Midi Onodera, artiste en arts médiatiques et cinéaste (née le 26 octobre 1961 à Toronto, en Ontario). Midi Onodera pratique un cinéma expérimental et produit des vidéos artistiques reflétant son expérience de féministe, de lesbienne et de Canadienne d’origine japonaise. Travaillant dans divers formats, elle a réalisé plus de 25 courts métrages indépendants, ainsi qu’un long métrage sorti en salle et de nombreuses vidéos de courte durée. Son travail lui a valu une attention nationale et internationale. En 2018, elle a obtenu un Prix du gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques.
Un affiche pour les « vidoodles » de Midi Onodera.
Formation
Midi Onodera étudie les arts visuels à l’École d’art et de design de l’Ontario, devenue l’Université de l’École d’art et de design de l’Ontario (EADO), de 1983 à 1989. En 1994, elle se forme également au laboratoire de cinéma du Centre canadien du film dont elle suit le programme de conception de nouveaux médias en 2001. De 2007 à 2012, elle est inscrite, à titre d’étudiante à temps partiel, au programme de baccalauréat en beaux‑arts de l’EADO.
Premiers films
Ten Cents a Dance (Parallax), réalisé en 1985, alors qu’elle est âgée d’à peine 24 ans et The Displaced View, une œuvre de 1989, filmée alors qu’elle n’a pas encore 30 ans, attirent sur Midi Onodera un intérêt considérable. Le premier est un récit en trois parties traitant des rituels sexuels à une époque où les contacts physiques deviennent plus rares; le deuxième constitue une exploration complexe, à la première personne, de l’univers culturel de la deuxième génération des Canadiens d’origine japonaise. The Displaced View est sélectionné, en 1989, pour les prix Gemini dans la catégorie du meilleur programme documentaire et obtient une citation spéciale du jury. Ces deux films montrent le talent de la cinéaste pour les récits où la fin reste ouverte. Ils lui permettent également de définir les thèmes centraux de son œuvre que sont l’identité de genre et l’identité culturelle, des axes que l’on retrouvera, à divers degrés, dans ses films ultérieurs.
Le premier long métrage de Midi Onodera sorti en salle, Skin Deep (1995), est projeté dans des festivals aussi prestigieux que le Festival international de cinéma de Rotterdam et le Festival international du film de Toronto (TIFF). Il est récompensé du prix du public pour le meilleur long métrage à l’occasion du Festival international du film gai et lesbien de Hambourg de 1995. Racontant l’histoire d’une jeune artiste travaillant sur un film centré sur le plaisir et la douleur dans le monde du tatouage, cette œuvre explore une thématique sombre liée à l’art et à la sexualité. Pour ce premier long métrage, son seul à ce jour, la cinéaste canadienne d’origine japonaise obtient un succès public et critique allant d’un accueil enthousiaste à une certaine curiosité mêlée d’incompréhension.
Films en miniature ou « vidoodles » et vidéos de courte durée (2006 à 2009)
L’intérêt de Midi Onodera pour les différents supports disponibles et les nouvelles technologies, en particulier les techniques en constante évolution des supports de communication visuelle et du jeu en ligne, la conduit à explorer les capacités de plusieurs caméras de jeu. Dans ce cadre, elle travaille notamment avec une caméra Game Boy de Nintendo modifiée, avec un microscope sur ordinateur d’Intel Mattel, avec des caméras vidéo de Tyco et de Trendmasters, dans différents formats numériques, allant du Hi8 haut de gamme aux formats bas de gamme de certains jouets numériques. De 2006 à 2007, elle publie, pendant un an, une série de vidéos en ligne quotidiennes intitulée judicieusement « A Movie a Day » (Un film par jour). Dans ces œuvres, elle étudie toute une gamme de possibilités expressives et expérimente différents effets techniques. Elle baptise ces courtes vidéos de 30 secondes à 2 minutes des « vidoodles », ce que l’on pourrait traduire par « films en miniature ». Ces vidéos en ligne peuvent être visionnées au www.midionodera.com ou au www.vidoodles.com.
