Project Mémoire

Brian Edwards

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Courtesy of Brian Edwards
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Photo de l’explosion du hangar de la gare de la RCAF le 15 février 1945 à Sydney en Australie.
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Photo de l'Explosion d'un Hangar à la station de la RCAF de Sydney, Nouvelle-Ecosse le 15 février 1945.
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L'Institut Historica-Dominion
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Photo contemporaine de Brian Edwards en 2010.
L'Institut Historica-Dominion
La charge sous-marine qui était suspendue à l’aile de l’avion est tombée. Elle s’est détachée du mécanisme qui la maintenait accrochée et elle a rebondi, elle a cogné par terre environ trois mètres de haut et elle a rebondi, et elle a tout fait sauter.

Mais ce matin-là précisément, pour quelque raison que ce soit, je, comme je l’ai dit, je ne saurai jamais pourquoi, au lieu de faire la grasse matinée et d’aller travailler vers 10h30, je suis parti travailler à l’heure habituelle à 9heures du matin. Et alors j’étais l’un des rares à travailler dans le hangar, on avait notre propre hangar. Normalement, un hangar à cette heure là du matin il était plein de gens qui travaillaient, trois, quatre cents personnes qui faisaient toutes sortes de choses, mais comme c’était le rassemblement pour la solde (file d’attente pour prendre sa solde), il n’y avait que très peu d’entre nous dans le hangar à ce moment-là. Donc mon sergent, dont le nom m’échappe, je crois que c’était peut-être Herd, mais je n’arrive pas à m’en souvenir et ça n’a vraiment pas d’importance, il m’a donné comme travail ce matin-là d’aller dans le hangar N°1, je crois que c’était, pour vérifier ce qu’on appelait les projecteurs Leigh (un instrument anti-sous-marin), LEIGH. Le Leigh c’était un gros projecteur, gros comme ça à peu près, avec une lampe à arc de charbon dedans qui donnait une puissance de l’ordre de 12 millions de bougies. C’était un gros projecteur qui était suspendu en dessous des ailes de l’avion sur un râtelier à bombes. On s’en servait pour voler au dessus de l’Atlantique, pour repérer les sous-marins, c’est à ça que servait un projecteur Leigh, à repérer les sous-marins. Et on était à Sydney, et c’était l’Atlantique, et notre travail à nous c’était de nous assurer qu’il n’y avait pas de sous-marins qui trainaient dans le coin.

Alors c’était l’une des choses qu’on faisait tous les jours en tant qu’électricien d’aéronef, c’était de vérifier les projecteurs Leigh après qu’il aient servi pendant la nuit précédente pour voir s’ils étaient en état de marche pour servir à nouveau la nuit suivante ; et je devais m’assurer que tout fonctionnait correctement. C’était le travail que j’avais à faire ce matin-là. C’était le commencement.

Alors je suis monté sur ce qu’on appelait une mule, qui ressemblait à une jeep, qui avait des marchepieds dessus. Je me tenais sur le marchepied et mon copain, mon ami, je ne me souviens plus qui c’était, il a conduit cette mule ou jeep au hangar. Il y avait un, deux, trois, quatre hangars. Et nous on devait conduire jusqu’au hangar N°1. Cinq minutes de trajet, je crois. Je me tenais debout sur le côté et il conduisait, jusqu’à ce qu’on arrive devant les grandes portes du hangar. Or, pour ouvrir une porte de hangar, il y a une petite porte, de la taille de celles-ci, et vous passiez par cette porte et il y avait un pêne dans le sol qui gardait la porte fermée, verrouillée. Et vous deviez tirer ce pêne vers le haut et alors l’autre porte se repliait en accordéon pour ouvrir les portes principales pour qu’il y ait assez de place pour que les avions puissent rentrer et sortir. Jusque là ça va ?

Alors quand on est arrivés à l’entrée du hangar, il a arrêté la jeep. J’ai sauté de la jeep. Je suis entré par les petites portes, qui sont d’une taille normale, et j’ai attrapé les pênes, qui étaient dans le sol, c’est je ne sais pas comment ils appellent ça, comme une barre en T. Et quand je l’ai attrapé, je devais le faire remonter du sol là où il était verrouillé, pour que les portes puissent se replier. Donc il allait entrer à l’intérieur avec la jeep et j’allais me mettre sur le dessus de la jeep pour atteindre le projecteur Leigh, qui était suspendu à un râtelier à bombes sur l’aile d’un Canso (avion de patrouille côtière anti-sous-marine), c’est comme des bombardiers d’eau comme on les appelle, vous savez, avec 36 mètres d’envergure d’aile. Il y a quatre râtelier à bombes qui sont accrochés là, avec un qui servait juste de solénoïde comme ils appelaient ça, si vous ne connaissez rien de ce dont je suis en train de parler, c’est pour tenir cette charge sous-marine (arme anti-sous-marine), c’était une grosse, c’était une bombe.

