Project Mémoire

Bill Young

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

À son entrée au Collège royal militaire (CMR) à Kingston en Ontario en 1936, Bill Young était un cadet. Quand la Deuxième Guerre mondiale a commencé, il a été mobilisé et a servi comme lieutenant dans l’Artillerie royale canadienne. Il est arrivé en Angleterre au cours de l’été 1940 et prêta son assistance à la surveillance côtière dans la perspective d’une invasion allemande. Il a aussi passé quelque temps auprès du Général Henry Crerar, comme aide de camp. On l’a promu major et envoyé en Italie en 1943 avec le 2e Régiment d’artillerie moyenne de l’Artillerie royale canadienne. Le régiment a été envoyé aux Pays-Bas en 1944.
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Bill Young à Hamilton, Ontario, juin 2012.
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On était en permanence d’une vigilance extrême vis-à-vis des parachutistes allemands. Je ne sais pas s’il vous est arrivé de scruter une étendue d’eau pendant un long moment et de voir qu’il n’y a rien. Mais si vous êtes en train de monter la garde dans un avant-poste sur la côte et qu’on vous demande de surveiller l’arrivée des Allemands, vous apercevez un navire chaque fois que vous regardez au large.

Mais j’ai fini par me retrouver au CMR en 1936. On était la promotion de 1940. On aurait dû avoir nos diplômes en – si on avait pu terminer nos quatre ans d’études – en 1940. Quoi qu’il en soit il y a eu la guerre, alors en 1939, au début du mois d’octobre, juste après le jour d’Action de grâce, on nous a remis nos diplômes. Et on s’est tous – il y avait 38 élèves dans notre promo à l’époque – enrôlés dans des unités qui étaient mobilisées. Et j’ai rejoint la 40e batterie, de l’Artillerie royale canadienne, qui était une batterie d’Hamilton [en Ontario]. Et c’était la seule unité d’Hamilton dans l’artillerie à l’époque.

Et bien, notre entrainement a repris, mais nous n’avions toujours pas d’équipement réel. Quand on était au Canada, on n’avait aucun équipement. Je n’avais même jamais vu de canons alors que j’appartenais à l’artillerie. On avait des manches à balai. On avait des choses comme ça, mais on n’avait rien pour s’exercer. On est arrivés en Angleterre. On nous a finalement donné quelques canons de fortune. Quand j’utilise le terme de fortune, c’était des canons hybrides. La Grande-Bretagne était – l’Armée impériale [l’Armée britannique] était en train de les remplacer par des [Ordnance QF] pièces de 25 livres, un canon de campagne. Mais les quatre premiers, ils avaient des [Ordnance QF] pièces de 18 livres et ils avaient tout un tas de ceux-là qui servaient encore. Donc on nous a donné une sorte d’hybride qu’ils appelaient une pièce de 18/25. C’était une espèce de mélange de pièces détachées et c'est ce que nous avons finalement reçu.  Et, au moment de la grande percée des Allemands [conduisant à la chute de la France en juin 1940], on a eu notre premier entrainement de tir sans même tirer un coup de canon en fait et c’était à Oakhampton, un champ de tir de l’artillerie dans le Devon [en Angleterre].

Et je me souviens que tout le monde avait très peur parce que la Grande-Bretagne allait être – les parachutistes allemands devaient atterrir juste à côté. Et nous voilà dans ce champ de tir abandonné de tous dans les collines du Devon. On devait monter la garde toutes les nuits à cause des parachutistes – qui devaient débarquer. Comment quelqu’un d’un peu sensé aurait-il pu imaginer qu’un parachutiste allemand allait être condamné à se retrouver dans ce champ de tir d’artillerie dans le Devon, je ne sais pas, mais, on était en permanence d’une vigilance extrême vis-à-vis des parachutistes allemands.

Je ne sais pas s’il vous est arrivé de scruter une étendue d’eau pendant un long moment et de voir qu’il n’y a rien. Mais si vous êtes en train de monter la garde dans un poste d'observation sur la côte et qu’on vous demande de surveiller l’arrivée des Allemands, vous apercevez un navire chaque fois que vous regardez au large. En fait, on nous avait dit qu’il ne s’agirait pas d’une invasion, on nous avait dit d’essayer de repérer les compagnies de débarquement qui allaient être envoyées sur le rivage pour se renseigner sur les défenses, voir quelles étaient les défenses côtières de la Grande-Bretagne. Mais évidemment, ça ne s’est jamais produit. Mais en tout cas, c’était le rôle des Canadiens cet été-là.

J’ai servi pendant un moment comme aide de camp du Général [Harry] Crerar [commandant du 1er Corps canadien]. C’était en Angleterre, et au moment de Dieppe [Opération Jubilee, le 19 août 1942]. Alors j’ai de nombreux souvenirs de – le travail d’un aide de camp c’est en fait d’amener votre – le Général Crerar à un certain endroit à un certain moment, et de vous assurer que les gens qui savaient qu’il venait se présentent bien et être capable de dire à Crerar : « Vous allez là-bas, vous allez rencontrer telle ou telle personne qui est originaire de tel endroit au Canada » -  pour qu’il soit complètement préparé.

Ce fut un énorme choc pour tout le monde dans le haut commandement canadien. Dieppe s’est révélé être une catastrophe, comme vous le savez, et c’était traité comme tel. Et comme Crerar venait de Hamilton, il était particulièrement préoccupé par toutes les familles qu’il connaissait, et qui avait eues un de leurs membres tués ou grièvement blessés à Dieppe. Alors il était vraiment très préoccupé.

On a fini, non pas avec les troupes qui sont parties en Sicile et ont débarqué sur les plages. On nous a amenés comme renforts. C’était la 5e Division [(blindée) canadienne] avec qui j’ai terminé, et le 2e régiment d’artillerie moyenne est parti avec le – ils faisaient partie du groupe d’armées de Niagara, Artillerie royale, ce qui à l’échelle du Canada faisait trois régiments d’artillerie moyenne, et ils allaient là où leur puissance de feu était indispensable. Et nous avons été en Italie, puis, se dirigea vers la vallée du Liri et naturellement ils avaient besoin de toute notre puissance de feu. Mon régiment à moi avait un poste d’observation, et je devais monter là-haut. Heureusement, j’avais un âne de grande taille, et vous fixiez le poste de radio portable avec des sangles sur son dos et c’est lui qui le transportait. À la fin, on se trouvait juste en face de Cassino [en Italie], et on avait une bonne vue dessus. Alors on a fait un certain nombre de choses comme ça, des tirs et beaucoup de tirs programmés.

La vallée du Liri, par exemple, a été notre première grande bataille, et en ce qui nous concernait il s’agissait surtout de tirs programmés. Et ensuite, pendant qu’on avançait, on a eu des cibles imprévues à l’occasion, et on s’en occupait quand elles se présentaient – « Bon, vous observez, mais vous pouvez aussi faire feu. » En tout cas, c’était la première, et ensuite on a continué en faisant d’autres choses évidemment. Il y a eu la ligne Gothique [les dernières séries de fortifications allemandes dans le nord de l’Italie] après leur débarquement [les Alliés à Salerne le 3 septembre 1943], et puis tous les combats autour des rivières Sénio, Lamone, et autres. En tout cas, après Rimini [le bataille du 13 au 21 septembre 1944] et [la libération de la ville de] Ravenna [le 4 décembre 1944], ça a été terriblement laborieux. Il fallait traverser chaque rivière. Les rivières étaient toutes en crue à ce moment-là et les Canadiens se sont fait battre comme plâtre en traversant certaines d’entre elles, c’est certain.