Le premier grand combat de mon bataillon c’était la montagne à côté d’un village qui s’appelait Chai li. Le pic en question était le 375, je crois. Et mon peloton [11e peloton], mon objectif c’était le sommet de ce pic montagneux qui était aux mains des Chinois. Et le combat a été acharné ce jour-là. On a commencé, on a bivouaqué sur le bord de la route, et à cinq heures du matin sous une pluie diluvienne, on a commencé notre attaque qui a démarré à six heures du matin en fait. Et assez rapidement, on a perdu un, pratiquement tout un peloton de la compagnie.
Avec mon peloton et un autre aussi on a continué à se battre et réussi à aller jusqu’au sommet. Et j’ai atteint mon objectif. Mais le problème qu’ils n’avaient pas prévu ni compris auparavant, c’est que cette colline, elle avait deux pics en réalité. Donc on avait pris un pic et sur l’autre pic, qui se trouvait à une cinquantaine de mètres, il y avait une mitrailleuse chinoise solidement plantée et qu’on n’arrivait pas à faire taire. Et je m’attendais à ce qu’on me donne l’ordre de redescendre pour m’emparer de cette mitrailleuse, parce qu’il fallait d’abord descendre dans une petite vallée et puis remonter. Et j’attendais les ordres, tout en sachant que personne, si l’ordre était donné, personne ne s’en sortirait vivant, on se ferait tous tuer. Et Dieu merci, on ne nous a pas donné l’ordre, et on est restés là où on était sur notre petit pic.
Mais vers quatre heures de l’après-midi, le commandant de ma compagnie, Harry Boats qui était originaire de la Nouvelle-Écosse, un officier très courageux, il avait la Médaille militaire et c’était un homme formidable, j’étais assis à côté de lui, dans la contre-pente de la colline. Et l’officier observateur de l’artillerie était assis de l’autre côté de lui et on regardait une carte et un mortier est tombé dans la vallée et l’explosion est remontée et il a perdu les deux jambes.
Et après ça, des quatre officiers que comptait la compagnie, il n’en restait plus que deux, et l’autre c’était Jimmy Cowan qui avait le 10e peloton. J’avais le 11e peloton. Et tous les deux, on a été pour ainsi dire laissés à nous-mêmes et il ne nous restait plus beaucoup de gens opérationnels. Et les bombardements chinois devenaient de plus en plus agressifs. Et, comme on subissait des pertes, j’ai dit à Jim : « Il faudrait qu’on évacue les blessés. »
Et Jimmy a pris le commandement parce que c’était, les gens pensent peut-être que c’est archaïque, mais quand Harry a été blessé, le commandant de notre compagnie, Jimmy s’est tourné vers moi en disant : « Quand est-ce que tu as été nommé officier ? » Et j’ai répondu : « le 18 février 1948. » « Bon, a-t-il dit, je te dépasse de trois mois. » « Bon, ai-je dit, d’accord c’est toi le commandant de la compagnie. » Et ça s’est passé comme cela.
En tout cas, on nous a finalement dit de nous retirer. Et comme les Chinois menaient une attaque féroce contre nous et qu’on manquait d’hommes à huit ou dix contre un à peu près, il n’y avait aucune chance pour qu’on tienne la position de nuit à moins d’avoir d’importants renforts. Alors ils ont pris la décision de nous faire partir de la colline qu’on avait passé la journée à capturer. Et voilà ce qu’a été la bataille de Chai li, le premier acte du bataillon.
La compagnie a redescendu la colline avec Jim et moi je les ai couverts, mon peloton. J’ai pris deux caporaux avec moi et on a chacun pris une mitrailleuse Bren et on a descendu la pente sur une quarantaine de mètres et on s’est allongés. Et on avait à notre disposition tous les magasins de munitions du reste de la compagnie alors on avait des quantités de munitions. Et on transportait des mitrailleuses Bren, c’est une super petite mitrailleuse légère. Et quand les Chinois ont finalement débouché au sommet de la colline, on a attendu jusqu’à ce qu’ils passent de l’autre côté, et là on s’est défoulés. Et puis ils se sont tous esquivés et ont disparu et on est descendu une quarantaine ou une cinquantaine de mètres plus bas, et on a refait la même chose jusqu’à ce qu’on arrive tout en bas. Et comme ça, on a couvert notre compagnie pendant leur descente de la colline.
Alors c’est comme cela qu’on a fait, et à la fin de la journée c’était, j’étais, on n’était pas contents d’avoir dû se battre toute la journée pour la leur rendre au final. Mais en même temps, il fallait se montrer réaliste et il n’y avait pas grand-chose à faire. Et en même temps au sommet de la colline, on avait au moins sept ou huit blessés et les bombardements en augmentaient le nombre. Alors c’était tout simplement insoutenable.
En y repensant, on a tous rempli notre mission et c’est vraiment étrange quand vous êtes au combat et quand vous en reparlez plus tard, ça paraît terrible, une chose terrible et comment on pouvait y arriver. Mais un jeune officier, n’importe quel officier, officier d’infanterie, il est tellement occupé à commander son peloton ou sa compagnie, qu’il n’a pas le temps de penser à la peur ou quoi que ce soit d’autre. Ça fait partie de ces choses. Au moins, et ça s’est passé comme cela pour moi c’est certain. Vous savez, on se faisait pilonner par l’artillerie et je ne me rendais vraiment pas compte à quel point ça allait mal sur le moment. Mais quand je suis arrivé en bas et que j’ai regardé en haut de la colline, j’ai pensé : « Mon Dieu on a eu vraiment de la chance de s’en sortir. »