Project Mémoire

Alex Colville (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Alex Colville était un artiste pendant la Deuxième Guerre mondiale. Veuillez lire et écouter le témoignage d'Alex Colville ci-dessous.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.


Lieut. Barney J. Gloster / Canada. Dépt. de la Défense Nationale / Bibliothèque et Archives Canada / PA-206003
Lieut. Barney J. Gloster / Canada. Dépt. de la Défense Nationale / Bibliothèque et Archives Canada / PA-206003
Lieutenant D. ALex Colville, artiste de guerre, 3ème division d'infanterie canadienne, en Allemagne, le 4 mars 1945. Credit: Lieut. Barney J. Gloster / Canada. Dépt. de la Défense Nationale / Bibliothèque et Archives Canada / PA-206003.
Lieut. Barney J. Gloster / Canada. Dépt. de la Défense Nationale / Bibliothèque et Archives Canada / PA-206003
Sur le terrain, évidemment, ce n’est pas possible de travailler sur des grandes toiles ou quoi que ce soit de ce genre. Alors je faisais des aquarelles et des dessins et je pense que la plupart des artistes de guerre travaillaient de cette manière.

Transcription

Mon premier travail que le Colonel (Charles Perry) Stacey (officier historien de l’armée canadienne), après m’avoir en quelque sorte accueilli dans la section historique, il a dit que mes services allaient être prêtés à la marine et qu’on m’envoyait sur un, ce qu’on appelait un bâtiment de débarquement d’infanterie. C’était un ancien, assez petit navire de ligne de la côte ouest, vous savez, un navire pour les passagers, qui servait je suppose à débarquer des unités de la taille d’une brigade probablement pour l’assaut, sur les plages. Donc je me trouvais sur un bateau qui s’appelait le (NCSM) Prince David, qui avait été par le passé un navire de passagers sur la côte ouest, dans les 8000 tonnes je pense. Pas immense, vous savez, pas un paquebot. Et j’ai passé quelques temps avec cette unité.

Je me souviens que, ce qu’on faisait c’était qu’on débarquait des troupes françaises sur les côtes du sud de la France dans la Méditerranée. J’ai passé un temps considérable sur ce navire et ensuite on m’a envoyé dans la 3ème division d’infanterie (canadienne), qui était une division plutôt célèbre. Ils avaient fait le débarquement du jour J en Normandie, la 3ème division. Et il y avait eu un artiste du nom d’Orville Fisher avec eux, je pense qui a commencé juste avant le jour J et qui est resté jusqu’à la fin. Et donc en octobre 1944 je crois, on m’a affecté à la 3ème division ; il quittait la division pour rentrer à Londres pour travailler en studio à des peintures basées sur ses dessins et ses aquarelles et ainsi de suite, c’est ce qu’on faisait habituellement. Je veux dire, sur le terrain, vous ne pouviez évidemment pas faire de grands tableaux à la peinture à l’huile et ainsi de suite, alors vous faisiez des dessins et des aquarelles. Et puis après vous passiez généralement un moment à Londres ou ailleurs, où vous pouviez alors travailler sur des grands supports d’après vos croquis, vous savez.

Sur le terrain, évidemment, ce n’est pas possible de travailler sur des grandes toiles ou quoi que ce soit de ce genre. Alors je faisais des aquarelles et des dessins et je pense que la plupart des artistes de guerre travaillaient de cette manière. Ensuite on passait un moment à Londres pour une période de quelques semaines souvent ou même plusieurs mois à l’occasion, quand on travaillait sur de grosses pièces à partir des croquis qu’on avait réalisés sur le terrain ; à Londres et plus tard à Ottawa. Alors c’était, quelque chose qui serait une sorte d’équivalent littéraire pour une personne qui serait une sorte de journaliste - avec une division ou autre – et qui, plus tard, écrirait une livre ou un grand article dans une capitale, en rassemblant en quelque sorte toutes les notes qu’il avait prises. Pour moi, c’était du travail. Si vous êtes peintre ou écrivain, votre matériel c’est la vie comme vous la voyez être vécue et c’est ça, il vous faut travailler et le faire.

J’ai passé quelques temps dans le camp de concentration de Belsen, à faire des dessins et des aquarelles de l’endroit, qui fonctionnait encore bien sûr, il y avait encore des gens qui mouraient là-bas et ainsi de suite. Bon, ça vous donnait des frissons. Je me souviens de la fosse avec 7000 corps dedans et ainsi de suite, à ciel ouvert. Une chose épouvantable.

L’officiel canadien – on ne l’appelle pas un ambassadeur en fait mais si, si nous étions un pays normal, ce serait l’ambassadeur canadien de la Grande-Bretagne (Charles Vincent Massey, Haut commissaire de Canada pour la Grande-Bretagne) – avait, le camp de concentration de Belsen venait juste d’être envahi et il a suggéré à quelqu’un de haut placé dans l’armée qu’un, artiste de guerre aille sur place pour travailler sur ce qui se passait là-bas. Et on m’a envoyé moi. Je ne veux pas dire que c’était un événement particulièrement important mais c’était le genre de tâche pour lesquelles on m’envoyait.

Je ne crois pas qu’on puisse mettre en doute qu’il y avait une sorte de dimension morale dans la Deuxième Guerre mondiale. Les choses que les allemands avaient faites et qu’ils faisaient encore étaient, je veux dire, dire que c’était déplorable est très loin de la réalité. Je crois qu’on peut appeler ça une espèce de guerre morale. Je pense qu’il y a de nombreux allemands qui admettraient ceci.