Project Mémoire

Art Robillard (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Pour le témoignage complet de M. Robillard, veuillez consulter en bas.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

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Art Robilliard à The Last Hurrah, Winnipeg, Manitoba, août 2011.
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Transcription

La raison pour laquelle j’ai un jour décidé d’essayer de faire avancer ma carrière, c’est que je semblais être un peu dans une impasse. Je commençais à travailler comme mécanicien automobile, alors je me suis porté volontaire pour aller en Corée, et rapidement, ils ont dit: « OK. » Alors je me suis retrouvé dans le 3e bataillon du Royal Canadian Regiment, et nous nous sommes d’abord rencontrés à Wainwright [en Alberta], et de Wainwright, ils nous ont déplacés à Petawawa [en Ontario], et nous sommes ensuite partis de Petawawa pour la Corée.

J’ai été chanceux. Nous sommes arrivés à Calgary [en Alberta] et le régiment [Royal Canadian Regiment] est sorti pour une marche à travers la ville, et quiconque habitait là pouvait s’arrêter et aller voir ses proches, et des trucs du genre. Mais ils nous gardaient bien à l’œil et nous ne pouvions pas partir, sortir de la station, du tout. Et de là, nous sommes allés à Seattle [à Washington aux États-Unis] et nous sommes embarqués à bord du CC Blue, et nous avons fait le voyage de trois semaines, la même routine jour après jour. Certains des gars se sont retrouvés avec les lignes de changement de dates, des tâches supplémentaires, et des choses du genre, mais heureusement, je n’ai jamais eu rien de tel.

Le matériel de lecture était notre plus grande source. On trouvait quelqu’un qui lisait un livre, et il déchirait une page et la passait au suivant. Et c’est ainsi que les livres étaient lus. Alors vous passiez la moitié de votre temps à chasser la page suivante.

Nous sommes ensuite débarqués au port de Yokahama [au Japon], c’était tout un voyage. Et nous avons pris le train de là et sommes descendus à Kobe [Japon]. Nous avons passé quelques nuits là. Le colonel est parti pour la Corée et a laissé le 2CI [commandant en second] en charge, et bien sûr, tout le monde a eu du temps libre pour aller visiter la ville.

De là, nous sommes partis pour la Corée sur deux navires, et sommes arrivés à Pusan, ou Busan comme ils l’appellent maintenant. De là, nous sommes montés à bord de camions semi-remorques à pont ouvert, et avons été emmenés à la gare, et c’est là que nous avons vu des enfants coréens pour la première fois. Ils étaient vêtus de sacs de jute, et ils avaient des boîtes de confiture retenues autour du cou par une ficelle pour mendier. Et bien sûr, ils avaient des plaies ouvertes, et toutes sortes de choses du genre. La police militaire américaine leur donnait des coups de pied pour s’en débarrasser, et ils ont bien failli se retrouver avec une émeute sur les bras lorsque nous avons vu comment ils les traitaient. Mais nous avons ensuite appris qu’un bon nombre de ces enfants étaient sous le contrôle d’un seul homme, qui leur infligeait ces plaies et ces choses afin qu’ils aient l’air mal en point pour gagner notre faveur et ainsi obtenir des rations.

Et puis de là nous sommes partis en train jusqu’à Uijeongbu. C’était un vieux train de nuit. Pas de couchettes ni rien, juste des vieux bancs durs. Les toilettes étaient un trou dans le sol et c’est tout. Apparemment, il y a eu des coups tirés sur le train par des tireurs d’élite durant la nuit, mais c’est ce qu’on m’a dit.

Et puis de là nous avons voyagé en camion jusqu’à notre emplacement, et nous avons relevé les autres troupes. Et de là, nous sommes montés sur la ligne, sur la 38e, et c’est là que nous sommes restés.

Une fois là-haut, nous pouvions monter sur la colline et regarder l’avion passer, il larguait du napalm et des choses du genre, et nous pouvions voir les coups de feu la nuit. Mais en étant au quartier général, nous n’avons pas vu grand-chose. À quelques reprises, lorsqu’ils ont pris le contrôle de la colline, ils avaient ce qu’ils appelaient une route camouflée, et nous ne pouvions prendre cette route qu’à la nuit tombée, et nous devions téléphoner du sommet, et téléphoner d’en bas. Vous appeliez, et vous aviez l’autorisation de descendre, et lorsque vous étiez en bas, vous deviez téléphoner encore et leur dire où vous vous trouviez. Et de là, la route continuait vers l’endroit où se passaient les combats. Nous y allions avec une dépanneuse et nous gardions la route propre, et nous réparions des camions, et des trucs du genre. J’y suis allé quelques fois.

Une nuit, j’étais là, nous étions allés vers un peloton de mortiers et avions réparé un camion, nous sommes revenus et il faisait nuit noire et j’avais une barre luminescente sur le dos et je marchais devant la dépanneuse vers le bas de la colline. Nous avons téléphoné et ils nous ont dit qu’un véhicule était déjà sur la route. Alors nous avons attendu pendant un bon bout de temps, et personne n’est arrivé alors nous avons appelé encore une fois, et ils nous ont dit qu’ils étaient déjà rendus à l’un des autres endroits. C’était donc mon excursion sur la ligne de front.

Tout était effectué avec une section de huit hommes et d’un chef de troupe. Alors nous avancions à travers le champ, et le cadre d’instruction était derrière nous et nous avertissait lorsque nous allions nous trouver sous des tirs, et des choses du genre. Et alors que nous marchions à travers le champ, nous avons baissé les yeux et avons réalisé que le champ était fertilisé avec des humains. Et il y avait beaucoup de mouches et tout le reste, et nous ne faisions qu’espérer: « Ne nous dites pas de nous accroupir, ne nous dites pas de nous accroupir ». Mais nous avons été chanceux et nous avons traversé le champ sans problèmes.

Une fois la paix déclarée, nous n’avions plus autant de panique et tout ça, et nous continuions à monter la garde et ainsi de suite. Nous avons perdu le QM [quartier-maître] dans un incendie. Et tous les SRD [Services Reconnaissance Department] nous sommes partis à (?). De là, nous sommes allés à Inchon [en Corée] et nous sommes embarqués sur le navire, et nous avons navigué sur la route du nord jusqu’à Seattle. Et c’est tout. De Seattle à Calgary, et une fois à Calgary, il n’y avait rien de spécial, juste nos parents ou nos proches, et ça a été tout.

J’ai remarqué que de nombreux autres gars étaient comme ça aussi, on ne parlait tout simplement pas de la Corée. On en parlait entre nous, mais à personne d’autre, on n’en parlait pas. Il n’y a pas eu beaucoup de publicité ou quoi que ce soit du genre, alors les gens ne comprenaient pas ce qui c’était passé là-bas, et ce que nous avions vécu.