Project Mémoire

Frank Jefferies

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Après la Deuxième Guerre mondiale, Frank Jefferies rejoint le régiment Princess Patricia Canadian Light Infantry. En 1951, après avoir suivis un cours officiers, il servi comme officier subalterne au Royal 22e Régiment. Il a été envoyé à la Corée en tant que renfort pour le 2e Bataillon, Royal 22e Régiment. Jefferies discute la vie aux lignes de front, y compris des patrouilles d'infanterie canadiennes et de l'équipement canadien et de l'artillerie chinoise et des patrouilles chinoises.
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Le sergent Lafresnaye (peloton no. 9, compagnie C, 1R22eR) (à gauche) et le sous-lieutenant Jefferies à l’entrée de la sape du poste de commandement du peloton. Corée, mai 1953.
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Le peloton no. 9 de la compagnie C du 1er Bataillon du Royal 22e Régiment positionné en réserve et posant en compagnie de militaires sud-coréens du KATCOM (Korean Augmentation to Commonwealth) incorporés à l’unité. Corée, avril 1953.
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Les soldats Martel, Thibeault et le caporal Martin en train de creuser une sape près d’une tranchée. Corée, janvier 1953.
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Une section du peloton no. 9 de la compagnie C du 1er Bataillon du Royal 22e Régiment prenant une pause dans la cadre de travaux d’amélioration d’une position défensive. Corée, mars 1953.
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Des soldats du peloton no. 9 de la compagnie C du 1er Bataillon du Royal 22e Régiment prenant le petit déjeuner sur une position de réserve. Corée, mars 1953.
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Un obus atterrissait, et le suivant tombait devant lui, à quelques deux cents mètres disons et le suivant lui à une centaine de mètres, alors on savait qu’ils prenaient des mesures d’après la manière dont les obus arrivaient.

Et, quand je suis allé sur la ligne, la bataille endiablée qui s’était déroulée, entre les Coréens du nord et du sud, et avec les Nations Unies, aussi, s’était stabilisée jusqu’à un certain point et se trouvait désormais dans des positions défensives. Et là où se trouvaient l’unité canadienne c’était, la brigade canadienne (25e Brigade d’infanterie canadienne), se trouvait le long de ce, ça s’appelait la vallée de la Samich’on, avec nos forces au sud, et à ce moment-là les Chinois étaient entrés en guerre, et on avait en face de nous les forces chinoises sur le côté nord de la rivière. Alors, quand on est montés là-haut et qu’on a vu que c’était à peu près comme pendant la Deuxième Guerre mondiale, la guerre des tranchées, car on avait des tranchées de tir, mais celles-ci étaient toutes reliées entre elles. Et, alors elles offraient une certaine protection on pourrait dire, quand on allait d’un point à un autre. La seule grosse différence avec la Première Guerre mondiale c’était la distance qui nous séparait. On était – la manière dont la ligne était dessinée, on était dans les collines au sud de la rivière, et elle faisait un léger coude et puis repartait, donc dans un secteur il y avait environ 300 mètres entre les Chinois et la rivière, et à d’autres endroits on était à 1500-1800 mètres environ. Il y avait un sacré bout pour revenir de la rivière.

Et alors c’est ce qu’on a trouvé, mais c’était bien les soldats qui avaient fait les tranchées et ils avaient grappillé assez de matériel pour faire des sorte de lits de fortune dans les tranchées. Ils s’étaient occupés de mettre des mines sur tous les fronts, et aussi des fils barbelés autour de chaque position. Et alors c’était, comme je l’ai dit, ça ressemblait à la Première Guerre mondiale et on était en permanence harcelés, des feu d’artillerie, à certains moments c’était les tirs étaient fournis et à d’autres juste un coup par-ci un coup par-là pour, pour nous rappeler que l’ennemi était de l’autre côté de la rivière.

