Project Mémoire

Charles-Eugène Laplante

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Charles-Eugène Laplante
Charles-Eugène Laplante
M. Charles-Eugène Laplante en mai 2011.
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Fragment d'obus tombé près de M. Laplante en Corée.
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M. Laplante conversant en français avec un colonel de l'armée suédoise à Séoul en juin 1953.
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Certificat de passage à bord du Domaine du Dragon d'Or (180e Méridien). Il s'agissait de cérémonies conduites lorsque les marins passaient le 180e Méridien, des cérémonies similaires à celles conduites lorsque les navires passaient l'Équateur. 5 avril 1953.
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Certificat de sauf-conduit des Nations-Unies lancé au-dessus des lignes ennemies afin d'inciter les soldats chinois à déserter. M. Laplante récupéra ce document au sol lors d'une patrouille.
Charles-Eugène Laplante
C’était froid la Corée. On s’imagine, quand je suis revenu de la patrouille, comment j’étais. Je me souviens que Desjardins m’avait donné la moitié d’une tasse de scotch. Je l’avais bu d’un coup, moi qui ai horreur du scotch.
J’ai été au front. C’était la période du troisième bataillon (3e Bataillon, Royal 22e Régiment), on est arrivé en avril (1953) en Corée jusqu’au mois de juillet, jusqu'à l’armistice (signé le 27 juillet 1953). J’étais sur la ligne de front. Même quand la guerre s’est terminée, j’étais sur la (colline) 355. C’était l’endroit où il y a eu le plus de combats. C’était comme un Gibraltar (l’endroit fut surnommé ainsi par les soldats, en référence au passage étroit du Détroit de Gibraltar) si on veut. C’était des combats très durs. Quand il y avait des combats, c’était très dur. Heureusement la période que j’ai été là c’était pour remplacer des (Sud-)Coréens, ROK Army (Republic of Korea Army, armée de la Corée du Sud) qu’on appelait. Et puis, ça duré je ne me souviens plus combien de temps. On a eu très peu de pertes heureusement. On venait de sortir quand on est monté sur la 355. On venait de sortir de près de deux mois de front. On a eu notre part. Surtout dans mon peloton. Nous avons eu disons une grosse perte. On était 540 (soldats), si je me souviens bien, (dans) le bataillon quand on est arrivé en Corée, ce qui est peu. En plus où on mettait un homme les Chinois ou les Coréens du Nord en mettaient six ou sept. Ça donne une idée. Le pire c’était quand (le sergent Guy) Desjardins est venu me voir à bout d’une dizaine de jours que j’étais avec lui. Desjardins m’a dit, j’étais mitrailleur sur une Bren (fusil-mitrailleur léger britannique). Faut dire que le 3e (Bataillon, Royal 22e Régiment) avait peu d’expérience. Beaucoup de gars avaient six mois d’armée ou à peu près quand ils ont traversé. Même des caporaux, peut-être pas des sergents, qui n’avaient pas plus qu’un an, 15 mois d’armée. Moi j’avais déjà deux ans quand je suis parti. Ça fait que quand Desjardins est venu me voir et m’a dit : « J’ai besoin de toi, je vais faire un fighting patrol (patrouille de combat) avec 11 hommes. Je lui ai dit : « Pas de problèmes. C’était sept jours plus tard, mais durant cette période on m’avait donné comme travail de faire de l’observation de jour, pour voir ce qui se passait dans les lignes chinoises et rapporter les choses imprévues que je voyais. J’ai dit à Desjardins : « Je suis en devoir pour l’observation. » Il dit : « Inquiète toi pas je vais t’envoyer un remplaçant ». On s’est préparé toute la semaine à ça, on avait dix vestes anti-balles. C’était nouveau. Desjardins m’avait dit : « Moi je n’en prendrais pas. Il n’en avait rien que 10 et on devait être 11. » Le jour fatidique, personne ne m’a remplacé sur la garde. Ça fait que je suis sorti à 5:30 pour la