Audrey Stevens a servi dans le Service féminin de l’Armée canadienne pendant la Deuxième Guerre mondiale. Voici son témoignage.
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Transcription
Je m’appelle Audrey Stevens, née Lucas. J’ai été membre du Service féminin de l’Armée canadienne. Je me suis enrôlée en 1942, deux jours avant mon dix-huitième anniversaire. J’étais donc assez jeune à l’époque. Je marchais dans la rue avec des amies ce soir-là et nous avons vu une fille en uniforme. J’ai simplement dit comme ça qu’elle paraissait bien et que je me verrais bien faire la même chose. Une de mes amies n’était pas de mon avis. J’ai répondu en insistant, affirmant que ce serait intéressant pour moi et que j’aimerais sûrement faire une telle chose. Elle m’a alors mise au défi. Je me suis donc enrôlée. J’ai obtenu les informations nécessaires pour remplir ma demande et on m’a convoquée à une entrevue. J’y suis allée : j’ai fait l’entrevue et j’ai subi un examen médical, puis j’ai été renvoyée chez moi. J’ai reçu plus tard un télégramme m’informant que je devais me présenter au bureau d’enrôlement le 27 juin. C’était à l’époque un défi qui m’avait été lancé. J’aime bien essayer de nouvelles choses, il me faut parfois une autre personne qui me pousse pour que je me décide à plonger. J’avais donc ce genre de mentalité quand je suis arrivée, mais, en même temps, l’occasion était belle de sortir et de voir le monde. J’avais grandi dans une petite ville. L’avenir qui m’était réservé était peu reluisant et je ne voulais pas en rester là pour le reste de ma vie. C’était l’époque où on commençait à peine à autoriser les femmes à s’enrôler dans les forces armées, et donc tout était en place pour que je puisse sortir des sentiers battus. Et quoi de mieux si j’allais du même coup pouvoir rendre service à mon pays! J’allais enrichir mon bagage et faire quelque chose d’utile en même temps. Vous savez quoi? J’aimerais que ce soit encore ainsi aujourd’hui. Je ne souhaite pas la guerre, mais j’aimerais que les adolescents d’aujourd’hui puissent expérimenter le monde et acquérir un sens de la responsabilité avec un encadrement du même type que celui dont j’ai bénéficié dans les Forces armées. J’avais quitté la maison de mes parents, mais je n’étais pas non plus laissée à moi-même. J’étais libre sans l’être totalement, je devais suivre des règles, mais je n’avais pas d’inquiétudes à me faire, je savais que j’avais un lit où dormir. Pas besoin de penser à ce que j’allais faire, pas besoin de penser à ce que j’allais porter. Tous les besoins essentiels étaient comblés. Mais en même temps, on devait se responsabiliser. On avait la responsabilité d’être là où on devait être à une heure donnée. On avait la responsabilité de suivre les ordres. On avait la responsabilité d’apprendre à vivre avec autrui, ce qui vient en quelque sorte avec le temps. C’était à mes yeux l’un des plus grands avantages d’être membre des Forces armées. C’est la même chose et pour les femmes et pour les hommes. Mais à l’époque où les femmes sont entrées dans les Forces armées, ce n’était pas facile. Beaucoup d’hommes, et je suppose des femmes aussi, s’y sont opposés. On disait que ce n’était pas un endroit pour les femmes. Ils avaient probablement raison, pour l’époque. La place des femmes était à la maison. Elles étaient censées faire à manger, faire le ménage et élever les enfants. Elles n’étaient pas censées travailler, surtout pas aux côtés des hommes. À l’époque, la guerre en Europe faisait la vie dure à nos effectifs de combat qui ont commencé à manquer. Au sommet de la hiérarchie, on s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup de femmes qui pouvaient faire du travail accompli par les hommes : travail de bureau, cuisine, ce genre de choses. On a donc décidé de profiter de cette belle ressource.