Aaron Eric Glustien est né à Romny, en Ukraine, en 1920. Après avoir immigré au Canada avec sa famille en 1921, il a vécu à Montréal, à Québec et finalement à New Waterford, en Nouvelle-Écosse. Il s'est enrôlé dans le service militaire canadien au début de la Deuxième Guerre mondiale, faisant partie de l'Aviation royale canadienne. Sélectionné au début pour suivre une formation de pilote, il a été rapidement transféré au poste de navigateur, où il a servi pendant deux mandats dans le cadre du Bomber Command. Après la guerre, il a travaillé pour une compagnie aérienne commerciale avant de réintégrer l'ARC et de participer à la guerre de Corée.Pour le témoignage complet de M. Glustien, veuillez consulter en bas.
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Transcription
Je suis né dans une petite ville du nom de Romney près de Kiev, dont vous avez peut-être entendu parler, en Ukraine. Et ma famille immigra au Canada en 1921. Et à partir de là, nous sommes allés à Montréal, je pense. On y a vécu pendant dix ou onze ans. Et ensuite on a déménagé à Québec où j’ai appris à parler un français approximatif.
Et puis on s’est rendus dans les Maritimes, à New Waterford en Nouvelle-Écosse, où on a rencontré des gens parmi les meilleurs sur terre, c’était des gens ordinaires. J’ai un faible pour la Nouvelle-Écosse. Et de là, je suis parti à Moncton (Nouveau Brunswick), où j’ai travaillé comme gérant stagiaire dans un supermarché avec dans l’idée de mettre le maximum d’argent de côté et de partir aux États-Unis pour essayer de trouver un travail de journaliste sportif. Mais c’est à peu près à ce moment-là qu’ils ont commencé à sonner le clairon et la Deuxième Guerre mondiale a démarré. Et, comme je l’ai déjà mentionné, j’étais très enthousiaste à l’idée de m’engager le plus tôt possible et essayer d’apporter ma petite pierre.
Il s’est avéré que, non seulement j’ai pu faire ça, mais j’ai survécu aussi. Ce qui veut dire évidemment que j’ai eu d’excellents membres d’équipages pour travailler avec moi et qu’on a dû faire notre travail de manière tout à fait adéquate.
J’étais navigateur. J’ai commencé dans l’armée de l’air canadienne, comme pilote, tout du moins j’ai été sélectionné pour suivre un entraînement de pilote. Mais j’ai compris très rapidement que je n’arriverais pas à m’en sortir avec la voltige aérienne comme faire des vrilles, boucles et tonneaux, etc. Et je suppose que par souci de sécurité ils ont décidé qu’il valait mieux que je m’engage dans une autre voie. Et j’étais très content parce qu’au moins je pouvais rester dans la force aérienne. Car après que j’aie cessé l’entraînement de pilote j’ai été sélectionné pour devenir navigateur.
Et en tant que navigateur, j’étais dans mon élément parce que j’aimais l’astronomie, j’aimais la physique et les sciences et tout spécialement l’astronomie, qu’on a appris à beaucoup aimer. On avait l’habitude de se servir des étoiles ou d’observer les étoiles pour déterminer notre position.
Beaucoup de gens (dans le Bomber Command) se faisaient descendre lors de leur tout premier vol. D’autres allaient jusqu’au dixième ou quinzième. Très peu sont arrivés à aller au bout de deux tours opérationnels et j’ai été l’un des rares chanceux. Parce qu’il fallait avoir de la chance pour ne pas avoir de problèmes au cours de nos petites escapades. Voyez, le truc le plus important c’était de prendre garde aux chasseurs de nuit, aux projecteurs de recherche et aux tirs antiaériens. Et vous aviez affaire à eux à chaque voyage pratiquement. Certains des vols étaient très excitants, d’autres de la simple routine. Mais c’est devenu très intéressant quand j’ai rejoint la Pathfinder Force (405ème escadron (Vancouver), ARC, qui faisait partie du 8ème groupe de la Pathfinder Force) parce qu’avant ça, les raids aériens n’étaient pas terriblement efficaces et c’était très difficile d’arriver jusqu’à votre point de visée à cause des nuages et du temps, etc. Une fois que cette procédure Pathfinder a été mise en place, ensuite, on a eu des équipages très performants et ils avaient toutes sortes d’aides pour faciliter le repérage de position. Et c’était vraiment très intéressant.
