Molt, Théodore Frédéric
Théodore Frédéric (né Johann Friedrich) Molt. Professeur, auteur, pianiste, organiste (Gschwend, près Stuttgart, 13 février 1795 - Burlington, Vt, 16 ou 19 novembre 1856). Fils d'un organiste et maître d'école luthérien, il reçut ses premières leçons musicales de son père et d'un frère aîné. Peu après son entrée à l'université, il devint soldat dans l'armée de Napoléon et fut comptable et payeur adj. de son régiment. « Ils atteignirent Waterloo le jour de la bataille (1815), trop tard pour participer au combat mais à temps pour apercevoir le champ couvert de morts et de mourants - une scène qui demeura par la suite un souvenir vivace en son esprit » (Converse). Après avoir quitté l'armée, il étudia la musique et, en 1822, arriva à Québec. Dans cette ville, il s'établit comme prof. « de piano, de basse chiffrée et de musique » (Quebec Mercury 21 juin 1822), épousa en 1823 une fille de F.-H. Glackemeyer, Henriette, pianiste, et fonda la Juvenile Harmonic Society (1824) dont les élèves donnèrent des récitals. Cependant, son mobilier et ses instruments de musique furent vendus aux enchères en juin 1825 et il partit pour l'Europe parfaire sa formation. À son retour l'année suivante, il fit savoir qu'il avait étudié avec Beethoven, Czerny et Moscheles (Gazette de Québec, 8 juin 1826). Converse ajoute le nom de Schubert. Seule la visite à Beethoven est consignée dans des documents musicaux et il est évident que Beethoven ne lui a pas donné de leçons. Molt s'annonça ainsi par écrit au compositeur sourd : « Je suis un professeur de musique à Québec en Amérique du Nord. Vos oeuvres m'ont enchanté si souvent que je considère qu'il est de mon devoir de vous témoigner ma reconnaissance... » Quelques jours plus tard, il écrivit une lettre à Beethoven en incluant une feuille blanche sur laquelle il demanda au compositeur d'écrire « du fond de son grand coeur » un souvenir « qui restera pour moi, à une distance qu'il me faudra presque 3000 heures pour parcourir, un document éternellement précieux » (Thayer, édition allemande seulement; Riemann, dir., Leipzig 1923, trad. par H. Kallmann). Beethoven accepta et, le 16 décembre 1825 (jour de son 55e ;anniversaire), il présenta à Molt le canon « Freu Dich des Lebens » (Kinsky, oeuvre sans numéro d'opus, 195). Le manuscrit, jadis en possession d'un des fils de Molt, fut acquis en 1933 par l'antiquaire berlinois J.A. Stargardt. Quelque 30 ans plus tard, il se trouvait à New York lors d'une vente aux enchères de documents autographes, et en 1966, un bibliophile de Montréal, Lawrence Lande (voir collections Lande), en fit l'acquisition. La Bibliothèque nationale du Canada l'acheta en 1979. Alexander Brott s'est inspiré du canon pour écrire Paraphrase in Polyphony en 1967.
Molt enseigna le piano, l'orgue, le violon, le chant et la basse chiffrée, aussi bien en privé que comme professeur attaché à des établissements : à Québec de 1822 (ou 1823) à 1825, de 1826 à 1833 et de 1841 (ou 1840) à 1849 (séminaire de Québec et Hôpital général), et à Burlington, Vt, de 1833 à 1841 (ou 1840) et de 1849 à 1856 (Burlington Female Seminary à partir de 1835), sauf pour une courte période en 1837, alors qu'il tenta de s'établir à Montréal. Comme F.H. Glackemeyer, il se convertit au catholicisme romain et fut o. m. c. à la basilique de Québec (1841-49). Il fut le premier organiste de cette église à jouer lors des célébrations de la Saint-Jean-Baptiste. Au début des années 1840, il forma à la cathédrale de Québec un choeur d'amateurs qui devint plus tard la Société philharmonique. Cet ensemble de 36 voix présenta trois concerts en 1844.
Professeur respecté et laborieux, Molt rédigea au Canada plusieurs des premiers ouvrages de pédagogie musicale, dont le premier en deux langues. Il commença la publication d'une série intitulée « The Favorites of Germany, a series of waltzes by different composers, selected and fingered for the pianoforte by T.F. Molt », mais on en avait retrouvé qu'un seul numéro en 1991, une valse de Bruno Held (sans date). En 1841, il voulut publier un mensuel de musique religieuse. En 1842, il invita le public à présenter des chansons en vue d'une anthologie de chansons canadiennes. Il publia la première version de sa composition « Sol canadien, terre chérie » (paroles d'Isidore Bédard, 1829), l'un des plus anciens chants patriotiques canadiens. Ses autres compositions incluent la chanson « Know'st Thou the Land » et, pour le piano, Post Horn Waltz with Variations (publiées à Philadelphie, probablement dans les années 1830) et Six Variations on « Na bissel a Lieb und na bissel a Treu » par « J.F. Molt de Gschwend » (sans date et sans éditeur, conservées à la bibliothèque d'État de Berlin). La British Library possède Eight Airs for Two Performers on One Piano (Londres 1825?) et la Bibliothèque du Congrès, quatre pièces pour piano de « Molt » publiées à New York en 1840-41. Un Thème et variations pour flûte et piano a été enregistré en 1982 par l'Ensemble Nouvelle-France (Siscom SC-08211). Le Universal-Handbuch der Musikliteratur de Pazdírek en mentionne quelques autres. De son accompagnement de « Myrtillo's Lament », extrait de Il Pastor fido, le Harmonicon de Londres écrivit cependant (1827) : « ... nous avons rarement vu tant de mauvais goût, pour ne pas dire d'erreurs, dans une oeuvre si courte ». Le manuscrit d'une Messe de Molt est conservé dans la collection Desrochers de l'Université Laval et la Bibliothèque nationale du Canada possède deux cahiers de « Music sacrée ». En 1832, Molt breveta son « Chromatomètre » (voir Inventions et appareils).
Deux des fils de Molt furent musiciens : Theodore E. (v. 1824 - 1863) enseigna le piano au Burlington Female Seminary et Hermann (v. 1825 - 1864) enseigna la musique à Montréal.