A. William Breck (source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

Project Mémoire

A. William Breck (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

William Breck s’est enrôlé dans l’Aviation royale canadienne (ARC) à l’âge de 18 ans, à l’automne 1940. Après l’entraînement habituel sur le système de l’ARC pour devenir pilote, il a été affecté outre-mer en septembre 1941. Convoitant le titre de pilote de chasse, il a plutôt fini par suivre une instruction sur le pilotage du bombardier Wellington. Après avoir rejoint un escadron opérationnel, il s’est trouvé à bord d’un Wellington qui s’est écrasé, tuant tout le monde sauf lui et le mitrailleur de queue. Il nous raconte aujourd’hui l’accident ainsi que la méthode d’entraînement et de qualification des mitrailleurs de bord, étant devenu pilote d’état-major dans une école d’entraînement après son rétablissement.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Le Projet Mémoire, Historica Canada
Le Projet Mémoire, Historica Canada
Le Projet Mémoire, Historica Canada

Transcription

Tous ceux d’entre nous qui se sont entraînés sur des avions monomoteurs au Canada s’attendaient à poursuivre leur entraînement sur des avions monomoteurs en Grande-Bretagne ou ailleurs. Mais il était clair qu’on avait besoin de pilotes de bombardiers bimoteurs. J’ai donc été l’un de ceux qui, même si j’avais suivi l’instruction pour les monomoteurs, ont fini sur des [Vickers] Wellington*. J’ai suivi le cours de l’unité d’entraînement opérationnel et j’ai été affecté en décembre 1941 à l’escadron no 12, un escadron de la Royal Air Force équipé du Wellington [MK] II, une version dotée de deux moteurs Rolls-Royce Merlin. J’ai été testé sur le Wellington II.

À l’époque, un nouveau pilote dans l’escadron devait commencer au poste de deuxième pilote aux côtés d’un pilote chevronné, un commandant de bord, pour apprendre les rudiments du métier. On veillait à éviter de nous mettre en position de devoir faire le commandant de bord lorsqu’il y avait largage de bombes. Malheureusement, j’ai eu un accident. J’étais le deuxième pilote. Nous étions en territoire ennemi. Il y avait une étrange règle à l’époque : si on ne voyait pas sa cible, on ne lâchait pas les bombes. La couverture nuageuse était totale au-dessus de la cible. Nous sommes revenus avec nos bombes. Je pilotais l’avion un certain moment et j’ai commencé à avoir des ennuis. Je voyais fluctuer la température du glycol dans l’un des moteurs, ce qui voulait dire que nous avions une fuite de glycol. Le glycol était le liquide de refroidissement du moteur. La chose à faire était alors de couper le moteur et d’interrompre le fonctionnement de l’hélice de manière intermittente.

Le commandant de bord était à l’arrière de l’avion. Je l’ai appelé et lui ai raconté ce qui se passait. Il a décidé de reprendre les commandes. Nous perdions de l’altitude parce que nous avions encore nos bombes et nous avons donc décidé de larguer nos bombes, ce que nous avons fait quelque part en Angleterre sur une zone dégagée, mais l’avion a continué de descendre. Le commandant nous a ordonné d’adopter une position en vue d’un écrasement potentiel. Nous avons lancé des appels de détresse sans réponse. Les radios étaient très mauvaises à l’époque, et nous étions donc essentiellement livrés à nous-mêmes. Le skipper a fait de son mieux pour trouver un aérodrome, sans succès, et s’est résigné à poser l’avion dans un champ. Comme je disais, tous les autres s’étaient préparés à un éventuel écrasement. L’avion a fini, je crois, par caler et heurter le sol, puis il est parti en tonneau et s’est brisé en deux. L’avant et l’arrière sont allés en directions opposées. Deux d’entre nous ont survécu : le mitrailleur de queue, qui a été éjecté de sa tourelle, et moi. Heureusement, nous avons eu la chance d’être à proximité d’une station de ballons, que le commandant avait peut-être tenté d’atteindre. La station de ballons avait des hangars un peu comme un aérodrome, mais sans les pistes. Nous avons supposé qu’il avait constaté à la dernière minute qu’il n’y avait pas de piste et qu’il a fait de son mieux dans des circonstances très difficiles. Le mitrailleur de queue et moi-même étions donc blessés et avons fini à l’hôpital. En conséquence, je me suis retrouvé dans une catégorie médicale inférieure.