Or, quand j’ai tiré ce pêne, ça a été le chaos total. La charge sous-marine qui était suspendue à l’aile de l’avion est tombée. Elle s’est détachée du mécanisme qui la maintenait accrochée et elle a rebondi, elle a cogné par terre environ trois mètres de haut et elle a rebondi, et elle a tout fait sauter. Et le hangar a été soufflé. Le hangar avec quatre avions à l’intérieur et 25 ou 30 gars, juste comme ça. Du feu, de la fumée, des explosions partout. J’ai perdu connaissance. Quand je me suis réveillé, il y avait un pied sous mon bras droit et je me souviens m’être demandé, à qui est ce pied qui dépasse ? J’ai dit, il n’y a personne ici, à part moi et seulement le gars dans la jeep, et il est dehors, à qui est ce pied ? Et c’était mon pied à moi. J’avais reçu une balle qui m’avait traversé le fémur droit et ma jambe s’était cassée net, et ce pied, était là-haut sous mon bras et mon pied dépassait par là. J’étais sans connaissance et le pire de tout c’était, bon vous vous demandez, qu’est-ce qui s’est passé ? Vous voyez, tout autour du hangar, il y a différentes salles, la salle des munitions, la salle des accus, la salle de tension et tous ces différents secteurs avaient chacun leur propre atelier. Ce qui s’était passé, quand la bombe a explosé, ça a fait sauter les avions, l’essence s’est répandue partout sur le sol, ça a pris feu, et le feu s’est répandu jusqu’à la salle des munitions, qui avaient des milliers d’obus de calibre 50 et des munitions de toutes les tailles sur les étagères. Et elles ont juste fait pop, pop, pop, pop, pop, comme des feux d’artifice. Elles ne partaient pas d’une arme, alors elles n’avaient pas trop de vitesse de feu, elles partaient et explosaient dans la direction à partir de leur position sur l’étagère, si vous voyez ce que je veux dire.

Donc une des balles qui venaient de cette salle m’a traversé le fémur et l’a cassé net. Et les deux extrémités de l’os étaient passées à travers ma salopette, et le pied était ici en haut. Quand j’ai repris connaissance, le pire de tout dans les souvenirs que j’ai aujourd’hui c’était l’incendie, l’essence s’était répandue dans tout le hangar et elle était en train de brûler. Vous savez ce que l’essence brûle, n’est-ce pas ? Et ça se rapprochait de plus en plus de moi. Et je ne pouvais rien faire. Ma jambe était explosée. Je ne pouvais pas me lever, je ne pouvais pas. Quand j’ai commencé à appeler à l’aide, un gars, j’ai découvert après qui c’était, un gars qui s’appelait Wilson, il se trouvait que le Sergent de section Wilson passait par là en voiture et il a vu ce qui se passait, et il m’a entendu crier, je pense, et il est venu dans le hangar. À ce moment-là, je venais juste de reprendre connaissance. Quand il est arrivé vers moi, le feu était à la même distance que celle qui nous sépare ici. Deux secondes, s’il n’était pas arrivé quand il est arrivé, j’aurais pris feu. Je suppose que j’aurais péri dans l’incendie parce que je ne pouvais pas bouger.

En tout cas, pour changer de sujet, il m’a attrapé sous les bras et il a commencé à me trainer sur le sol, et je me souviens de mon pied qui rebondissait comme ça. Il a réussi à m’emmener dehors ; et il a gagné la médaille de l’empire britannique (certificat de mérite) pour m’avoir sauver la vie. Oui. Quand il était en train de me tirer de là, comme je vous l’ai raconté, il avait ses bras dessous, ses mains sous mes bras, une balle perdue provenant de cette pile de trucs dans la salle, l’a frappé en pleine poitrine et elle s’est logée dans le deuxième bouton de sa tunique. Or, vous n’allez pas le croire. Quand il est venu me rendre visite à l’hôpital, je ne connaissais pas cet homme. À ce moment-là, comme je l’ai dit, je n’avais passé que deux semaines sur la base, alors je ne connaissais pas grand monde, et pas grand monde me connaissait. Quand il est venu me rendre visite à l’hôpital, il a dit, il faut que je te montre quelque chose ; et il m’a montré la balle qui venait de son uniforme, le bouton de l’uniforme avec la balle à moitié enfoncée dedans. Il a dit, je l’ai reçue quand je te tirais. Je suppose qu’il l’a sentie. Il l’a sentie dans sa poitrine et il s’est repris. S’il n’avait pas fait ça, il aurait été tué et il m’aurait laissé tomber ; et j’aurais été tué.