Cecil Edward Hancock a servi dans l'Aviation royale canadienne pendant la Deuxième Guerre mondiale.
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Transcription
Je m’appelle Cecil Edward Hancock. Je me suis enrôlé à Kenora, en Ontario, en juin 1942. J’ai d’abord été affecté à Edmonton, en Alberta. Je suis resté là pendant deux ou trois mois. Ensuite, je suis allé à l’école de formation initiale de Regina, et je suis resté là pendant trois ou quatre mois. Après avoir obtenu mon diplôme, je suis allé à l’École d’observation aérienne n° 7, à Portage la Prairie, au Manitoba.
J’étais commis dans une banque en 1938 et je gagnais 350 $ par année. Je demeurais chez mes parents et on n’allait pas loin avec un dollar par jour, à cette époque-là! Alors, j’ai décidé de m’enrôler dans l’Aviation, surtout pour toucher un meilleur salaire, mais aussi pour voyager un peu, chose que je n’aurais pu faire autrement. Aussi, j’étais patriotique.
Comme je travaillais dans une banque, j’étais bon en mathématiques et dans d’autres matières du genre, et je savais qu’ils avaient besoin de personnes qui savaient compter en aviation, et comme je savais que j’étais bon en maths, je me suis dit : « Tu vas devenir navigateur. » Et c’est dans ce domaine-là qu’ils m’ont placé. Il faut dire que j’étais un peu déçu de ne pas pouvoir devenir pilote d’avion, mais je me suis rendu compte qu’on ne peut pas tous occuper le poste principal. Alors, disons que j’étais assez content de mon sort. J’avais un peu peur de ne pas avoir assez d’instruction pour y arriver. J’ai travaillé pas mal fort.
Au cours de notre dernier voyage de formation, on est allé lâcher des dépliants sur la France et ça a été notre dernier voyage de la base de formation. Ensuite, ils nous ont affectés à un plus gros avion, un quadrimoteur. Plus tard, on s’est mis à lâcher ce qu’on appelle des « fenêtres ». C’était des feuilles d’étain, toutes empaquetées. Ça déroutait les radars. Les Allemands ne pouvaient pas, n’auraient pas pu dire qu’est-ce qui était un avion et qu’est-ce qui ne l’était pas. C’était…, on en lâchait tout le temps, même pendant nos autres voyages. Ça embrouillait leurs communications par radar. Ça devait être efficace parce qu’on l’a fait pendant très longtemps.
Tout le monde avait hâte au Jour J, et tous les soirs où on sortait, on se disait que cette fois ce serait la bonne, ce serait le bon jour! Et finalement, je pense que c’était notre troisième ou quatrième voyage en Allemagne, et on continuait toujours de sortir pendant la nuit. Une fois, on s’en revenait et on a traversé la Manche, et c’est à ce moment-là qu’on a aperçu les navires dans la mer et l’avion qui atterrissait. On ne nous avait pas officiellement annoncé que c’était le Jour J, mais, à l’aube, la réalité nous a frappés en pleine face. Je pense que je n’oublierai jamais cette scène. Mais ils avaient gardé la date du Jour J très secrète. On était sortis la veille plusieurs heures sans savoir que ça s’en venait. On s’en est aperçus à notre retour.
Ce que j’ai toujours trouvé qui me faisait le plus peur, c’est le risque d’être bombardés par un de nos propres avions. Il fallait passer dans différents fuseaux horaires et à différentes altitudes. Si un de nos compagnons était mal synchronisé…, j’ai déjà vu des trappes s’ouvrir et des bombardiers prêts à lâcher leurs bombes, et on se croisait les doigts en espérant juste qu’ils n’allaient pas les lâcher sur nous.
Je pense qu’on a plus peur avant de commencer. Une fois qu’on est dans le feu de l’action et qu’on fait notre travail, le temps passe vite, mais on a tous hâte de retourner à la base. Et avant qu’on aille se coucher, les officiers nous posaient des questions pour savoir ce qu’on avait frappé. La plupart d’entre nous, nous avions des photos des cibles.
Et ce que je préférais après, c’était de pouvoir manger des œufs et du bacon. C’était seulement dans ce temps-là, quand on revenait d’un de ces voyages, qu’on nous servait de vrais œufs. Le reste du temps, c’était des œufs en poudre.
Il est arrivé un malheur, ce Jour J : certains gars étaient mêlés et ils ont bombardé leurs propres compagnons d’armes. On avait toujours une grosse boule dans la gorge quand on se faisait dire qu’on avait tué de nos propres hommes. Mais c’est arrivé à quelques reprises; on a fait des erreurs. Mais lorsqu’on lâche des bombes à 20 000 pieds (6096 mètres) d’altitude, c’est pas mal difficile d’être précis lorsque les limites des cibles sont très rapprochées les unes des autres.