Michael James Aleck Snow, C.C., ARC, artiste, cinéaste, musicien (né le 10 décembre 1929 à Toronto, en Ontario; décédé le 5 janvier 2023). Michael Snow était l’un des artistes visuels les plus acclamés et il était un cinéaste d’avant-garde réputé. Ses œuvres visaient à redéfinir les relations entre les divers médias, les actes et les interprétations de la perception, et l’interaction complexe du son, du langage, et du sens. Compagnon de l’Ordre du Canada, et Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres de la France, il a été le premier récipiendaire du Prix du Gouverneur général en arts visuels et arts médiatiques. Il a également reçu le prix Molson, une bourse Guggenheim, et le prix Gershon-Iskowitz, entre autres honneurs.
Jeunesse et début de carrière
Michael Snow fréquente le Ontario College of Art (maintenant appelé Université de l’École d’art et de design de l’Ontario) de 1948 à 1952, où il est l’un des élèves du réalisateur John Martin. Ce dernier l’encourage à soumettre sa peinture abstraite Polyphony à l’exposition annuelle de la Ontario Society of Artists. La toile est acceptée, ce qui donne lieu à la première exposition publique de son travail artistique.
Après avoir obtenu son diplôme, Michael Snow travaille pour une agence de publicité, peint des tableaux, joue de la musique jazz, et se rend en Europe pour la première fois. En 1955, le producteur de films d’animation George Dunning, qui réalise plus tard Yellow Submarine des Beatles, voit une petite exposition des dessins de Michael Snow et il lui offre un emploi chez Dunning Graphic Films. Michael Snow travaille chez Dunning Graphic Films jusqu’à la fermeture de la compagnie en 1956. Durant cette période, il produit son premier film indépendant, le court métrage d’animation A to Z. Il rencontre également sa première femme, l’artiste Joyce Wieland.
Toujours en 1956, Michael Snow présente sa première exposition solo à la Greenwich Gallery de Avrom Isaacs’s, à Toronto. Après des séjours prolongés à New York entre 1962 et 1964, il s’y installe, en compagnie de Joyce Wieland, en 1964. Le couple revient à Toronto en 1972.
Années 1960
Entre 1961 et 1967, les œuvres de Michael Snow, créées avec différentes techniques d’expression, sont basées sur la silhouette d’une femme. Que ce soit en peinture, en dessin, ou en sculpture, le prototype de la femme qui marche est une forme féminine générique avec des seins, un postérieur courbé, et des bras qui se balancent alors qu’elle avance. Cette importante série d’œuvres, intitulée The Walking Woman Works, culmine avec une sculpture de onze pièces réalisée pour le pavillon de l’Ontario à l’ Expo 67.
Le cinéma occupe une place majeure dans le travail de Michael Snow depuis le milieu des années 1960. Dans son premier film important, New York Eye and Ear Control (1964), il donne vie à la femme qui marche sur pellicule, et il introduit un nouvel élément important, le son, et dans ce cas-ci avec une bande originale du grand musicien de jazz en forme libre, Albert Ayler. Le film juxtapose la femme qui marche dans des scènes de rue et sur des rochers dans l’eau avec des images de personnes réelles, les sculptures étant toujours peintes en noir ou blanc. À un moment donné, une femme se compare à un découpage de la femme qui marche, et le film se termine sur un gros plan d’un homme noir et d’une femme blanche faisant l’amour.
Le film qui a établi la réputation de Michael Snow et qui demeure son œuvre la plus connue est Wavelength (1967). Ce film est un zoom de 45 minutes partant d’un loft de Soho à New York aux fenêtres qui donnent sur l’autre côté de la rue, le tout sur le son d’une onde sinusoïdale. Le film n’a pas de narration, mais il est constitué de plein de petits incidents : à un moment, un homme trébuche et s’effondre sur le sol; à un autre moment, l’homme est assis à un bureau près de la fenêtre et parle au téléphone; durant tout le film, l’écran clignote successivement en vert, jaune, et en bleu. La caméra effectue un zoom en hésitant sur un pan de mur entre les fenêtres où se trouve le dessin de deux femmes qui marchent, ainsi qu’une photographie d’eau. Le film remporte le Grand Prix au festival du film expérimental de Knokke en Belgique en 1967.
Le grand film suivant de Michael Snow, La région centrale (1971), un film de trois heures, est organisé autour des mouvements circulaires d’un bras robotique qui est conçu pour tenir une caméra dirigée vers un paysage du nord du Québec. Le film n’offre aucun point de vue humain sur le paysage, il est composé d’images tourbillonnantes de rochers, de toundra et de panoramas montagneux, tantôt à l’endroit et tantôt à l’envers.
