combattants de la marine marchande entament une grève de la faim sur la Colline parlementaire. L’un d’eux, Ossie Maclean, déclare lors d’une entrevue pour la CBC Radio : « Nous sommes les hommes qui ont sauvé le monde. » Le gouvernement cède, et en 2000, il commence à accorder des paiements en espèce au titre de prestations spéciales de la marine marchande pour les indemnités dues depuis la fin de la guerre, 55 ans auparavant. Dans un dernier geste de reconnaissance, en 2003, le Parlement déclare le 3 septembre la Journée des anciens combattants de la marine marchande.

Le ministère fédéral des Anciens Combattants a estimé qu’en 2016, il y avait environ 1 800 anciens combattants de la marine marchande survivants. À la mi-décembre 2024, le Ministère était en contact avec 163 anciens combattants survivants de la marine marchande, mais ce nombre ne comprenait que des clients actifs du Ministère.

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Lecture supplémentaire

  • John Boileau et Dan Black, Too Young to Die: Canada’s Boy Soldiers, Sailors and Airmen in the Second World War (2016).

Liens externes