J’ai trouvé à l’époque, parce qu’on était dans des positions défensives, notre activité principale c’était de patrouiller. Et ces patrouilles allaient de la simple reconnaissance avec seulement trois personnes – j’ai fait un certain nombre de ces patrouilles de reconnaissance – et j’avais deux hommes avec moi, et bien sûr on avait des radios et si c’était une patrouille de reconnaissance, en général je portais moi-même la radio. Mais aussi de temps à autres quand on essayait de – découvrir où certains Chinois opéraient, on envoyait plutôt des patrouilles de combat et ça pouvait comprendre jusqu’à une trentaine de personnes, une trentaine de soldats.

J’en ai fait ce qu’on appelait une patrouille d’infiltration. On essayait d’évaluer de manière certaine si les Chinois opéraient sur deux collines en particulier. Et, j’ai vérifié sur un rapport de patrouille qui provenait d’une patrouille qui avait traversé la rivière Samich’on et il y avait une zone sur la rivière Samich’on où l’eau était très basse, et c’était facile de traverser à gué par là et j’ai vérifié et le dernier rapport montrait que l’eau arrivait à la hauteur de la cheville. Alors, j’ai commandé des bottes pour nous trois, des bottes imperméables, qui remontaient presque jusqu’aux genoux. Mais, quand on a traversé – et à ce moment-là c’était l’hiver, et il faisait très froid, il faisait dans les moins 10 degrés Celsius quand on a fait la patrouille. Mais quand on est arrivé à la rivière, on a découvert que l’eau passait largement au-dessus de nos bottes alors, il a fallu qu’on – juste après avoir traversé la rivière, il a fallu qu’on vide l’eau de nos bottes et qu’on les sèche autant que faire se peut. Et ensuite on a continué la patrouille et on s’est posés dans un endroit où je pouvais surveiller ces deux positions et découvrit, que dans l’une d’entre elles il y avait des Chinois qui s’activaient. Mais, quand on est rentrés, une fois encore, on devait traverser la rivière et tremper nos (bottes) – ça, et le truc c’était qu’on était allongés là-bas et que, même si on avait vidé l’eau de nos bottes, il en restait un peu – nos chaussettes étaient mouillées, et un des soldats qui était avec moi a malheureusement eu des engelures et il a fallu le faire évacuer après le retour à notre position (défensive).

Comme je l’ai mentionné précédemment, on a subit des tirs de harcèlement, et par moments, parfois on, il devait y avoir de nouvelles unités de l’artillerie qui étaient amenées côté Chinois et ils enregistraient différentes cibles là où on se trouvait. Quelquefois ça devenait carrément ennuyeux, c’est le moins qu’on puisse dire, mais on savait toujours quand ils faisaient ces enregistrements, parce qu’on se prenait un - un obus atterrissait, et le suivant tombait devant lui, à quelques deux cents mètres disons et le suivant lui à une centaine de mètres, alors on savait qu’ils prenaient des mesures d’après la manière dont les obus arrivaient.

Et, on avait l’habitude de, pendant la journée, on renvoyait ce qu’on appelait des « shelrep » (« shell reports »), et on avait – l’obus arrivait et on entendait le canon (de l’ennemi) à l’endroit où ils tiraient et on était capable de prendre – en utilisant une boussole – de faire un relèvement de position avec ce son, et puis on rapportait ça au – quartier général du bataillon, et ensuite avec les autres unités qui faisaient la même chose, on était capable d’effectuer une triangulation précise de l’endroit d’où provenaient les tirs de canons. Donc c’était une chose qui nous maintenant occupés pendant la journée.

À chaque (Jour du) Souvenir, je me souviens tout spécialement de deux gars de mon peloton. L’un a été tué de plein fouet par un obus. Un jeune gars du Québec, il avait tout juste 19 ans. Et, pendant l’inspection du matin, je lui avais dit, j’avais dit : « Après le petit-déjeuner… » - parce que ce qui s’était passé, pendant l’inspection j’avais découvert un peu de rouille dans certains des magasins de son fusil mitrailleur, et je lui ai dit de revenir après le petit-déjeuner pour les nettoyer. Et c’est ce qu’il était en train de faire quand l’obus lui est tombé dessus. Et, ça m’a vraiment bouleversé sur le moment.