Vous aviez à faire avec tout un tas d’équipages très expérimentés. Avant même de rejoindre l’escadron, il vous fallait avoir déjà fait un premier tour opérationnel complet. Et cette technique qu’avait développée le Bomber Command consistait à trouver les meilleurs équipages possible pour aller marquer les cibles ; on marquait les cibles avec des fusées éclairantes de couleur, des rouges, des vertes, des bleues. Et généralement on volait un peu moins haut que la force principale et on les dirigeait avec des commandes claires comme par exemple de quel côté bombarder en se servant des ces fusées de couleur qu’on lâchait pour eux. Et comme ils avaient des équipages avec beaucoup d’expérience, et de nombreux systèmes de repérage de position, ils pouvaient être beaucoup plus efficaces en terme de quantité de dégâts qu’ils arrivaient à infliger.
Et la chose qui rendait tout ceci très excitant et un peu dangereux c’est qu’on devait attendre près de la cible jusqu’à ce que tous les avions aient fini de larguer leurs bombes, etc. Et en général, vous aviez un maître du bombardement qui dirigeait le raid et un sous-maître du bombardement au cas où le maître (du bombardement) se fasse descendre ; il fallait avoir un remplaçant.
Oh il y a eu un autre voyage qu’on a fait où on avait un tout nouveau commandant d’escadre qui reprenait l’escadron, il était, il était avec nous pendant un vol où on est partis à la chasse des sites de bombes volantes, etc. Et c’était nous le maître du bombardement, et lui il était le sous-maître du bombardement. Et quand on est arrivé à la cible, on a découvert qu’elle était assez peu défendue. Ils n’avaient que quelques canons, etc. Mais l’un d’entre eux a frappé de plein fouet l’avion de ce commandant d’escadre et on regardait quand les gars ont commencé à sauter de l’appareil.
Et malheureusement aussi, le commandant d’escadre, qui commandait l’avion qui avait été touché, est resté dans l’appareil jusqu’à la fin. Tout l’équipage a sauté, mais lui ne s’en est pas sorti. Et le truc étrange qui s’est passé à la suite de cette histoire c’est que peu de temps après, on a eu une permission de sept jours en Angleterre, à Londres, et on marchait avec ma femme dans une des rues principales près du centre de Londres. Je crois que c’était Regent Palace ou quelque chose comme ça. Et j’ai senti qu’on me tirait le bras et j’ai regardé autour de moi pour voir ce que c’était et j’ai vu un gars avec une combinaison étrange d’uniformes, il portait des vêtements de l’armée de terre, de l’armée de l’air, et des vêtements civils et il essayait d’attirer mon attention. Et finalement j’ai appris qu’il, en parlant avec lui, que c’était l’un des gars de l’avion qui avait été descendu, et il avait mis moins de deux semaines revenir de là-bas jusqu’en Angleterre ou Londres. Donc les gens de la Résistance en France avaient réussi à mettre la main sur lui et ils avaient fait de l’excellent travail en le rapatriant en douce au pays.
Les membres d’équipages canadiens avaient la cote. C’était des aventuriers dans l’âme. C’était, on pourrait presque aller jusqu’à dire des intrépides, et ils se comportaient très bien dans les combats. Et tous les escadrons que je connaissais étaient très contents d’avoir des membres d’équipage canadiens, mais on a fini par former notre propre groupe. C’était le 6ème groupe de bombardement. À ce moment-là, j’avais commencé avec la Pathfinder Force qui n’était pas dans le 6ème groupe de bombardement. Mais encore une fois j’étais dans le 405ème escadron et il y avait près de 90 pour cent de Canadiens dedans. Et on avait aussi des Australiens, des Néo-Zélandais, des Américains. On était bien mélangés. Et ça a contribué à créer une excellente ambiance au sein de l’équipage.
Et en fait, je me souviens maintenant que les gars dans les équipages s’entendaient toujours très bien, ils faisaient bien leur travail, ils étaient très enthousiastes, et c’était des gars avec du cœur et drôles. Ce n’était pas tout le temps dans l’état d’esprit pour les descendre, on faisait la fête aussi de temps en temps pour se détendre. Et on avait des relations très étroites avec nos équipes au sol parce qu’ils étaient très importants pour notre survie. On avait la chance d’avoir une excellente équipe au sol qui s’occupait de notre appareil à nous et, résultat on n’a jamais eu le moindre problème de moteur.
Les seuls problèmes qu’on ait rencontrés de temps en temps c’était du fait des tirs antiaériens ou de DCA comme ils les appelaient. Et sur certains de nos vols, on a récolté pas mal de dégâts, mais rien de dramatique ou de vraiment menaçant. Et voilà.