Project Mémoire

Eldon Rogers

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

M. Eldon Willard Rogers est un vétéran de la Guerre de Corée qui fut déployé outre-mer en 1954 comme opérateur radio attaché au Black Watch (The Royal Highland Regiment) of Canada et au 4e Battalion, The Canadian Guards pendant la période du maintien de la paix ayant suivi la signature d'un cessez-le-feu l'année précédente.
Le Projet Mémoire
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M. Eldon Willard Rogers, novembre 2012.
Le Projet Mémoire
Il m’a dit : « Je t’ai enrôlé pour la Corée. Qu’est-ce que tu en penses ? »

Donc ils m’ont affecté là-haut à Camp Borden [Ontario] et pendant que j’étais là-bas, chaque semaine ils emmenaient plein de techniciens dans le nord à l’endroit qu’ils appelaient « Meefer Grange ». C’était là-bas qu’ils s’entraînaient avec les chars et ce qui se passait aussi là-haut, c’est qu’ils pouvaient faire des bombardements intensifs. Et tout d’abord, un char a besoin d’avoir tous ses instruments électroniques en parfait état de marche ou alors il ne sert à rien. Alors je suis monté là-haut et au milieu de la semaine à peu près un responsable de la paie est venu de Camp Borden et il m’a dit que le SMR [sergent-major régimentaire] voulait me voir immédiatement. Je n’ai pas moyen de retourner à Borden aujourd’hui. Et il a ajouté : « Je rentre demain matin, tu peux m’accompagner. » Donc je suis reparti avec lui le lendemain.

Suis allé au bureau du sergent-major régimentaire et j’ai dit :  « Signaleur Rogers ici. Vous avez demandé à me voir ? » et il a répondu oui. Il m’a dit : « Je t’ai enrôlé pour la Corée. Qu’est-ce que tu en penses ? » Et ça je le raconte à tout le monde. Je lui ai dit ce que j’en pensais, mais je suis parti quand même. Donc j’ai eu une permission et puis j’ai fait toutes mes piqures, et après un train de soldats, de là jusqu’à Vancouver et on a pris la mer à Seattle.

Et le voyage s’est plutôt bien passé. On a accosté à Sasebo au Japon. On y est resté quelques jours. Il y avait quelques bricoles à faire sur le navire. C’était un navire de la marine américaine, un USNS Marine Serpent, sur lequel on a fait la traversée, c’était, j’ai oublié combien de personnes se trouvaient à son bord, mais ce n’était pas un très grand navire. Mais ce n’était pas trop mal. Je me suis rendu compte que si je mangeais en permanence je ne souffrais pas du mal de mer.

Mais, en tout cas, ensuite de Sasebo, c’est l’endroit où on a débarqué au Japon, ensuite on est remontés jusqu’à Inchon [Corée du Sud] et ensuite on a continué jusqu’au quartier général canadien. Et j’ai passé la plupart du temps en poste juste là au quartier général et juste au nord de la rivière Imjin. Et un peu plus tard, je suis parti dans le bataillon du Black Watch [2e bataillon]. J’ai passé deux ou trois mois là-bas et puis deux mois avec les Canadian Guards [4e bataillon] et je suis rentré au quartier général et ensuite chez moi.

On était à bord du USNS General John Pope et c’était un grand navire. Je dirais que l’étrave de ce navire était à 25 mètres au-dessus de l’eau et il passait au-dessus d’une vague et plongeait à la suivante. Ils ne nous ont pas laissés sortir sur le pont pendant trois jours. Et les deux vis un peu plus loin à l’arrière, sortaient de l’eau et remontaient et vous entendiez les moteurs quand ils accéléraient et quand ça retombait et qu’ils arrivaient à fleur d’eau, la queue, elle tremblait.

Et une nuit, aux environs de minuit, il y a eu un gros bang qui a traversé le bateau tout entier. Et après ça, les choses ont changé. On n’a su qu’après coup deux jours plus tard qu’en fait on était au large des îles Aléoutiennes. Et on a pris le cap au sud et on s’est dirigé vers Hawaï pour échapper à la tempête.

J’avais compris que, juste une petite digression, comme je l’ai mentionné auparavant, quand je mangeais, je n’avais pas le mal de mer, alors quand ils ont demandé des volontaires pour remonter les rations des cales jusqu’aux cuisines, je m’étais porté volontaire, car j’arrivais toujours à grappiller quelque chose à manger en chemin. Et la dernière nuit en mer, le matelot qui était avec nous a dit qu’il y avait une cale où on n’était encore jamais allés. Et il a déverrouillé la porte, l’a ouverte, a allumé toutes les lumières et on est entrés et on s’est assis, de la nourriture jusqu’au plafond. Et il nous a dit de regarder en l’air. Et en travers du, de part en part du navire, il y avait de grosses poutres en I, des poutres métalliques de cette hauteur à peu près. L’une d’elles était cassée et s’écartait de tout ça et c’était l’origine du bang qu’on avait entendu. Vrillée elle était, et il y avait toute une brigade de Canadiens et aussi près de 2000 Américains à bord je dirais. Il y avait beaucoup de monde à bord de cette chose.

En tout cas, on a viré au sud à la hauteur des Aléoutiennes et on s’est retrouvés au large d’Hawaï. On a passé 29 jours en pleine mer sans voir terre pendant notre retour au pays.