Après mon rétablissement, j’ai été affecté à une école de mitrailleurs de bord [école no 10] dans le Lancashire [en Angleterre] en tant que pilote d’état-major. Il y avait là des [Boulton Paul] Defiant [MK I]** qui avaient été retirés des opérations étant donné les nombreuses pertes qu’ils avaient occasionnées. Le Defiant a été construit par Boulton Paul et avait un poste de pilotage ainsi qu’une tourelle pour mitrailleur derrière le pilote. Nous étions persuadés d’ainsi tromper les Allemands, mais ils ont vu clair dans notre jeu. Comme je disais, les avions avaient été retirés des opérations. Il y avait aussi un autre avion, le [Westland] Lysander***, qui avait été construit comme un avion de coopération d’armée, avec des ailes hautes et un système de fentes et de becs de bord d’attaque, ce qui lui permettait de descendre à très basse vitesse et d’atterrir sur des pistes courtes ou dans des champs.

Les Defiant servaient à l’entraînement des mitrailleurs de bord. Le pilote d’état-major pilotait l’avion et le tireur en entraînement prenait place dans la tourelle. On décollait, on s’élevait et on s’alignait sur une cible d’entraînement dans les airs, remorquée par un Lysander. Le mitrailleur tirait ses balles, dont la pointe était colorée. Une fois qu’un certain nombre de mitrailleurs avaient tiré sur la cible, le Lysander la larguait. Les trous étaient comptés par couleur, et la note du mitrailleur était transmise à la station. C’est ainsi que les mitrailleurs étaient évalués. J’ai passé environ six mois à l’école des mitrailleurs de bord [l’école no 10] à un endroit appelé Walney Island près de Barrow-in-Furness dans le Lancashire.

J’ai ensuite été affecté en décembre 1942, je crois, à l’unité d’entraînement opérationnel no 55 à un endroit appelé Annan [de la RAF] dans le Dumfriesshire en Écosse, juste après la frontière avec l’Angleterre. Il y avait là-bas des avions [Hawker] Hurricane****. J’ai suivi l’entraînement opérationnel sur le Hurricane. J’ai fini en février ou mars 1943 et j’ai été affecté à l’escadron [no] 198, un escadron de la Royal Air Force équipé de [Hawker] Typhoon^. Le Typhoon était entré en service en 1942. Nous avions la première version du Typhoon, quelques Typhoon IA équipés de 12 mitrailleuses.303, six dans chaque aile, mais les avions utilisés pour les opérations étaient des IB, qui avaient quatre canons de 20 mm, deux dans chaque aile. Il fallait passer un examen dans l’IA, effectuer son premier vol solo dans l’IA et, après un certain nombre d’heures, passer à l’IB avant de partir en opération.

* Le Vickers Wellington englobe une série de bombardiers moyens polyvalents.

** Le Boulton Paul Defiant était un avion de chasse biplace à tourelle utilisé principalement comme chasseur de nuit et pour les sauvetages air-mer. Dépourvu de canons avant et manquant de vitesse lors des manœuvres, il était impopulaire.

*** Le Westland Lysander était un petit avion capable d’atterrir et de décoller sur de petites surfaces. On l’utilisait pour les opérations secrètes, notamment pour déposer et récupérer des agents alliés dans des zones occupées par l’ennemi.

**** Le Hawker Hurricane était un monoplan polyvalent et facile à manœuvrer, très utilisé pendant la bataille d’Angleterre parce qu’il peut encaisser beaucoup de coups.

^ Le Hawker Typhoon était un chasseur-bombardier monoplace qui, malgré sa vitesse et son efficacité dans les attaques au sol, était généralement impopulaire auprès des pilotes en raison du manque de visibilité au décollage et à l’atterrissage.