Ils ont ouvert la caserne à 4 heures et ils ont dit, allez, tout le monde dehors, les trains vous attendent. Ils nous ont mis sur des trains à 4 heures du matin, en direction de l’est. Nous a pris cinq jours pour arriver à Halifax, imaginez, cinq jours. Que des soldats. Et au moindre petit arrêt, quelqu’un sortait pour prendre une bière. Alors la police devait faire attention quand ils remontaient, c’était marrant. Je sors prendre une bière.
Mais on a mis cinq jours. On arrive à Halifax, la voie va jusque vers le port. On a levé la tête et voici le plus grand paquebot de voyageurs du monde, le Queen Elizabeth. C’était notre bateau. Des milliers de soldats, mon Dieu. Tout simplement incroyable. Et cet immense paquebot, 80 000 tonnes et c’était l’un des paquebots les plus rapides du monde. Et on a mis cinq jours pour arriver sur la côte ouest de l’Ecosse. On a su le dernier jour avant d’arriver, que les avions allemands avaient l’habitude de venir faire un tour sur la côte là où les gros paquebots arrivaient mais ils ne nous ont pas vus et on a débarqué à Greenock en Ecosse.
Greenock, G-R-E-E-N-O-C-K, juste une toute petite ville avec un grand port. Et de là, on est descendu à Londres en train et à chaque arrêt, à chaque fois qu’on s’arrêtait pendant toute la nuit, les femmes de la ville montaient pour nous donner du thé. Nos vessies étaient près d’exploser quand on est arrivés à… Et ensuite on est arrivé à Londres, on a tourné à l’ouest à un endroit appelé Aldershot, une immense base militaire, immense base militaire, oh, tellement, tellement grande.
Lors d’un week-end à Londres, j’ai rencontré un médecin de Winnipeg que je connaissais et j’ai dit, qu’est-ce que tu fais ? Il a répondu, je m’occupe des contingents d’outre-mer, est-ce que ça t’intéresse et j’ai pensé, mon Dieu, je viens juste d’arriver ici, vous savez. Pour une raison ou pour une autre j’ai répondu oui. Une semaine plus tard ils ont dit, vous devez vous présenter à la London School [hôpital] qui s’occupe des maladies tropicales. Alors j’ai pensé, bon sang mais où est-ce que je vais aller? J’allais partir pour l’Afrique du Nord, vous imaginez. Et on a mis 21 jours pour arriver en Afrique du Nord. On devait passer pas par le sud ou quoi que ce soit, on est repartis vers Halifax et on est descendu, et on a traversé jusqu’à la côte africaine, remontés par Gibraltar et cap sur l’Afrique du Nord. Mais les sous-marins allemands étaient partout et on a perdu juste un bateau. Malheureusement, c’était un navire-hôpital et ils ont perdu leur équipement.
De là, on a reçu l’ordres de traverser la Sicile pour nous rendre en Italie. Ca nous a amené au pied de la botte, et c’est là qu’on a fait la traversée et on est montés de là jusqu’à Ortona, jusqu’en haut. Et il nous a fallu traverser toutes ces rivières, les allemands étant de l’autre côté évidemment, ils avaient tous les postes d’observation. Oh, les gars étaient, c’était tellement dur de traverser ces rivières. Et on est arrivé aux abords de Rome, à Monte Cassino, c’est un nom célèbre, et là il y avait ce mont, avec le monastère au sommet et les allemands dans le monastère qui nous surveillaient. Les allemands au sommet se sont bagarrés comme des diables mais on les a neutralisés et on a réussi à redescendre sur la route de Rome.
On est entrés dans Rome le 5 juin mais sans le savoir le 6 juin était le jour J en Normandie. On n’était pas au courant de ça évidemment. Hitler a décidé de retirer toutes ses troupes et de laisser le champ libre. Alors on est entrés dans Rome en marchant, il n’y avait pas d’allemands là-bas, ils étaient partis. Et après on a passé une ou deux semaines à Rome. Oh, merveilleux. On a vu tous les sites touristiques et j’ai été personnellement présenté au pape Pie XII. L’aumônier catholique en chef était l’un de mes professeurs à Winnipeg et il a dit, écoute Brian, j’essaye de réunir le plus de gars possible et le pape va venir demain à la chapelle Sixtine. Et voici le pape Pie XII et ils l’ont descendu et ils me l’ont présenté et il a dit, Et quel travail faites-vous ? J’ai répondu, je suis médecin. Il a posé sa main sur mon épaule et a dit, un travail très noble, vraiment très noble. Et j’ai pensé, bigre, attends que je raconte ça à Mère.
On devait continuer vers le nord. On devait faire partir les allemands d’Italie. On devait les obliger à se rendre. Alors il nous a encore fallu traverser des rivières et on devait juste faire ça, mais on est arrivés à Ortona, il y avait un combat terrible là-bas. J’ai perdu mon copain de chambre d’Angleterre. Il était avocat et venait de Medicine Hat, il buvait sans arrêt et il s’était cassé le poignet en Ecosse et – une de ces fractures qui mettent du temps à guérir – et j’ai dit, Bill, c’est la chance de ta vie, rentre au Canada en attendant que ton poignet guérisse, va voir ton fils qui vient de naître. Non, a-t-il dit, je sais qu’à mon âge, après m’avoir renvoyé là-bas, ils ne laisseront jamais revenir ici. Il a dit, je ne pourrai plus regarder mes amis en face ; je ne rentre pas chez moi. Il a été tué.
Je lui ai promis que si quelque chose arrivait, j’irais voir sa femme et son enfant. Alors après mon retour, je suis allé en voiture à Medicine Hat, ai trouvé son adresse. Il y avait un petit garçon assis sur les marches et il a bondi en criant, maman, maman, papa est à la maison, papa est à la maison. Et il a descendu les marches en courant et le chemin, et il a jeté ses bras autour de moi. Oh mon Dieu. Et j’ai dit, je ne suis pas ton papa mais je veux te dire combien ton papa était un brave soldat. Et la femme, elle a pris son mouchoir et elle pleurait aussi. Oh mon Dieu. C’était dur pour moi.
Mon corps de l’armée, la 5ème division blindée a été transférée en Allemagne de l’ouest, alors il nous a fallu aller à Marseille et remonter en traversant toute la France, jusqu’à EMDEN, E-M-D-E-N, Emden en Allemagne. Et c’est là qu’on était quand la guerre s’est arrêtée.