Les années 1970 et au‑delà
Les films que Michael Snow commence à faire après son retour au Canada au début des années 1970 avec Joyce Wieland sont moins formels et moins cérébraux que Wavelength et La région centrale, et ils sont plus fantaisistes. Le film « Rameau’s Nephew » by Diderot (Thanx to Dennis Young) by Wilma Schoen (1974), un film d’une durée de quatre heures et demie, débute avec Michael Snow qui siffle devant un fond rouge vif. Il passe ensuite à une séquence de personnes qui prennent part à un goûter de thé et qui disent leurs répliques à l’envers. Le film Corpus Callosum (2002) est ainsi intitulé selon les voies neuronales entre les deux hémisphères du cerveau. Cette œuvre est la première œuvre numérique réalisée par Michael Snow, et ce dernier continue par la suite son exploration de la nature de l’esprit et de la perception, en se concentrant sur la façon dont le cerveau manipule l’information pour créer des images.
En 1970, Michael Snow représente le Canada à la Biennale de Venise. Ses œuvres font également l’objet d’une exposition rétrospective au Musée des beaux‑arts de l’Ontario. En 1978, une étude détaillée de son travail est présentée à Lucerne en Suisse, et à Bonn et Munich en Allemagne. Cette même année, on lui commande une sculpture, Flight Stop, pour le Eaton Centre de Toronto, œuvre pour laquelle il suspend des moulages d’oies sauvages en plein vol au plafond cathédrale du centre commercial. Pour l’Expo 86 de Vancouver, on lui commande la production d’une œuvre holographique majeure qui devient The Spectral Image, un groupement d’installations artistiques comprenant 48 images holographiques.
En 1989, Michael Snow réalise The Audience pour le SkyDome (maintenant le Rogers Centre) à Toronto. L’œuvre est constituée de grandes sculptures représentant des partisans, peintes en or et situées au-dessus des entrées nord‑est et sud‑est de l’édifice. Une rétrospective majeure de son travail est présentée à Toronto, au Musée des beaux‑arts de l’Ontario et à la galerie Power Plant, en 1994. Pour célébrer sa victoire du prix Gershon-Iskowitz en 2011, des œuvres de Michael Snow sont présentées au Musée des beaux‑arts de l’Ontario, dans le cadre d’une exposition intitulée Objects of Vision. L’exposition comprend ses sculptures abstraites des années 1950, de la fin des années 1960, et de 1982.
Musique
Bien qu’il soit immédiatement relié aux arts visuels, Michael Snow s’implique depuis de nombreuses années dans le domaine de la musique improvisée. À la fin des années 1940, lorsqu’il visite Chicago, le pianiste de boogie‑woogie Jimmy Yancey l’encourage à jouer, et il joue donc du piano dans des groupes de jazz traditionnel à Toronto alors qu’il est étudiant à l’École des beaux‑arts de l’Ontario. Il se met à la trompette au début des années 1950.
Après avoir joué du piano avec le trompettiste de dixieland Mike White entre 1958 et 1961, et avec ses propres groupes de bebop de 1958 à 1962, Michael Snow est attiré par le free jazz à la suite de son association au Artists’ Jazz Band à Toronto et aux dirigeants de ce mouvement à New York; certains d’entre eux, comme Albert Dayler et Don Cherry, figurent dans son film New York Eye and Ear Control (1964). Michael Snow continue de jouer avec le Artists’ Jazz Band, et il est membre du Toronto New Music Ensemble de 1966 à 1967, ainsi que cofondateur du CCMC en 1974. Avec ce dernier, il joue du piano, de la trompette, de la guitare et du synthétiseur, et le groupe demeure le centre de ses activités musicales tout au long des années 1980. Il donne également des concerts solos à Toronto, à Québec, et à New York.
Les albums solos de Micheal Snow, quant à eux, étendent au médium sonore la même manipulation poussée d’une idée, d’un thème, ou d’une technique qui est caractéristique de ses œuvres dans le domaine des arts visuels (par exemple, la pièce d’une durée de 50 minutes, Sinoms, dans laquelle il réalise un enregistrement multipiste où une vingtaine de voix, avec autant d’accents anglais ou français différents, lisent la liste complète des maires successifs de Québec, faisant à certains moments une simple juxtaposition de prononciations, et créant un effet de chœur à d’autres moments). Dans ses films, en commençant avec New York Eye and Ear Control, il combine souvent des éléments musicaux et visuels pour créer une composition intégrant image et son.
Legs et distinctions
Le travail de Michael Snow est continuellement préoccupé par la définition et la redéfinition des relations entre les différentes techniques d’expression, les actes et les interprétations de la perception, et l’interaction complexe du son, du langage et de la signification. Il est acclamé par la critique aux États-Unis pour son travail en tant que cinéaste expérimental. En 2000, il reçoit un Prix du Gouverneur général en reconnaissance de ses réalisations dans ce domaine. Membre de l’Académie royale des arts du Canada, il reçoit une bourse Guggenheim en 1972, et un prix Molson en 1979. Il est nommé Officier de l’Ordre du Canada en 1981, chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres en France en 1995, et Compagnon de l’Ordre du Canada en 2009. Il remporte le prix Gershon Iskowitz en 2011.
Michael Snow reçoit également des diplômes honorifiques de l’Université Brock (1975), de la Nova Scotia College of Art and Design University (1990), de l’Université de Victoria (1997), de l’Université de Toronto (1999), de la Emily Carr University of Art + Design (2004), et de l’Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne (2004).