Je faisais partie de la dernière compagnie (compagnie D du 1er Bataillon, Royal 22e Régiment). Quand je suis arrivé là, ils faisaient de l’entrainement dans le « bullpen » (terrain d’exercice) avec le 1er Bataillon (Royal 22e Régiment). Puis les premiers Coréens qu’on a vus, on les a vus dans les villes comme Pusan et tout ça. Mais quand on est monté sur les lignes, il y en avait encore. Ils étaient directement en arrière des lignes. Il y en avait qui avait des fermes et ils étaient directement en arrière des lignes. Je ne dis pas qu’ils étaient à la base de la montagne là, mais on était assez loin.
Et les Chinois n’avaient pas d’aviation. Cela fait qu’à mesure qu’ils se montraient la noix, l’aviation américaine venait. Alors ils faisaient toutes leurs attaques et tout se faisait la nuit. Cela fait que nous autres, le jour, on dormait, on mangeait, on se reposait. Naturellement, il y avait de la garde. Il y avait tout ça. La nuit, tout le monde est (prêt). Et puis juste avant la dernière lumière du jour, tout le monde, on attend. La brunante, c’est plus dangereux pour s’avancer. Puis la même chose le matin parce qu’on pense qu’ils ne peuvent pas le faire, ça ne veut pas dire qu’ils ne le feront pas. Ça se passe toute la nuit, dans les tranchées puis on fait des patrouilles.
On faisait différentes patrouilles, il y avait des patrouilles qui se faisaient. Normalement, quand on faisait ça, on prenait la moitié d’un peloton puis on prenait l’autre moitié d’un autre peloton, puis là, ils sortaient. Ou l’on était trois dans le champ qui allait voir ce qui se passait. Ça, ça se décide tout dans l’Échelon B (au niveau des états-majors à l’arrière du front). Ça dépend ce que les « boss » (officiers) veulent, ce que les grands « boss » veulent. Puis après ça s’est décidé comment grosse va être la patrouille. Puis quand ça descend à nous autres, ils nous disent « c’est une patrouille de reconnaissance qu’on veut et puis on veut savoir qu’est-ce qui se passe là, là et là. ». Ou c’est une « figthing patrol », une patrouille de bataille. Ils nous disent où qu’ils veulent (aller) puis tout ça.
(La blessure du soldat Baker)
J’ai fait dix-sept « fighting » (« patrols »). Il y en avait des grosses et des plus petites o.k. Puis j’ai fait huit ou neuf patrouilles de reconnaissance à trois. On avait fait une « fighting » puis on a perdu (le soldat) Baker. On l’a perdu et cela fait que quand il est tombé, j’ai été le voir, il y en avait deux. J’étais un petit peu plus en arrière, mais c’est moi qui avais le « kit » de premiers soins avec de gros bandeaux puis tout. Puis il avait un trou dans la tête. L’autre (soldat), on ne voyait rien, mais il était sans connaissance. Cela fait que moi et un autre avons décidé de l’emmener, on l’a glissé parce que ça tirait encore. On l’a glissé et puis en tous les cas, il était mort. Ils nous ont dit qu’il était mort. Cela fait que Baker, on l’a laissé là.
J’étais à Ottawa, je suis revenu. On a soixante jours. On a trente jours de « leave » (permission) qu’on était supposé d’avoir, nous, chaque année. La seule fois que j’en ai eu trente, c’est là, puis trente (journées) spéciales. Puis là, je suis assis au cinéma Rideau à Ottawa, j’avais une blonde que je m’étais faite. Puis là, ils montrent les premiers prisonniers canadiens libérés. Qui débarque de l’avion? Baker! Je ne lui ai jamais reparlé après ça parce qu’on ne s’est plus revus. Je n’ai pas été le voir pour lui dire que je l’avais laissé là non plus. Il parait qu’il avait encore la balle dans la tête. Ils ne lui avaient pas enlevé.
(Interviewer) : « Vous étiez certain qu’il était mort quand vous l’avez laissé? » Oui, oui, oui, ça m’a bien achalé ça.
(La mort du lance-caporal Maurice Ladouceur, septembre 1952)
C’est un gars du 2e (Bataillon) qui avait pogné une petite maladie. Ils l’ont gardé là. Il fallait qu’il reste. Le 2e est parti (vers le Canada) puis, lui, ils l’ont gardé (transféré au 1er Bataillon). Ils l’ont renvoyé sur la ligne puis on a eu une attaque. Mais lui était sorti (en patrouille), il était sur le « outpost » (avant-poste). Ils l’ont mis sur la ligne. D’après moi, ils n’auraient jamais dû le retourner sur la ligne, il avait fait son temps. En tous les cas. Il était sur le « outpost », je pense que c’est Ladouceur son nom, mais je ne suis pas sûr (Maurice Joseph Gaston Ladouceur de Saint-Jovite, disparu, présumé mort, le 6 septembre 1952).
On avait un champ de mines électrique, puis là, on se faisait attaquer à côté du champ de mines. Cela fait qu’on a décidé d’aller les sortir de là. Ça ne devait être qu’une patrouille ça. Parce qu’il y avait un peloton en avant de nous autres et c’est là que l’action se passait, donc nous sommes allés de côté. Quand on est venu pour entrer dans la « trail » (sentier) qui était « clearée » (dégagée), qu’on savait qu’elle était « clearée ». Il nous a crié : « C’est une « ambush » (embuscade), dans ce temps-là on appelait ça de même. C’est un piège en d’autres mots. C’est un piège, cela fait qu’on a reculé. Le lendemain, on y a été, pendant le jour. Puis lui, il n’était plus là. Puis on n’en a jamais entendu parler. Il n’est pas revenu avec les prisonniers et ça m’a agacé.