Project Mémoire

Martin Boomsma

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Martin Boomsma
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Une carte de la région aux alentours de la ville d’Oosterberium où Martin Boomsma habitait et qui fut libérée par les troupes canadiennes.
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Un drapeau avec les mots suivants écrit par un Hollandais : « Merci au Canada - Salutations d’Oosterbierum ». Il a été conservé par un soldat canadien jusqu’à sa mort et a été retourné à Oosterbierum après.
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Une photo aérienne de la petite ville d’Oosterberium aux Pays-Bas.
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Quelqu’un a hurlé quelque chose dans le couloir, et vous savez, la tension était importante, il y avait beaucoup de tension dans l’air et en tout cas, on s’est tous précipités à l’extérieur de l’école, et il y avait des véhicules militaires avec des soldats alliés qui traversaient le village.

Mon père était dans l’armée hollandaise, et en fait, il a combattu les nazis quand ils ont envahi la Hollande en mai 1940, et je me souviens de lui quand il est rentré à la maison vêtu de son uniforme, le sentiment de peur était très présent, je pense que le plus frappant pour moi en ce qui concerne la guerre c’est quand les soldats allemands étaient dans les parages, qu’est-ce qu’ils fabriquaient, où allaient-ils faire une descente, parce que vous savez, tous les hommes qui avaient entre 18 et 45 ans devaient se porter volontaires pour servir de main d’œuvre à l’Allemagne, mais très peu s’y soumettaient alors de temps à autre ils faisaient une descente dans le village, fermaient tout et réquisitionnaient tous les hommes qui appartenaient à cette tranche d’âge.

Et donc dès que les Allemands s’activaient un peu pendant la journée, il y avait cette crainte, qu’est-ce qu’ils fabriquaient, qu’est-ce qu’ils cherchent, parce que ça ne se produisait pas tous les jours, ça arrivait seulement de temps en temps, et mon père était dans cette tranche d’âge, alors ma mère me disait qu’il allait s’absenter pendant la nuit s’il y avait le moindre remue-ménage, il allait partir la nuit, et je demandais : « Où va-t-il ? » Et elle répondait : « Il va rendre visite à une très vielle dame comme ça quand les Allemands seront à la porte ils verront bien qu’il n’y a pas d’homme jeune dans cette maison. » J’ai découvert après la guerre qu’il avait construit une double cloison dans le grenier en fait, et il passait parfois la nuit là-haut.

Un jour, les Allemands étaient dans le coin et maman a dit : « Oui, papa va s’en aller ce soir. » Et je l’ai entendu tousser pendant la nuit, et le matin, j’ai crié, et encore une fois, j’étais en haut dans le même grenier, mais vous savez : « Maman ! Je croyais que papa devait partir hier soir, mais je l’ai entendu tousser cette nuit. » Et ma mère est montée quatre à quatre et m’a dit : « Martin, ne dis jamais, jamais des choses comme ça qu’on pourrait entendre dehors. » C’était une crainte énorme parce qu’il y avait beaucoup de collaborateurs, des collaborateurs hollandais.

Vous savez il y avait, et particulièrement le dernier hiver là-bas, l’hiver de la faim comme on disait en Hollande, on n’avait pas de mazout, on n’avait pas de lumière, on devait se rendre tous les jours à la crèmerie dans le village voisin qui était à deux kilomètres de chez nous, et avec nos tickets de rationnement, on allait chercher de la nourriture chaude préparée à la laiterie où ils avaient du mazout évidemment, mais sinon le gaz était coupé, l’électricité était coupée, on n’avait pas de charbon, on brûlait du bois vert provenant de quelques arbres coupés dans les alentours.

Alors on a vécu avec très peu de choses, vous savez, tout ce qu’on utilise normalement, mais qu’on n’avait pas du tout pendant cette dernière période de la guerre, le dernier… en particulier le dernier hiver.

Je crois que je ne comprenais pas vraiment ce qui se passait à l’époque, mais je sais que quand on a passé deux nuits entières à observer les Allemands se retirer, et à entendre parler de la libération, et on, et entendre dire que la libération était à notre porte, et puis la veille du jour où on a été libérés, le… c’était le 15 avril, un dimanche après-midi, le drapeau hollandais a été mis en berne sur la flèche de la bourgade à cinq kilomètres à travers la campagne de là où on habitait, et c’était une commune plus grande et le drapeau hollandais a été érigé et les gens disaient que ça voulait dire qu’on avait été libérés, mais on nous avait recommandé la prudence en ce qui concernait les célébrations, ne sortez pas les drapeaux, vous n’avez pas encore été libérés et les Allemands sont repliés in harbour comme ils disaient vous savez, c’est à dire qu’ils étaient dans une position défensive à une dizaine de kilomètres de chez nous, ils pouvaient donc revenir dans la soirée, et s’ils trouvaient des drapeaux, les drapeaux hollandais en berne, etcétéra, vous savez, il y aurait des représailles.

Donc je me souviens de ça et le jour précédent et puis le lendemain matin, le lundi 16 avril on était en classe dans notre maison, ou alors on était de retour dans l’école à ce moment-là, parce qu’on était au mois d’avril et il faisait bien meilleur et on n’avait pas besoin de chauffage, et on était en classe et quelqu’un a hurlé quelque chose dans le couloir, et vous savez, la tension était importante, il y avait beaucoup de tension dans l’air et en tout cas, on s’est tous précipités à l’extérieur de l’école, et il y avait des véhicules militaires avec des soldats alliés qui traversaient le village.

Pour nous à l’époque les Alliés c’était des « Tommies » et je n’ai appris que plus tard dans la journée, dans l’après-midi, parce que mon père et quelques autres ont suivi les soldats et ils ont marché huit kilomètres et ensuite ils se sont préparés à attaquer cette ville où les Allemands étaient retranchés dans une position défensive, et ils sont partis là-bas cet après-midi-là, et quand mon père est rentré, il a dit que ce n’était pas des « Tommies » ou des Anglais, ceux-là c’était des Canadiens, et j’avais seulement huit ans à l’époque et je n’avais jamais entendu parler d’un pays qui s’appelait le Canada, alors il s’agissait de quelque chose de tout nouveau pour moi.