Bill Baluk (source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

Project Mémoire

Bill Baluk (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Bill Baluk a servi dans l'Aviation royale canadienne pendant la Deuxième Guerre mondiale. Pour le témoignage complet de M. Baluk, veuillez consulter en bas.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.


Bill Baluk
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Bill Baluk à l'école d'entrainement No. 5, Belleville, Ontario, 1943 (à gauche); et Bill Baluk, escadron 431 Iroquois, RCAF, Croft York, 1945 (à droite). Photo prises à Oshawa, Ontario.
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Page provenant du carnet de bord de Bill Baluk.
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Ecole initiale d'entrainement No.5 de la RCAF, Belleville, Ontario, classe No.10, vol No.79, 1943. Bill Baluk est le numéro 38, à droite sur le 2ème rang en partant du fond.
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Classe No. 4 des Ingénieurs de la RCAF, à St. Thomas, Ontario, 1943-44. Bill Baluk est le 4ème à gauche au dernier rang.
Bill Baluk
Et les larmes se sont mises à couler sur ses joues quand il a vu les falaises blanches.

Transcription

Notre Père, par crainte de suivre le chemin de la suffisance, aide-moi à me souvenir qu’il y a quelqu’un quelque part, un homme qui est mort pour moi aujourd’hui. Tant que la guerre durera, je devrai poser et répondre à cette question, est-ce que je vaux vraiment la peine qu’on meure pour moi.

En 1942 [1944], le 4 juin, j’ai pris la mer à Halifax sur un bateau dont je me souviens comme étant le [RMS] Andes. C’était un bateau à fond plat qui balançait vachement. On a débarqué à Liverpool. Pendant la traversée, on a eu une alerte au sous-marin et on a pris au nord de… et on était seuls, on n’avait pas d’escorte parce que le Andes était censé faire du 26 nœuds, il était trop rapide pour une escorte. Alors on est passé par le nord et on a débarqué à Liverpool le 10 juin 1944. Le 6 juin, le jour J, on était au milieu de l’océan quand ils ont annoncé la nouvelle à l’interphone.

De Liverpool, je suis allé à Cheltenham. Au début, les gens de la RCAF allaient près de la côte sud. Mais tellement d’aviateurs avaient été tués par les bombes et le mitraillage au sol de l’aviation allemande qu’ils l’avaient déplacé à Cheltenham. De Cheltenham, je suis allé à Ripon pour faire une formation sur l’évacuation mais comme il avait un besoin urgent de mécaniciens de bord, je suis parti immédiatement à Dishforth c’était l’unité de conversion 1664, une unité de conversion pour les quadrimoteurs. On volait sur des Halifax N°5 [Halifax Mk V, un bombardier autant utilisé par la Royal ir Force que par la RCAF], qui avaient des moteurs Merlin, au lieu des moteurs en étoile [Hercules].

Après ma certification à Dishforth, j’ai été affecté au 431ème escadron Iroquois à Croft dans le Yorkshire. Et là j’ai rencontré mon équipage, qui avait déjà effectué des vols sur des Wellington [un moteur de bombardier à deux cylindres] avant mon arrivée. J’ai eu bien du mal avec le mitrailleur arrière, [William] Kuchma, parce qu’il ne voyait pas la nécessité d’avoir un mécanicien à bord. Il pensait que ce n’était pas nécessaire, que c’était seulement du poids en trop et que nous n’en avions pas besoin, jusqu’après notre première opération, où il à compris que c’était tout le contraire.

On a commencé à partir en opérations après le 2 décembre. A ce moment-là, le 431ème escadron était en pleine reconversion en passant des Halifax aux Lancaster N°10, bombardiers Mark 10 qui sont des bombardiers de fabrication canadienne. Bon, on était ce qui s’appelle un équipage de remplacement, on ne décollait et volait seulement si un autre avion était en panne ou inutilisable. Malheureusement pour nous, aucun d’entre eux n’était en panne ou inutilisable alors on ne décollait pas, et c’était assez décevant parce vous êtes gonflé à bloc, vous portez votre uniforme de vol et vous allez à l’avion et ils décollent et vous les regardez et vous rentrez chez vous et vous enlevez votre uniforme.

