Alan Freeman a servi dans l'armée pendant la Deuxième Guerre mondiale. Lisez et écoutez le témoignage d'Alan Freeman ci-dessous.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
Il y avait beaucoup d’appréhension. Certains pensaient qu’ils allaient se faire tuer et tout ça. Je ne sais pas, peut-être que j’avais une déficience mentale parce qu’il ne m’est jamais venu à l’esprit que j’allais me faire épingler, vous voyez ce que je veux dire. Sur mon certificat de libération, il est dit que j’étais incapable d’être pessimiste. Je suppose qu’il fallait que je sois comme ça parce que si je m’étais fait du souci à propos de me faire tuer, j’aurais fait dans mon pantalon et je me serais porté volontaire pour être cuisinier. (rires)
Mais j’étais attiré par les armes parce que mon père a fait la Première Guerre mondiale dans l’artillerie au Moyen-Orient. Tous mes oncles, les frères de ma mère, cinq ou six d’entre eux, ils étaient tous dans l’armée britannique pendant la Première Guerre mondiale, et ils avaient l’habitude de rentrer à la maison et de me raconter des histoires et je suis devenu complètement fou des armes. Je veux dire, croyez-le ou non, j’avais tellement hâte de partir à l’armée. J’avais l’habitude de regarder dans les journaux, ça dit comme ça, les anglais ont essuyé un revers. Et moi je pensais, oh mon Dieu, ça va être terminé avant que j’y sois, vous voyez ce que je veux dire ? (rires) Et alors quand ça disait que les choses se rétablissaient, je pensais, bon, ça va être bon pour moi et je vais y aller et faire quelques cartons.
Chaque plage était partagée en quelque chose d’autre, je crois que c’était comme un jeu de cartes. La notre c’était la plage du Roi, un truc spécial. Je n’ai pas vu un seul film à propos des plages, alors je ne me souviens pas de ce qui est arrivé aux autres. Je ne sais pas, juste beaucoup de, par exemple les gens se tiraient les uns sur les autres et je crois que quelqu’un s’est mis à nous tirer dessus et ça a rebondi sur le char. Et puis ça s’est calmé et on a commencé à traverser la Normandie et beaucoup de gars se sont faits épinglés là parce que le char Sherman sur lequel on se trouvait était assez haut et il dépassait des haies. Il y a une photo que j’ai laissée avec la jeune fille, ça vous montre ce qui se passe quand le tir d’un 88 atteint un Sherman. Ça fait un trou d’environ trente centimètres de diamètre et passe tout simplement à travers et fait des cercles tout autour et décapite les gens, et ainsi de suite.
Et le char a été touché par un petit calibre. Il n’a pas été touché par le gros 88. Il est entré sur le côté du char et a mis le feu aux munitions et des grosses flammes bleutées ont jailli et m’ont scellé les cils en les brûlant, et ainsi de suite. Je ne sais pas comment j’ai éjecté du char. Je crois que quelqu’un a dû m’extirper de là et me jeter par terre.
N’oubliez pas, on était en Normandie, ensuite on est allés en Belgique et en Hollande et finalement en Allemagne et en Hollande. J’ai remarqué qu’il y avait beaucoup de militaires canadiens en Hollande. Il y avait aussi beaucoup d’anglais et beaucoup d’américains. Je me rappelle qu’on a traversé le pont de Nimègue ; et ce jour-là il y avait des parachutistes américains du 81ème aéroporté (bataillon) et de la 100ème (division aéroportée). Ils étaient allongés dans le fossé ; quelqu’un avait dû les descendre ou quelque chose comme ça.
La seule chose dont je peux, qui me revient à la mémoire c’était après une petite bataille et les allemands étaient en train de partir du village au bout, et tout est devenu silencieux et j’ai remarqué un petit enfant qui tirait sur les manches des soldats de l’infanterie pendant qu’ils marchaient par là. Et ils secouaient la tête et alors j’ai sauté hors du char et j’ai marché jusque là et le gamin m’a secoué. J’ai cru qu’il voulait du chewing-gum ou du chocolat. Et il a dit, est-ce que tu es juif ? Et j’ai dit oui. Alors il m’attrape, court dans un champ à proximité et entre dans une grange, martèle le sol, qui était couvert de paille et la porte de la trappe se soulève et s’ouvre et il y avait deux enfants là dedans plus lui et la mère. Ils habitait là sous le plancher depuis je ne sais pas quand. Et elle m’a bénit et m’a fait agenouiller, et m’a bénit pour l’avoir sauvée. (rires)
Il y a une histoire postérieure à celle-là. Je suis allé en Hollande il y a plusieurs années, je veux dire, à Amsterdam et le chasseur était juif. Je lui ai raconté l’histoire de ce village du nom de Varsseveld. Il a dit, bon, ça intéresse beaucoup mon père ces choses là. J’ai dit, bon, je lui ai dit que le nom c’était Levy, j’avais même la photo. Et il est revenu le lendemain, il dit, j’ai retrouvé la famille. L’un deux était médecin et il vient juste de mourir, un autre a immigré au Canada. Il m’a donné le numéro de téléphone et j’ai parlé avec la femme du chirurgien ; et elle a dit qu’elle avait la même photo. Et j’ai parlé à l’autre frère ; il ne se souvenait de rien de tout ça. Il ne se souvenait pas de moi ni rien. Mais le frère est parti au Canada, il a dit. J’ai dit, bon, où est-il allé ? Il a répondu, oh, à un endroit appelé Burlington. Mais il ne voulait pas que quiconque sache qu’il était là. Il avait échangé le nom de Levy contre un nom anglais ; et le frère a dit qu’il ne voulait rien avoir à voir avec ça, juste au cas où les choses risquent de tourner de la manière dont elles avaient tourné pour les juifs de Hollande.