Project Mémoire

Abe Jeffrey Levine

Abe Levine
Abe Levine
Équipage du Squadron 214 Austin (groupe des bombardiers), in Outlon, Angleterre, en 1945. Levine est devanr au centre avec le chapeau.
Abe Levine
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Portrait dAbe Levine en uniforme, à Montréal, juste après qu'il ait reçu ses ailes, en Mai 1944.
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Journal de bord. L'encre rouge signifie que un vol de nuit. Les mots soulignés sont les cibles.
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Entrainement à Jarvis, Ontario, en 1943. Abe Levine est en bas à droite.
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Quand le grondement s’arrêtait, c’était atroce car on croyait que tout exploserait d’un instant à l’autre. Puis il y avait un silence paisible, et rien ne se passait.
Mon père, qui est né en 1885, il est venu au Canada en 1905. Sa langue d’origine c’était le yiddish, en Russie. Ma mère est née à New York. Elle parlait couramment le yiddish et souvent à la maison ils parlaient en yiddish. J’ai grandi baigné dans le yiddish. Bon, vous faisiez, un : vous étiez soit un opérateur de service spécial, ce qui était mon cas, même si j’avais suivi un entraînement de bombardier, on m’a sélectionné après pour faire ce travail très particulier et ultra secret. Parce que en tant que juif, j’avais des facilités avec l’allemand. Et ça nous a aidé à faire notre boulot. Notre travail, après le décollage, c’était de, on transportait un gros, un brouilleur très puissant, connu sous le nom de Jostle. Ce brouilleur était aussi puissant que les signaux émis par la BBC. En Angleterre, ils écoutaient les différentes fréquences que les allemands allaient utiliser pour diriger leurs avions de chasse nocturnes. Et une fois qu’ils avaient repéré une de ces fréquences, ils envoyaient un signal à notre avion pour nous dire quelle fréquence brouiller. Or le chasseur allemand qui décollait était complètement dépendant du contrôleur au sol pour le diriger vers le bomber stream [nommé d’après la tactique mise en place par la RAF qui allouait un temps et un espace particulier à chaque avion en route pour une mission et à son retour afin de minimiser les risques de collision] Mais dès qu’on commençait à brouiller la fréquence avec ce Jostle très puissant, il ne pouvait plus rien entendre. Il devait rentrer à la base. Il y avait les Eclaireurs de la RAF. Ils entraient en action avant le bomber stream et ils larguaient des fusées éclairantes, des fusées de différentes couleurs. Vous bombardiez ces fusées. Et puis il y avait un bombardier maitre qui volait à très basse altitude et il dirigeait le raid, en disant, bon, arrêtez de bombarder le rouge, allez-y avec le vert. Le rouge avait déjà été bien réduit à néant. Et c’est comme ça que vous trouviez vos cibles. Elles étaient préalablement balisées par les Eclaireurs. Non, non, vous connaissiez votre cible. Vous aviez ça pendant le briefing. La cible c’est Berlin ou Cologne ou autre, et quand vous arriviez à votre cible, les Eclaireurs étaient déjà passés par là avant vous et avaient largué leurs balises et vous bombardiez les balises. Le retour était plus dangereux que l’aller parce que les allemands avaient déjà eu connaissance de la cible et ils lançaient tout ce qu’ils avaient comme avions de chasse vers la zone ciblée. C’était vraiment très risqué de rentrer chez nous, jusqu’à ce que vous soyez vraiment très en dehors de la zone ciblée. Et pour finir, vous arriviez à votre aérodrome, atterrissiez - pas toujours sans encombre, quelquefois vous vous faisiez descendre. A notre tout premier voyage, on s’est écrasés à l’atterrissage. Et puis vous aviez votre repas d’équipage de bord, c’était des œufs et du bacon et c’était comme, vous preniez ça avant de décoller et après le retour, si vous rentriez. Et c’était une grosse récompense parce la ration d’œufs en Angleterre à ce moment-là c’était un œuf par personne et par mois. Et ici, on avait droit à un œuf à chaque fois qu’on décollait et un autre si on était encore en vie au retour. Il y avait des moments où les allemands envoyaient un intrus, un intrus c’était un avion de chasse allemand. Il s’introduisait dans ces circuits quand vous arriviez pour atterrir, vous étiez une cible facile, vous vous faisiez descendre, si vous aviez la malchance d’avoir un intrus allemand dans votre circuit. C’est arrivé parfois sur notre aérodrome, c’est arrivé, vous receviez l’ordre : Décollage immédiat ! Et vous décolliez. Vous éteigniez toutes vos lumières pour l’atterrissage et vous alliez autre part et vous alliez atterrir dans un autre aérodrome. Les aérodromes, les pistes d’atterrissage en particulier, elles étaient bien éclairées et elles devaient l’être pour que vous puissiez voir où était l’endroit pour atterrir. On a été touchés au dessus de la cible, c’était Duisbourg [Allemagne]. C’était le 4 décembre 1944. Vous n’oubliez pas très facilement ce genre de choses. Finalement, on est arrivés sur notre aérodrome, bon, on a fait un atterrissage en catastrophe. Notre train ne voulait pas s’ouvrir alors on a dû faire un atterrissage sur le ventre. Heureusement, on n’avait plus trop de carburant, alors on n’a pas explosé, quand le crissement s’est arrêté, et c’était atroce, parce que vous imaginiez que vous alliez exploser d’une seconde à l’autre. Et puis un silence merveilleux. C’était fini. Et puis le, les ambulances, etcetera se rassemblaient autour de vous mais par chance on en est tous sortis indemnes. Pas mentalement par contre, j’en ai bien peur, mais on était physiquement indemnes. Mentalement, beaucoup de choses vous restaient dans la tête et je faisais toujours ce rêve horrible où quelque chose me plongeait dans la peur. Ça pouvait être n’importe quoi. Mais vous alliez tomber ou bien… Ce rêve faisait monter la peur, jusqu’à son paroxysme. Et quand vous sentiez, si ça durait quelques secondes de plus, que ça allait vous tuer, à ce moment ça commençait à se calmer. Et finalement, j’ai fini par connaître ce rêve à fond et je me disais, bon, c’est de plus en plus effrayant et quand ça atteint le paroxysme, petit à petit ça va redescendre et je vais me réveiller, ce qui se passait. Mais j’ai fait ce rêve pendant un bon moment. Vous n’en ressortez pas indemne.