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Midewiwin

La Midewiwin, ou Société de la grande médecine, est une société spirituelle fondée par les Algonquins des Grands Lacs supérieurs (Anishinaabes, voir Ojibwés), des praires du Nord et de la zone subarctique de l’Est. Dans le passé, la Midewiwin était très répandue, mais elle perd de l’influence après l’arrivée des Européens aux XVIIIe et XIXe siècles. Aujourd’hui, les plus grandes sociétés Midewiwin se trouvent dans certaines régions de l’Ontario, du Manitoba, du Wisconsin et du Minnesota.
Loge Midewiwin
Ossature d'une loge Midewiwin, Rainy River, Ontario. Photographie de T.L. Tanton, 1934 (avec la permission du Musée canadien des civilisations, 77894).

La Midewiwin : nature et raison d’être

La Midewiwin est une société religieuse composée de conseillers spirituels et de guérisseurs dits « Mide ». Les Mide assument le rôle de chefs spirituels pour les membres de la populace. Ils organisent des cérémonies religieuses, étudient et pratiquent les méthodes de guérison sacrées, et s’efforcent de maintenir une relation respectueuse entre les Hommes et la Terre-Mère. La Midewiwin est une facette essentielle de la vision du monde des Ojibwés, de certains autres Algonquins et des Autochtones des forêts de l’Est.

Les colons européens ont décrit la Midewiwin comme étant une société fermée et secrète. Il est vrai que la Midewiwin est une société structurée au sein de laquelle officient des initiés ayant divers grades, mais elle offre également plusieurs services au public. Sur leur lieu de prière, généralement appelé la loge Midewiwin, les Mide organisent des cérémonies religieuses destinées au grand public et aux initiés (c.-à-d. ceux qui suivent la formation pour devenir Mide). Selon Bob Goulais, membre de deuxième degré de la loge Midewiwin des Trois Feux, la Midewiwin était autrefois complètement intégrée dans la vie de tous les Ojibwés :

La loge Midewiwin était la source de notre gouvernance… [c’]était le lieu où nous priions. C’est là que nos enfants et notre peuple ont reçu leur éducation traditionnelle. C’est là que nous avons reçu notre nom et que nous nous sommes mariés. C’est là que nous nous rendions pour être guéris, conseillés et rencontrer nos amis. C’est là que nous tenions nos réunions sociales. À la fin de nos vies, nos funérailles se tenaient à la loge Midewiwin. Même ceux qui n’ont pas été initiés pour faire partie de la société Midewiwin venaient rencontrer les gens de la Midewiwin à la loge.

Les colons ont peut-être qualifié la Midewiwin de secrète parce qu’ils ne comprenaient pas ses pratiques ou qu’ils n’étaient pas bienvenus aux cérémonies Midewiwin. Il est également possible que les Européens aient voulu ainsi décrire le contrôle étroit qui entourait les enseignements sacrés ou les restrictions appliquées à l’entrée dans la société. Aux alentours du tournant du XXe siècle, il se peut en effet que la Midewiwin ait été fermée aux gens de l’extérieur (les colons blancs), mais en ces temps d’assimilation culturelle (voir Loi sur les Indiens; Pensionnats indiens; Réserves), c’était le seul moyen pour la Midewiwin de se préserver.

Histoire des origines : Création de la Midewiwin

Les Ojibwés racontent comment le Grand Manitou (ou le Grand Esprit) a créé la Midewiwin. Différentes versions de l’histoire existent, mais elles partagent toutes plusieurs points communs. Le premier est que le Manitou accorda au héros culturel Nanabozo (ou Minabozho, ou le Filou) le pouvoir et les connaissances qui vont lui permettre d’aider ceux qui sont malades, affamés ou en détresse. Le Manitou confia donc à Nanabozo les secrets de la Midewiwin. Le deuxième point commun est que Nanabohzo a lui-même transmis ces enseignements à la loutre, et lui a donné des outils supplémentaires, tels que du tabac, un tambour et une crécelle pour l’aider à soigner les malades. Ces objets et connaissances sacrés – ainsi que la loutre elle-même – demeurent des éléments importants de la spiritualité Midewiwin. En troisième lieu, les coquilles de cauri occupent une place proéminente dans les récits oraux ojibwés concernant la création et la Midewiwin. Ces coquilles sacrées sont utilisées lors des pratiques de guérison et les cérémonies de la Midewiwin.

