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Migration urbaine des Autochtones

Les Autochtones forment la population la plus rurale du Canada. Un demi-million d'entre eux conservent des liens avec la terre par héritage, par des droits à une assise territoriale rurale et par une vaste série de mesures administratives mises en place par le gouvernement fédéral.
Iqaluit
Iqaluit se situe pr\u00e8s d'un camp de p\u00eache traditionnelle inuit au sud de l'\u00eele de Baffin : tous les ans, les Inuits y installaient un camp d'été pour aller p\u00eacher (photo de Barbara Brundege et Eugene Fisher).

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Les Autochtones forment la population la plus rurale du Canada. Un demi-million d'entre eux conservent des liens avec la terre par héritage, par des droits à une assise territoriale rurale et par une vaste série de mesures administratives mises en place par le gouvernement fédéral. Ces conditions sont entérinées par la LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1982, qui constitue une garantie unique au monde en faveur d'une population autochtone pour laquelle la chasse demeure le principal héritage (voir aussi DROITS ANCESTRAUX).

Redéfinition de la vie

Le système de marché ainsi que d'autres éléments de la culture canadienne moderne ont envahi la plupart des communautés autochtones à un point tel que leur mode traditionnel de subsistance est en voie d'être assimilé à une forme d'infériorité sociale, au même titre que le « chômage » et la « pauvreté ». Cette situation, conjuguée à l'accroissement de la population autochtone et à la disparition du gibier dans certaines régions, a forcé les gens à abandonner la chasse, la pêche et le piégeage et à se lancer à la recherche de « vrais emplois » et du mode de vie plus matérialiste qu'offrent les villes.

Les peuples agricoles HURONS et IROQUOIS de l'Est et SALISH, NOOTKAS, KWAKIUTLS et TSIMSHIANS de la côte de la Colombie-Britannique ont toujours mené une existence semi-urbaine à l'intérieur de grands villages. Ces sociétés sont donc mieux préparés à la vie urbaine que les Autochtones semi-nomades qui sont chasseurs par tradition. Selon le registre des Indiens de 1996, 42 p. 100 des INDIENS inscrits vivent hors des réserves. Et les populations des BANDES d'Indiens inscrits s'urbanisent parce qu'elles demeurent dans des milieux urbains ou près de ceux-ci.

Selon l'Enquête auprès des peuples autochtones de 1991, le pourcentage d'adultes qui ont déclaré avoir changé de communauté au moins une fois au cours de leur vie est de 22 p. 100 en Ontario, 21 p. 100 en Colombie-Britannique, 14 p. 100 dans les Prairies, 9 p. 100 au Québec, 8 p. 100 dans les Maritimes et 2 p. 100 dans le Nord. Ainsi, le taux de migration hors des réserves est élevé en Ontario et en Colombie-Britannique, moyen dans les Prairies et faible au Québec, dans les Maritimes et dans le NORD. Les mouvements migratoires les plus forts touchent les bandes limitées en nombre; celles dont les membres ont traditionnellement travaillé à l'extérieur des réserves; celles qui n'ont guère de possibilités d'emplois à l'intérieur des réserves; celles dont la scolarité est plus élevée; celles dont les écoles pratiquent davantage l'intégration et celles qui ne disposent pas d'une administration structurée de PREMIÈRE NATION.

Analyse de la migration autochtone

Les données précises sur la migration urbaine de la population autochtone sont très rares et la plupart de l'information dont on dispose sur sa mobilité est fondée sur les données des recensements. Dans une analyse du recensement de 1986 sur la migration autochtone, on découvre que les Indiens inscrits ayant vécu à l'extérieur des réserves sont plus enclins à changer de communauté que ceux qui ont vécu dans les réserves. Parmi les groupes autochtones, c'est chez les Indiens et les Métis qu'on trouve les plus hauts taux de migration hors des réserves.

Selon l'Enquête auprès des peuples autochtones de 1991, la proportion d'adultes ayant déménagé à un moment donné de leur vie, mais pas au cours des 12 derniers mois, était de 61 p. 100 chez les Indiens vivant actuellement dans des réserves, hors des réserves ou dans des communautés, et de 69 p. 100 chez les Métis. Parmi ceux qui ont déménagé, 41 p. 100 des Indiens et 48 p. 100 des Métis ont déclaré avoir emménagé à l'intérieur de la même communauté, et 27 p. 100 des Indiens et 26 p. 100 des Métis avaient emménagé dans leur lieu de résidence actuel après avoir quitté une communauté différente à l'intérieur du Canada.