Les vidoodles sont extrêmement variés, apparemment spontanés et sans signification profonde. Les récits, quand il y en a, sont des fragments tirés de ce qui apparaît comme la vie quotidienne. Parfois, on a l’impression qu’ils montrent la spécificité d’une expérience personnelle. Cependant, s’il est vrai que le spectateur se dit, dans un premier temps, en regardant chaque vidéo, qu’elle exprime des sentiments personnels, probablement ceux de l’artiste, il n’en demeure pas moins qu’après en avoir visionné un certain nombre, il a plutôt l’impression qu’on y évoque les sensations d’une autre personne, ou… de n’importe qui d’autre. D’une façon générale, Midi Onodera traite, dans ses minifilms, d’un certain nombre d’enjeux et de difficultés, mais elle semble les mentionner « en passant », comme s’ils n’existaient qu’en arrière‑plan de notre vie quotidienne. Parfois, un « message » fait surface ou apparaît sous la forme d’un texte superposé à l’écran. Par exemple, dans Don’t Walk, un feu de circulation passe de « attendre » à « marcher » et l’image caractéristique des feux de circulation où l’on voit un homme en train de marcher s’affiche avec, en surimpression, la phrase : « Les femmes ne traversent‑elles donc jamais la rue ? ».
Au cours de la dernière décennie, Midi Onodera a continué à réaliser des vidéos de forme abrégée, produisant, en moyenne, un projet vidéo chaque année. Ces œuvres sont en général organisées autour d’un thème annuel ou de stratégies structurelles traduisant l’évolution des centres d’intérêt de l’artiste. Par exemple, la série de minividéos hebdomadaires intitulée « Movie of the Week » (le film de la semaine), mise en ligne en 2009, est un hommage empreint de tendresse aux séries télévisées des années 1960, bien qu’elle vise le « public actuel des iPod », comme elle le souligne dans son introduction.
Au sujet de ces courtes vidéos, Midi Odonera remarque en 2013 : « En tant qu’artiste ayant une formation et un parcours en cinéma expérimental, les films structuralistes et matérialistes des années 1970 et le cinéma féministe du mouvement “New Narrative” des années 1980 ont influencé mon travail. » Elle ajoute que les vidéos conçues pour être visionnées sur des appareils mobiles tels qu’un iPhone « offrent la possibilité de repousser le cadre habituel des conventions narratives, et de donner une voix aux personnes qui n’ont pas habituellement la possibilité de s’exprimer, grâce à des productions viables financièrement et à l’omniprésence des appareils de vidéo mobile. »
24 FPS (2011)
En 2011, Midi Onodera explore l’évolution historique des technologies de l’image en mouvement en expérimentant une application pour iPhone appelée QuadCamera, qui lui permet de filmer des séquences de huit images à des intervalles de trois à neuf secondes. Le résultat reproduit l’effet de bégaiement des premières images animées et évoque les expériences photographiques d’Eadweard Muybridge, dont les séries séquentielles de photos d’êtres humains et de chevaux en mouvement anticipaient la technologie du cinéma. Intitulée 24 FPS, cette œuvre est décrite par la vidéaste comme un hommage aux fondations de la théorie de l’image animée.
Kicking Around (2014)
Avec sa série Kicking Around de 2014, Midi Onodera s’intéresse au potentiel que recèlent un certain nombre de contenus trouvés et regroupés plus ou moins au hasard. Après avoir récupéré des séquences de diverses sources, y compris des bouts de films personnels au format 8 mm et d’autres morceaux de pellicule mis au rebut, elle les présente pratiquement inchangés ou en y ajoutant simplement du son, de la musique ou des légendes. Le résultat est souvent bouleversant ou dérangeant, comme dans Home Movie No 5, qui associe une courte séquence hivernale ensoleillée, montrant des enfants pelletant joyeusement la neige, à une bande-son orchestrale étrange et menaçante, produite par un synthétiseur.
Dans cette même série, Midi Onodera inclut, dans son intégralité, une vidéo musicale mettant en scène un obscur groupe rock torontois des années 1960, les Sidewalk Skipper Band, couplée à un long entretien qu’elle a effectué avec deux des membres de ce groupe 30 ans plus tard. La vidéo assume son appartenance à la catégorie des artefacts qui lui confère une importance historique que le matériel utilisé n’a jamais eue à l’origine.
