Project Mémoire

Bob Abbott

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Bob Abbot s’est enrôlé en 1943 dans le South Saskatchewan Regiment et débarqua à Dieppe, en France, en septembre 1944. Il partit sur les lignes de front de la poche de Breskens pour assurer le remplacement des troupes, et se retrouva confronté à de violents bombardements. Il fut ensuite envoyé dans l’infanterie en tant que chauffeur où il conduisit les véhicules des troupes américaines et canadiennes ; il travaillait souvent avec le Corps forestier. Lors d’une permission à Dundee en Écosse, il avait rencontré Millie, sa future femme, pendant le jour de la Victoire en Europe (le 8 mai 1945). Après la guerre, il est resté en Allemagne au sein de la Force d’occupation, et en 1946 il rentrait au Canada.
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La chancellerie du Reich à Berlin en Allemagne en 1945. La chancellerie du Reich comprenait les bureaux du gouvernement et aussi des logements. Le bunker du führer, l’abri antiaérien dans lequel Hitler vécut du 16 janvier 1945 jusqu’à son décès le 30 avril 1945, était situé dans le jardin
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Bob Abbott pendant la guerre.
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Un télégramme envoyé par Bob Abbott à Regina dans la Saskatchewan, le jour de la Victoire en Europe le 8 mai 1945.
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Bob et Millie Abbott en compagnie de Mme Lynda Haveestock, lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan, à la légion canadienne de Yorkton dans la Saskatchewan le 16 novembre 2002, lors d’une cérémonie où Bob Abbott reçut la Médaille du jubilé de la reine Elizabeth II (2002).
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Une voiture blindée (Krupp-Daimler Panzerwagen Sd.Kfz. 3 M1574) située à l’extérieur de la chancellerie du Reich à Berlin en Allemagne, juillet 1945.
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Il était 6 heures du matin ou à peu près. Et on a sauté d’un bateau à l’autre et bien sur, on s’est mis en rangs, et ces Allemands nous ont regardés et on les a regardés, la guerre était finie pour eux et elle commençait tout juste pour nous.

Je me suis dit qu’il était de mon devoir de partir me battre pour mon pays et comme je l’ai précisé, je n’y étais pas obligé parce qu’on avait beaucoup d’animaux et ça rapportait bien, et mon beau-père voulait m’acheter du terrain, mais j’ai décidé de partir me battre pour mon pays, alors c’est ce que j’ai fait.

Quand on a débarqué, il y avait une quarantaine d’hommes dans de petites embarcations et quand on a débarqué [en 1944] à Dieppe, il y avait environ 200 prisonniers allemands qui avaient attendu là toute la nuit, debout sous la pluie. Et en septembre, il faisait assez humide et froid et ils attendaient là debout dans leurs grands manteaux gris avec l’eau qui ruisselait jusque par terre. Et ils sont montés dans les mêmes bateaux que nous.

Je pense que tout le monde était malade quand on est arrivés à Dieppe et ces Allemands qui étaient là debout ont du trouvé qu’on avait une drôle d’allure, car il y en avait six de ces bateaux, je pense que ça faisait dans les 240 hommes, parce qu’il y en avait 40 par bateau, et on a sauté d’un bateau à l’autre. Quand on est arrivés à quai, tout s’est ralenti parce qu’on ne savait pas où on n’allait ni ce qu’on allait faire et c’était, comme je l’ai dit, c’était comme dans une tombe, c’était horrible.

Et quand on s’est rentrés dedans, ça a fait bang ! et puis l’autre gars nous a touchés de l’autre côté et quand on a ouvert la trappe, on est sortis de là et il commençait à peine à faire jour. Il était 6 heures du matin ou à peu près. Et on a sauté d’un bateau à l’autre et bien sur, on s’est mis en rangs, et ces Allemands nous ont regardés et on les a regardés, la guerre était finie pour eux et elle commençait tout juste pour nous.