D'après la même enquête, 40 330 Indiens et 14 590 Métis ont déclaré avoir déménagé au moins une fois au cours des 12 derniers mois. Parmi ceux-là, 22 p. 100 d'Indiens et 17 p. 100 de Métis provenaient d'une autre communauté existant au Canada.

Les Inuits sont plus éloignés des grands centres urbains que les Indiens et les Métis. Et comme ils adhèrent à un mode de vie plus traditionnel, il n'est pas étonnant que la ville les attire moins. Selon l'enquête effectuée en 1991, 3445 adultes inuits avaient déménagé au cours des 12 derniers mois. Parmi ceux-là, 29 p. 100 ont emménagé dans un autre quartier au sein de la même communauté et seulement 11 p. 100 dans une communauté différente.

Taux de croissance hors des réserves

L'adoption du projet de loi C-31 en 1985 a contribué à l'augmentation du nombre d'Indiens vivant à l'extérieur des réserves, car beaucoup d'entre eux qui avaient perdu leur statut avaient alors la possibilité de recouvrer leurs droits. En vertu de ce projet de loi, 76 000 femmes (et leurs enfants) ayant perdu leur statut par mariage pouvaient s'attendre au rétablissement de leurs droits. Conséquemment, plus de 100 000 personnes se sont ajoutées à la population d'Indiens inscrits. D'après le Registre des Indiens de 1996, la population vivant à l'extérieur des réserves est passée de 147 424 à 256 505 entre 1987 et 1996. La répartition actuelle de cette population au Canada est la suivante : 34 p. 100 dans la région de l'Atlantique, 29 p. 100 au Québec, 49 p. 100 en Ontario, 39 p. 100 dans les Prairies, 49 p. 100 en Colombie-Britannique et 37 p. 100 dans le Nord.

L'amélioration des services médicaux, d'éducation, de logement et de gestion d'entreprise a incité de nombreuses personnes à demeurer résidants, au moins de nom, d'une réserve. Bon nombre d'entre elles tentent aussi de se faire accepter par leurs bandes ancestrales et de s'établir à nouveau dans les réserves. Même si on manque d'informations directes, il y a fort à parier que la migration des villes aux réserves a été importante au cours des 10 dernières années. Selon l'Enquête auprès des peuples autochtones de 1991, le nombre d'adultes autochtones ayant changé de lieu de résidence au cours de leur vie est passé de 40 020 entre 1981 et 1985 à 140 300 entre 1986 et 1990. Il est probable qu'une proportion substantielle de ces personnes a réintégré une réserve.

En quittant la réserve, les Indiens quittent aussi une juridiction dont les services sont financés par le MINISTRE DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU NORD CANADIEN, pour se retrouver sous la compétence de dizaines d'autres organismes fédéraux et provinciaux. Les Autochtones qui migrent vers des milieux urbains doivent donc compter sur les services publics municipaux et provinciaux. Selon la Commission royale sur les peuples autochtones (1996), en 1991 le gouvernement fédéral a versé aux provinces plus de 70 milliards de dollars pour financer des programmes pour les Autochtones dans les domaines des études postsecondaires, de la santé et du Régime d'assistance publique du Canada. Le ministère du Patrimoine canadien, pour sa part, finance des programmes pour les Indiens hors réserves en versant, chaque année, plusieurs millions de dollars aux associations politiques autochtones, aux CENTRES D'AMITIÉ autochtones dans les milieux urbains, aux associations de femmes et aux associations sociales et culturelles (voir AUTOCHTONES, PROGRAMMES GOUVERNEMENTAUX CONCERNANT LES). Les centres autochtones urbains remplissent d'importantes fonctions sociales et contribuent à intégrer les divers services sociaux offerts aux Autochtones dans les villes. Winnipeg compte le plus grand nombre d'Autochtones vivant en région urbaine.

Le Rapport de la Table ronde nationale sur les préoccupations des populations urbaines autochtones (1993) fait état des problèmes et des défis auxquels font face les Autochtones qui migrent en région urbaine. Dans ses recommandations, il énumère les principaux domaines dans lesquels des services pourraient aider la population autochtone des villes : éducation, toxicomanie, invalidité, SIDA, clochardisation, LES SERVICES D'AIDE À L'ENFANCE, services sociaux, santé, chômage et logement, sensibilisation culturelle, isolement culturel, jeunes sans abri (voir AUTOCHTONES, ÉDUCATION DES; AUTOCHTONES, SANTÉ DES; AUTOCHTONES, CONDITIONS SOCIALES DES). Le rapport souligne la nécessité d'adapter les services à la culture, aux modes de vie et aux coutumes de ces individus et communautés.