Les premières mentions de la Midewiwin, ou des guérisseurs autochtones (voir Chaman), dans les écrits des explorateurs, des commerçants et des colons européens remontent à la dernière partie du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle. Certains historiens tiennent ces écrits comme des preuves que la Midewiwin a été établie à cette époque en réaction à la présence européenne croissante et permanente en Amérique du Nord. Les archéologues mentionnent néanmoins des preuves montrant que la Midewiwin existait déjà lorsque les Européens sont arrivés. Des parchemins Midewiwin, des sépultures et des fragments de poterie ont fait l’objet d’une datation au carbone 14 qui a permis de leur attribuer un âge compris entre 800 et 1000 ans (voir Datation en archéologie).

Les initiés : devenir membre de la Midewiwin

Suivant les communautés, la Midewiwin compte entre quatre et huit degrés pour la classification de ses membres. Chaque degré est associé à une série de rites d’initiation et à une période d’instruction portant sur la médecine et la guérison. Les plus hauts degrés correspondent aux connaissances et aux pouvoirs de guérison les plus étendus chez l’initié. Dans le passé, les Mide devaient aussi s’acquitter d’un droit pour monter en grade, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui (les initiés doivent cependant toujours faire des dons lors de certaines cérémonies et assumer les coûts de leurs déplacements vers les cérémonies et les cours qui ont lieu en dehors de la ville).

Les événements associés aux cérémonies d’initiation étaient traditionnellement représentés par des dessins faits au trait sur du parchemin. Le rang d’une personne au sein de la société était symbolisé par des marques de peinture sur le visage et la peau des animaux utilisée pour le sac Midewiwin (bourse sacrée). Les différentes peaux, qui correspondent chacun à un grade particulier, comprenaient notamment la peau de belette, de vison, des pattes d’ours ou de lynx roux, de serpent à sonnette, de hibou ou de buse.

Aujourd’hui, les initiés de la Midewiwin participent généralement à la récitation de récits et de chansons sacrées, à la pratique des soins à partir d’herbes et à l’exécution de danses censées leur conférer leurs pouvoirs de soulager et de guérir. La bourse sacrée Midewiwin reste un accessoire important de ces rituels, car il contient certains objets sacrés qui permettent aux initiés de guérir. Les Mide participent également aux sueries, à la recherche de visions et à d’autres cérémonies culturelles et spirituelles qui les aider à concentrer leurs pensées et à purifier leur corps, leur esprit et leur âme. Les Mide d’aujourd’hui doivent apprendre et pratiquer la langue de la Midewiwin – l’ojibwé.

La Midewiwin aujourd’hui

Des années d’assimilation culturelle et de restrictions gouvernementales sur les pratiques Midewiwin ont fait sérieusement diminuer la population Midewiwin. Il ne reste qu’un petit nombre de loges Midewiwin en Amérique du Nord, avec des membres de la société en Ontario, au Manitoba, au Minnesota et au Wisconsin. Des cérémonies Midewiwin sont encore tenues d’un bout à l’autre de l’année, mais celles du printemps sont généralement celles qui attirent le plus de monde, car c’est à ce moment que prennent place les initiations.

Importance

La Midewiwin est une institution spirituelle résiliente qui a survécu à la persécution religieuse et culturelle. Les Mide s’efforcent aujourd’hui de transmettre leur foi et leur système de croyances aux jeunes générations. Dans son livre The Mishomis Book (2010), le Grand Chef de la loge Midewiwin des Trois Feux, Edward Benton-Banai, raconte aux jeunes, qu’ils soient ou non d’origine autochtone, l’histoire et la culture du peuple ojibwé. De nombreux Mide assurent que les jeunes d’aujourd’hui et les Autochtones en général peuvent bénéficier d’une retour vers leur foi et leurs traditions pour vivre une vie saine.