Ma première opération à Croft a eu lieu le 15 décembre et on est allés à Ludwickshaven [Allemagne]. Et ça a été une expérience palpitante. Pour un premier vol avec un nouvel équipage, ça aurait dû nous donner la pétoche. On a eu toutes les lumières qui se sont éteintes sur notre, une demi-heure avant le bombardement, et ça nous a pris quelques minutes pour trouver ce qui se passait avec les lumières. Et la lumière ça interfère avec les appareils, on n’avait plus d’interphone, on n’avait pas de super chargeur, pas de contrôle à distance pour les compas, pas de chaleur, vous n’avez pas de radio, pas de radar, vous êtes complètement impuissant. Et si nous n’avions pas volé sur un Lancaster Mark 10 de fabrication canadienne, qui a des interrupteurs à déclenchement thermostatique et non des fusibles, on ne serait jamais rentrés chez nous. Mais heureusement, on avait ces interrupteurs thermostatiques et après huit ou dix essais environ, on a mis l’entrée d’air du moteur interne en drapeau et on a découvert plus tard que ce moteur était pourvu d’un générateur défectueux.

On a été redirigé vers Framlingham, qui est un aérodrome de l’armée de l’air américaine pour les bombardiers B17. Il nous fallait faire un atterrissage trop long sur trois moteurs et on a été à deux doigts de rentrer dans les arbres à notre premier dépassement. Mais l’atterrissage s’est bien passé et on a passé la nuit sur la base américaine. Ils mangeaient comme des rois parce qu’ils avaient des tonnes de nourriture là-bas que nous n’avions pas dans nos aérodromes, ou ailleurs. Le matin, je suis sorti pour faire la révision du Lancaster où on avait déjà l’arrivée d’air défectueuse et j’ai trouvé deux autres moteurs sans compression. Alors on a été obligés de laisser notre Lancaster là-bas pour les réparations et on a décollé et atterri chez nous à Croft avec un autre Lancaster.

Et la suivante, on a fait Cologne le 28 décembre, le 18 décembre c’était Duisburg. Le 28 décembre on a décollé à 3h09, ce qui est tôt le matin, pour aller jusqu’aux voies ferrées de Opladen et sur le chemin du retour, notre mitrailleur arrière, Kuchma, il a vu un Messerschmitt 109 [un avion de combat allemand] qui nous suivait et il nous a fait savoir au, par l’interphone au pilote, je ne vais pas lui tirer dessus au cas où il ne nous ait pas vu. Mais tout à coup le ME 109 a fait un tour de 360° et est arrivé sur nous sur la hanche bâbord et Kuchma lui a tiré dessus et il a rapporté qu’il l’avait descendu mais les renseignements ont seulement confirmé une possibilité de dégâts.

Et le 11 mars, on a fait une opération de jour. Je n’aime pas appeler ça des raids parce qu’on ne faisait rien d’illégal. Et on a décollé à 11h53 et il y avait 1069 avions sur cette opération. Au décollage on a rencontré plein de problèmes. On venait juste de décoller et je ne sais pas à quelle hauteur on était mais je sais qu’il venait juste de relever le train, et on n’avait pas encore rentrer les volets et trois des moteurs ont commencé à osciller de 3000 tr/min à 100, retour à 2800, puis 50, en bas, et ça a fait ça pendant un moment. Et on n’était pas très haut, je ne sais pas à combien on était mais c’est effrayant. J’ai fait mes contrôles d’urgence et le pilote a fait les siens et on a finalement ramener les manettes de gaz en arrière ce qui nous a donné 2850 tr/min et moins de propulsion mais les moteurs sont remontés. On ne devait pas être très haut pas plus de 400 à 500 pieds. Et on a bombardé le reste de l’opération et tout s’est bien déroulé.

Sur Wangerooge [une des iles Frisian de l'est] était, il s’est passé quelque chose de très triste. C’était juste une semaine ou deux avant la fin de la guerre. C’était une belle journée ensoleillée, il n’y avait pas d’attaques de chasseurs du tout et aucun chasseurs signalés. Et on a perdu sept bombardiers, deux Lancaster de notre escadron, le 431ème, se sont rentrés dedans et on a perdu tout le monde. Deux Halifax d’un autre escadron se sont rentrés dedans, et il y a eu deux autres crashs et un escadron de bombardiers français a aussi perdu un bombardier. Une triste journée, on a perdu sept bombardiers qu’on n’aurait jamais dû perdre.

Et puis le 8 mai la guerre s’est terminée, alors le 10 mai 1945, à 15h32, on nous a envoyés à Jouvincourt en France où on a atterri et ramené 24 prisonniers de guerre anglais qui avaient été capturés en 1941 ou 42. Et c’était une expérience très triste en rentrant. Un des soldats m’a demandé la permission de venir pour voir les falaises de Douvres à travers le pare-brise, ce à quoi je n’ai vu aucun inconvénient, et lui ai permis de faire. Et les larmes se sont mises à couler sur ses joues quand il a vu les falaises blanches. Et avec ça, il m’a donné un calepin de poche, un petit calepin allemand qui venait de l’armée de l’air allemande et puis il me l’a donné, je l’ai rapporté chez moi, et je l’ai finalement donné à un pilote allemand de la Luftwaffe.