Lonely Videos (2017)
Dans sa série de 2017 Lonely Videos, Midi Onodera pousse encore plus loin le concept d’exploration et de remodelage de contenus culturels éphémères, en retravaillant des vidéos récupérées sur YouTube. Dans son introduction à cette série, elle fait remarquer que plus de 300 heures de vidéo sont publiées sur YouTube chaque minute, dont environ 30 % récoltent moins d’une centaine de vues. En d’autres termes, il y a sur Internet une grande quantité de vidéos qui ne seront vues que par un nombre très restreint de personnes. Elle les appelle des « lonely videos » (vidéos solitaires), dont elle dit qu’elles « attendent désespérément d’être vues ». Pour Lonely Videos, l’artiste a regardé et republié, mensuellement, une vidéo vue moins de 20 fois. Chacune de ces vidéos fait l’objet d’un traitement variable comprenant, la plupart du temps, une remise en forme, des insertions et des suppressions. Ces changements occultent généralement les intentions du créateur initial, produisant souvent des résultats humoristiques et parfois déconcertants.
My 8 Days as a War Artist (2017)
Toujours en 2017, Midi Onodera entreprend un projet plus ambitieux à partir d’images qu’elle a tournées en Afghanistan en 2006 à titre d’artiste de guerre parrainée par le Gouvernement canadien. Ce projet, intitulé My 8 Days as a War Artist, l’occupe, de façon intermittente, pendant sept ans, dans une tentative de donner un sens au temps qu’elle a passé incorporée aux Forces armées canadiennes durant la guerre en Afghanistan.
À l’origine, Midi Onodera souhaitait documenter l’expérience de la guerre à travers les yeux de ceux qui fournissent un soutien non militaire aux troupes. Cependant, son expérience en Afghanistan l’a conduite à se lancer dans une réflexion approfondie sur ses propres positions face à l’utilisation de la force militaire pour résoudre les conflits. Une grande partie de ce questionnement personnel est consignée dans un journal qu’elle rédige chaque jour et qu’elle met en ligne pour accompagner son projet. Le projet vidéo lui‑même est un récit au sein duquel le spectateur choisit son propre cheminement, composé de courtes capsules vidéo classées dans différentes rubriques intitulées « mémoire », « l’inconnu » et « ce que j’imagine ». Ces contenus permettent au spectateur de goûter à l’ennui et la terreur occasionnelle qui accompagnent la vie dans une base militaire opérationnelle avancée, et ce, sans qu’aucune conclusion ne lui soit imposée.
Autres Projets
Au cours des années suivantes, Midi Onodera poursuit ses explorations des nouvelles images et des technologies de communication émergentes. Depuis peu, elle s’intéresse à l’intelligence artificielle et à la technologie émergente des chatboxes (« robots de conversation » ou « moteurs de réponses ») dans le cadre d’un projet qui voit la création et le perfectionnement progressif (ou l’éducation) d’un « ami », son alter ego, qu’elle appelle FauxMidi. On peut trouver sa chronique de l’évolution de sa relation avec FauxMidi sur son site Web, dans le cadre du projet intitulé Soliloquy.
Thèmes et traits caractéristiques
Les préoccupations politiques et sociales de Midi Onodera sont à l’origine de la présentation et la distribution égalitaire de son art. Pour les spectateurs, toutefois, la puissance de ces courtes vidéos réside souvent dans leur potentiel d’interprétation illimité, dans leur exploitation expressive du support choisi et dans les motifs visuels connexes qui révèlent les mécanismes de leur production. Ces motifs comprennent des séquences de raccords syncopés et elliptiques, le recours à l’écran partagé ainsi que l’utilisation de matériel vidéo et audio brut de faible résolution. La courte durée met de l’avant les racines de l’histoire du cinéma en tant que médium et technologie ainsi que la manière dont les contraintes qui lui sont propres peuvent permettre, à l’instar des formes poétiques courtes que sont le haïku, voire le sonnet, de tirer la quintessence de l’expression artistique.
Dans un entretien publié en 2010 dans Imaginations : A Journal of Cross‑Cultural Image Studies, Midi Onodera déclare : « Mes films minuscules entretiennent avec le spectateur une relation très différente de celle des films sur grand écran. Contrairement au cinéma conventionnel qui fait appel à des techniques et à un vocabulaire visuel/sonore vieux de plus d’un siècle, le “minicinéma” ne s’inscrit que dans une très courte histoire, vieille d’à peine cinq ans, marquée par l’introduction par Apple de son iPod de cinquième génération. » L’artiste souhaite, à juste titre, que ses minividéos soient visionnées sur des appareils courants du marché tels que les iPod et les iPhones.
Distinctions
- Meilleur long métrage : Prix du public (Skin Deep), Festival international du film lesbien & gai de Hambourg (1995)
- Meilleur court métrage lesbien (The Basement Girl), Sapphos Movie Awards (2001)