Organisations autochtones urbaines

Il existe quatre catégories d'institutions autochtones urbaines (le Québec a un modèle urbain unique, plus assimilateur) : les services sociaux offerts par la communauté majoritaire; les réseaux populaires d'amis et de parents axés sur la famille où les autochtones fournissent eux-mêmes des services sociaux, comme l'assistance juridique, l'aide aux toxicomanes et le travail social selon les besoins; un ensemble d'associations bénévoles éducatives, politiques, récréatives, artistiques et religieuses; les services universitaires et professionnels mis sur pied par les autochtones. Il importe aussi de souligner la créativité culturelle qui se manifeste dans le nouveau genre de société autochtone qui se développe dans les villes canadiennes.

Les femmes autochtones tendent à poursuivre davantage leurs études et à accepter des emplois moins rémunérés mais plus réguliers que ceux des hommes, et elles représentent 54 p. 100 des autochtones qui migrent vers des milieux urbains dans tout le pays. Une étude menée en 1978 par l'Association des femmes autochtones de l'Ontario auprès de 1094 femmes indiennes, démontre qu'en ce qui concerne les activités et les attitudes, il y a très peu de différences entre les femmes vivant dans les réserves et celles qui habitent à l'extérieur de celles-ci. La plupart des Indiens qui ont quitté les réserves demeurent dans des villes ou à proximité et continuent d'entretenir des liens proches avec les parents et amis qui vivent dans les réserves (voir FEMMES AUTOCHTONES, QUESTIONS RELATIVES AUX).

Intégration

Des études menées partout au pays indiquent que la pénurie de logement, la croissance de la population et le manque de travail dans les réserves sont les principales raisons pour lesquelles les jeunes autochtones migrent vers les villes. Certains Autochtones urbains correspondent et retournent régulièrement dans leurs réserves, tandis que d'autres s'installent dans les villes en permanence. Le succès de l'adaptation au milieu urbain dépend de plusieurs facteurs : les antécédents culturels des diverses personnes selon l'évolution traditionnelle de leur héritage social autochtone; des éléments de nature historique, tels que la durée et l'importance des contacts avec les Blancs; la proximité de leurs communautés par rapport aux centres urbains; la qualité de l'accueil des Blancs, l'ampleur des PRÉJUGÉS ET DE LA DISCRIMINATION à l'égard des Autochtones; et la nature de l'engagement des institutions autochtones urbaines dans la ville où ils s'installent.

Une évaluation du succès de l'intégration au milieu urbain dans diverses régions du pays accorde la première place au Québec, où peu d'Autochtones quittent les réserves, mais où ceux qui migrent vers les villes y sont relativement bien accueillis. Le Sud de l'Ontario, le Sud de l'Alberta et Vancouver se classent en deuxième place. Viennent ensuite la Colombie-Britannique, le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et les Maritimes; et finalement le Nord de l'Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et le Nord de l'Ontario, qui offrent les pires conditions d'intégration urbaine à cause de l'ampleur du RACISME, de la piètre organisation sociale des bandes, de l'éloignement des centres urbains et de la jeunesse relative des institutions urbaines pour les groupes autochtones.

L'urbanisation dans l'Arctique, de la Sibérie au Groenland, s'est manifestée par la concentration de centaines de petits groupes de chasseurs autochtones semi-nomades dans des dizaines de villages permanents et dans quelques villes comme INUVIK et IQALUIT (Frobisher Bay). Étant donné que les INUITS et les personnes d'autres origines sont appelés à vivre ensemble dans les mêmes communautés, les gens apprennent à se connaître et il y existe moins de préjugés et de discrimination que dans le Nord des Prairies, où les Indiens et les Métis ont tendance à demeurer dans les réserves ou d'autres communautés séparées des villes des Blancs. Dans l'Arctique, où il y a un fort roulement de travailleurs soumis aux conditions de chantiers éphémères, les problèmes sociaux surgissent surtout dans les grandes villes, comme à TUKTOYAKTUK, base de l'exploration pétrolière dans la mer de Beaufort.