Alexandre Doucette a servi dans l'armée pendant la guerre de Corée. Veuillez lire et écouter le témoignage d'Alexandre Doucette ci-dessous.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
Avant 1943, j’allais toujours à l’école et puis autre chose que je faisais en plus c’était de travailler et aider mon père sur la terre parce que mon père était un cultivateur. Alors il tenait beaucoup à ce que je le remplace. Avec moi ça n’a pas fonctionné parce que j’avais d’autre chose dans la tête: c’était de m’enrôler et aller rejoindre mes amis. Beaucoup de jeunes avec qui je suis allé à l’école sont partis pour la guerre. J’avais 15 ans la première fois que je me suis enrôlé. Je me suis enrôlé à Bathurst, au Nouveau-Brunswick. J’ai fait environ un mois et mon père est venu me chercher. Il ne voulait pas que je m’enrôle dans les forces parce qu’il voulait me garder pour travailler sur la terre parce qu’il ne pouvait pas trouver personne pour l’aider. Alors chez moi, j’étais le seul fils qui restait et le seul qui connaissait la terre et qui pouvait l’aider et donner une certaine contribution. Tous mes frères étaient partis parce qu’on avait une grande famille. Il n’y avait aucun travail autre que travailler sur la terre dans ce secteur-là du Nouveau-Brunswick. Et puis au fur et à mesure qu’ils étaient d’âge, ils partaient pour l’Ontario, le Québec et d’autres secteurs dans le Nouveau-Brunswick pour travailler. Je me suis enrôlé, c’est ça qui m’a sauvé la vie parce qu’on couchait dans les lits, on était habillé, on était nourri avec trois bons repas par jour. C’était déjà beaucoup plus, on avait $1.30 par jour, une chose que je n’avais jamais connue.
On m’a transféré au Camp Borden, c’était l’hiver en 1943-1944 et puis c’est là qu’ils m’ont fait prendre des cours de chauffeur de tous les camions existants dans l’armée dans ces années-là. Après ces cours-là, qui avaient été bien réussis, puisque j’étais, ou bien ils ont pensé que j’étais un type assez sérieux, ils m’ont envoyé suivre un cours de sous-officier. Le tout s’est bien passé et par après, je suis devenu instructeur pour des recrues qui arrivaient au Camp Borden. J’ai été là jusqu’à l’automne 1944. Et puis en 1944, j’ai été voir un médecin parce qu’eux autres au Camp Borden - l’Army Service Corps [Corps de l’intendance] qu’on l’appelait dans le temps - ils n’envoyaient plus personne en Europe. Je me suis fait transférer à Valcartier parce que je voulais absolument aller en Angleterre pour par la suite être envoyé sur le champ de bataille. Parce que l’invasion [de la Normandie] avait déjà eu lieu en 1944, comme vous le savez. Je voulais faire partie de l’équipe qui était là pour combattre, aider à combattre. Finalement, on n’a pas pu traverser. J’étais là au début de 1945 et puis comme vous le savez, ça s’est terminé en juin et puis j’ai manqué mon coup. Mais là entretemps, naturellement, j’ai été aussi volontaire de Valcartier pour la force du Pacifique qui se formait à Aldershot, en Nouvelle Écosse. Ça fait que je me suis ramassé là mais la bombe atomique est arrivée, c’est à dire les bombes nucléaires, sur Nagasaki et Hiroshima, ça fait que ça s’est terminé. Ça aussi, c’est tombé à l’eau.
Naturellement, lorsque la guerre de Corée s’est déclarée, moi j’étais justement au Nouveau-Brunswick comme instructeur pour le corps de cadets et puis c’est là que je me suis fait transférer à Valcartier avec le 2e bataillon qui venait de se faire former pour la Corée; le 2e bataillon, qui était du Royal 22e Régiment. À ce moment, il y avait seulement qu’un bataillon, le premier bataillon et c’est dans ces années-là que le 2e bataillon et le 3e ont été formés spécifiquement pour la Corée. Par la suite, j’ai continué mon service. J’ai été en Allemagne avec le 2e bataillon à deux reprises. J’ai passé quatre ans là-dessus au collège militaire comme instructeur ici à Saint-Jean. J’ai fait une période à Chypre avec le bataillon en 1959. Finalement, en 1973, je me suis retraité comme adjudant-chef. On avait beaucoup d’anciens, de vétérans de la Deuxième Guerre qui étaient avec nous, surtout avec le 2e bataillon. On avait peut-être un bon 30%. Moi je suis retourné en Corée en 2003 et puis qu’est-ce que j’ai vu ça m’a fait un grand bien. Je me suis dit, on n’est pas venus ici combattre pour rien. On a eu des bons résultats. Mais qu’est-ce qui se passe aujourd’hui, par exemple comme en Afghanistan, est-ce que dans deux, trois ans d’ici les jeunes vont pouvoir dire "Voilà, je ne suis pas allé là pour rien"?