Adrien Boivin (source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

Project Mémoire

Adrien Boivin (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Adrien Boivin a servi pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Adrien Boivin
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Photo d'un défilé de Canadiens libérés dans la ville de Knokke en Belgique, le 1er novembre 1944.
Adrien Boivin
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Photo d'un défilé de prisonniers allemands capturés le 1er novembre 1944.
Adrien Boivin
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Carte de client d'alimentation générale d'Adrien Boivin estampillée le 5 novembre 1944.
Adrien Boivin
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Demande de carte de pommes de terre datée le 27 juillet 1943.
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Carte de client pour la fourniture de viande estampillé par la Mairie de Boulogne-sur-Mer, France, le 9 novembre 1940.
Adrien Boivin
Ce n’est qu’à la fin de la journée que j’ai fortement réagi à cet événement.

Transcription

Adrien Boivin, le Régiment de la Chaudière, la Guerre 1939-45. Ça se passe dans la région de Biervliet le 13 octobre 1944. Continuant notre route, un civil nous approche en pleurant et gesticulant mais nous ne le comprenons pas. Croyant qu'il veut signaler la présence d'Allemands dans sa maison, nous le suivons. Il nous conduit au grenier et nous pointe le plancher du doigt. Ce que je vois demeure pour moi une des scènes les plus dramatiques et des plus émouvantes de la guerre. Un obus a éventé le toit et des débris se mélangent à une grande marre de sang coagulé. Un homme gît sur le côté et un filet de sang s'écoule lentement de son côté. Ses yeux fixes annoncent la mort. Une femme dans la quarantaine gît couchée par dessus lui et gémit faiblement. Elle semble souffrir atrocement. Nous devons réagir mais Fecteau, mon ami, ne se sent pas le courage de la toucher. Quant à moi, je ne comprends pas la raison de mon calme. Je dois tremper les mains dans le sang. Une de ses jambes est retournée vers le haut. On distingue l'os et elle saigne. Avec d'infinies précautions je replace le membre brisé et colmate l'hémorragie. Je lui caresse le visage et les cheveux, lui sourit et essaie de l'encourager par mon attitude. Pendant ce temps, je pensais à ma mère vivant la même situation. Bien des idées trottaient dans ma tête durant ces minutes. Malgré ses souffrances, cette dame s'efforçait de sourire, plus il fallut expliquer au vieillard que nous devions partir et que quelqu'un s'occuperait d'eux. Heureusement, en sortant de la maison, des brancardiers arrivaient et prenaient la situation en main. Ce n'est qu'à la fin de la journée que j'ai fortement réagi à cet événement. L'autre histoire : J'étais prisonnier des Allemands. Ça s'est passé le 27 octobre, en Belgique, en 1944. On avait demandé quelqu'un qui savait conduire un cheval pour se rendre à une ferme chercher de la paille. Un groupe d'environ 125 membres du Régiment et d'autres régiments était prisonniers des Allemands en pleine ville dans un sous sol d'hôtel. Les Allemands étaient encerclés, mais on nous avait envoyés au fond de la poche – si je peux dire, du sac – parce qu'on ne pouvait pas nous envoyer en Allemagne. Alors, je suis parti avec un Allemand l'après midi pour nous rendre à une ferme et, pendant que l'Allemand parlait au fermier, une femme s'est approchée de moi et a reconnu mon uniforme. Elle m'a demandé si je parlais français et si quelque chose nous manquait. Je lui ai dit que nous n'avions pas grand chose à fumer et que les Allemands nous donnaient une cigarette par jour. Nous venions chercher de la paille pour avoir un peu de confort parce que nous couchions sur le plancher de béton. Elle me rassure en affirmant que nos gardes sont gentils et tolérants. Elle va tenter de me procurer du tabac et demande à mon garde de revenir à la ferme durant la soirée chercher un paquet. Je n'ose pas croire que mon interprète acceptera. Le dialogue se poursuit en Allemand et je vois mon garde sourire et pencher la tête. C'est bon signe. De retour à l'hôtel, à notre cage, là, l'heure est venue de nous coucher. Je veille, espérant que mon homme viendra. Tout à coup la lueur d'une torche éclaire l'entrée, puis le garde avec sa lampe de poche se promène d'un visage à l'autre pour finalement s'arrêter sur moi. Il me remet un sac contenant environ 2 lb de tabac. Je l'ouvre sans tarder afin de m'assurer que je ne rêve pas. Il me tarde d'attendre au lendemain pour partager ce trésor avec mes camarades.