Alan Sutherland a été signaleur dans la Marine royale pendant la Deuxième Guerre mondiale. Voici son témoignage.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
La première corvette est le NCSM Wetaskiwin, construit sur la côte ouest à North Vancouver. Windermere était notre capitaine de corvette. Il avait pris sa retraite de la Marine royale et possédait une ferme à Duncan, sur l’île de Vancouver. Lorsque la guerre a éclaté, ils l’ont bien sûr appelé, et il est devenu notre capitaine. Le premier lieutenant était un courtier de Vancouver qui n’avait jamais pris la mer. Le sous-lieutenant était également originaire de Vancouver et n’avait jamais pris la mer auparavant non plus. Ce devaient être des spécialistes de la voile, je ne sais pas. L’officier de navigation était un homme de la Réserve de la Marine royale du Canada issu de la marine marchande. Le CERA [chef des machines, responsable des moteurs du navire] et le chauffeur en chef [responsable de l’entretien des moteurs du navire] étaient tous deux issus de la marine marchande. Tous les autres marins à bord étaient des « marins de terre » de la Saskatchewan qui n’étaient jamais allés en mer auparavant, moi y compris.
Lorsque le navire a été mis en service, nous avons effectué un voyage d’épreuve [pour tester l’efficacité du navire et de l’équipage] dans les îles de la Reine-Charlotte. Je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler des îles de la Reine-Charlotte, mais la mer peut parfois y être très agitée. C’était bien entendu en janvier et donc la météo était particulièrement difficile. À notre retour, tout le monde avait le mal de mer, sauf les membres de la marine marchande et le capitaine, et nous avons dû retourner à North Vancouver pour des réparations sommaires. Nous avons ensuite été envoyés à Victoria, où nous avons été mis en service. À cette époque, la deuxième corvette, le NCSM Agassiz, a été construite et nous a rejoints à Victoria. Les deux bateaux ont entamé leur périple vers la côte est. Nous avons descendu la côte de l’Oregon et avons eu droit à une météo très capricieuse. Le mauvais temps a perduré pendant trois, quatre, cinq jours, je ne sais plus, et les conditions étaient si difficiles et la mer, si mauvaise que notre pont a été endommagé. Nous sommes arrivés à San Diego et avons fait réparer le pont endommagé à la base navale américaine là-bas. Les États-Unis, bien sûr, n’étaient pas en guerre. Le consul allemand a causé tellement de problèmes que nous avons dû partir. On ne nous a donné que 24 heures. Nous avons ensuite dû retourner à Vancouver pour faire des réparations.
Sur chaque navire, nous avions deux ou trois signaleurs [communication et veille]. Il y en avait toujours un qui était le signaleur principal; comme je disais, j’ai commencé comme signaleur de base pour devenir ensuite signaleur principal et enfin timonier, un type d’officier marinier. Le timonier est responsable des signaleurs à bord, mais aussi des signaux entre son navire et les autres navires. Il est également responsable de tous les messages du capitaine. Nous avions également une cabine de radiotélégraphie, nous avions un télégraphiste en chef, mais j’étais toujours responsable de tous les messages du capitaine.
Le travail d’un signaleur ou timonier de garde la nuit est d’essayer d’envoyer des signaux aux bateaux qui escortent son navire avec une minuscule lumière bleue et d’essayer de lire les signaux reçus avec des jumelles dans une mer agitée. Il n’y avait pas de communication radio entre les navires, de sorte que tout se faisait par signaux sous forme de feux clignotants de nuit comme de jour. On leur envoyait des codes morse.
Lorsque j’étais sur le [NCSM] Niagara, nous devions faire le plein en mer et le temps était assez mauvais dans l’Atlantique Nord. Nous avons signalé à un bateau-citerne de 10 000 galons de pétrole qu’il nous fallait faire le plein, et ce dernier a modifié son cap en conséquence. Nous avons essayé de nous rapprocher puis avons tiré en travers de l’avant. Si le signal était reçu, nous passions un tuyau entre les deux bateaux. C’est ainsi que nous pouvions nous ravitailler en mer, sans nous arrêter. Mais cette fois-là, nous avons vraiment peiné à nous approcher du bateau après les tirs. C’était tellement difficile que le vieil homme s’est mis en colère et que notre barreur [celui qui dirige le navire] a grimpé sur la table à cartes et s’est mis à sauter. Finalement, le capitaine du grand bateau-citerne nous a envoyé un signal pour nous dire de maintenir le cap et d’attendre qu’il se rapproche de nous [rires]. Imaginez, un bateau-citerne de 10 000 tonnes!