Et la nuit suivante, on est arrivés sur la ligne de front. Et on n’était qu’à quelques kilomètres de l’endroit où ils se battaient, c’était dans la poche de Breskens,* où j’ai combattu sur le Canal Albert,**  je crois que c’était le South Saskatchewan Regiment qui se trouvait à Albert [Belgique]. Et on est resté là-bas, bon, ça donnait un peu le frisson à ce moment-là, ça devenait, les canons lourds bombardaient abondamment, et on était un peu effrayés je pense qu’on peut dire ça comme ça, je ne sais pas. Mais en tout cas, on a dormi à l’extérieur et quand les camions sont tous arrivés dans ce petit endroit avant qu’on parte sur la ligne, les canons faisaient feu, on était en face des canons, je pense. Et, quelqu’un a crié : « Où est-ce que vous dormez ? » et deux secondes plus tard, il était aux environs de minuit, quelqu’un a hurlé : « Qu’est-ce que vous imaginez, vous n’êtes pas à la maison, à dormir dans un lit douillet, il va falloir vous y habituer. »

Vous savez, le temps, vous passez la nuit dans le froid et l’humidité, et vous êtes debout toute la nuit parce que les canons n’arrêtent pas de tirer juste au-dessus de votre tête et ils essayent de vous avoir, ils vous attaquent, vous savez, et de temps en temps, il y a quelques hommes en moins, et ça commence à jouer sur vos nerfs. Tout le monde a ses limites.

Je m’étais porté volontaire pour retourner au front, mais ils ne m’ont jamais renvoyé là-bas. De là, je suis parti à Nimègue ou près de Nimègue [Pays-Bas], avec les troupes du 2e Corps [canadien]. Et j’ai fait différents boulots. On avait un, je m’occupais d’un club pour les officiers, mais on n’était qu’à quelques kilomètres derrière les lignes, on se faisait bombardés tout le temps parce que c’était le club des officiers du front. Dans la ville de Grave [Pays-Bas] et Noël approchait. Alors cette année-là, on a organisé une fête pour les enfants à Grave, et on a récupéré toutes les barres de chocolat et autres sucreries qu’on pouvait trouver pour les enfants, et on a eu une centaine d’enfants. On leur a organisé une fête, et en 1995, quand je suis retourné en Hollande pour le cinquantième anniversaire, j’ai rencontré un homme et sa femme qui étaient présents à cette fête 50 ans plus tôt.

J’ai apporté un moteur à un endroit et je ne savais pas, ils ne m’avaient pas dit où aller et je ne savais pas où se trouvait la ligne et ils m’ont dit d’aller à un endroit précis là-bas près de la forêt de Hochwald [Allemagne]. Et ils se battaient toujours là-bas, il y avait de la neige par terre et j’ai roulé et bien sûr, il n’y avait pas trop de bagarre, mais en tout cas, il fallait que je dépose ce moteur à un endroit précis et j’ai ralenti un peu. Et bon sang, je pense que j’étais derrière les Allemands, pas très loin, parce qu’ils ont tiré trois obus juste devant moi à nouveau. Et j’ai eu de la chance d’avoir ralenti autrement ils m’auraient eu. Alors j’imagine que quelqu’un était là pour me protéger.

Je suis parti en permission en Écosse ; j’avais débarqué en Écosse quand j’étais arrivé outre-mer et j’avais reçu un accueil tellement chaleureux, j’avais dit clairement qu’il faudrait que je retourne en Écosse. Alors j’y suis retourné, j’ai demandé au soldat avant moi une adresse parce qu’à cette époque, il fallait donner une adresse. Et il a répondu : « Il y a une femme à Dundee qui s’occupe des soldats canadiens », elle procure un lit et le petit-déjeuner et des trucs comme ça pour nous. Alors j’ai pris l’adresse et je suis allé à Dundee et c’était deux jours avant la fin de la guerre. Et le jour où la guerre a pris fin, j’ai rencontré ma future femme, et 66 ans plus tard, je suis toujours avec elle.

 

*Défenses allemandes sur la rive sud de l’estuaire de l’Escaut

**Qui relie les villes de Liège et Anvers en Belgique ainsi que la Meuse et l’Escaut