patrouille, on devait partir vers 6 :30-6 :45. Et puis, à 5 :30 je suis sorti et mon copain qui s’appelait Hermel Gérard m’a dit : « Ça n’a pas d’allure, faudrait que…Tu ne peux pas y aller comme ça. » J’ai dit : « Écoute là, je suis dû pour y aller ». Je me suis couché, j’ai préparé mon sac avec les magasins de Bren et la veste anti-balle à côté de moi. Je me suis endormi très vite parce que ça faisait plusieurs heures que je n’avais pas dormi. Des fois je dormais mal parce qu’il faisait chaud, des choses comme ça. Je me suis endormi et puis à mon réveil, peut être trois quarts d'heure plus tard, je n’avais plus ma Bren, elle était partie tout ça. Je suis arrivé au CP (Command Post, poste de commandement) et puis j’ai dit à Desjardins : « Qu'est-ce qui ce passe? » Il m’a dit : « On a su que tu n’avais pas dormi de la journée. On m’a dit qu’ils étaient prêts à te remplacer ». J’ai dit : « Pas de problèmes avec ça. » Il s’est passé toutes sortes d’incidents durant ses... Il y avait quelque chose dans l’air qui n’était pas normal. Untel donne sa montre et il dit : « Tu enverras ça chez nous si je ne reviens pas. » Desjardins dit : « Je vais prendre une bière avec la Chinoise. », parce qu’il y avait une Chinoise qui nous parlait tous les soirs. Je vais prendre une bière avec la Chinoise, je vais vous dire : « Hey les maudits 22 (soldats du Royal 22e Régiment), je fais la grosse vie là ». Et le caporal Fillion qui remplaçait Desjardins a dit : « Si tu ne reviens pas, pas de problèmes, tu as un bon dugout (abri souterrain), je vais le garder ». Il y a des choses comme ça. Pour moi je ne sais pas. Il y avait quelque chose, en tout cas, je suis allé me coucher pour faire mon observation la journée suivante. Vers minuit et demi quelqu’un est venu me voir me demander : « Charlie viens nous aider parce qu’il se passe quelque chose on ne sait pas, la patrouille s’est fait attaquer, on n’a pas d’information ». Il y a un groupe de la compagnie C, si je me souviens bien, qui est sorti et on attend des informations. Je prends une radio et je m’en vais au bout de la position. C’était une grosse montagne. La Corée c’était seulement des montagnes où on était installé. Alors j’écoutais et j’entendais beaucoup de messages chinois et puis tout à coup j’entends une patrouille qui dit : « On a retrouvé un des gars de la patrouille à Desjardins, ils se sont fait attaquer. » C’est-à-dire deux hommes qu’ils ont retrouvés en premier. On continue pour voir s’il n’en a pas d’autres. Le lendemain matin j’apprends que possiblement il y a plusieurs morts et des prisonniers. Ça prit quelques mois pour apprendre qu’il y avait eu quatre morts en réalité : le sergent (Guy) Desjardins, Moreau, Gérard, qui m’avait remplacé, les deux Bren gunners (mitrailleurs sur fusils Bren) s’étaient fait tuer. Et puis le troisième ou quatrième je ne me souviens plus. Les deux prisonniers, il y a eu Deveau et Darche. Il y en a seulement qu’un qui est sorti à peu près indemne, les autres shell shock un peu (ayant subi un traumatisme suite au combat). Les quatre prisonniers ont pris un certain temps, trois ou quatre me semble, je ne me souviens plus, ils ont pris un certain temps avant d’être relâchés à l’armistice. Pour moi ç’a été un grand choc parce que j’étais volontaire. D’ailleurs, dès la première arrivée sur le front, j’ai été volontaire pour les deux premières patrouilles. Plutôt pas des patrouilles, mais des outposts (avant-postes) qu’on appelait. C’est deux hommes ou trois hommes maximum qui s’installent avec une radio. Malheureusement, la première journée personne ne savait qu’il fallait avoir une radio. Quand je suis arrivé en bas, je n’avais pas de radio. De plus, j’étais parti en chemin et puis on sait comment c’est froid la Corée. C’est comme le mois de septembre, c’était quand même les premiers jours du printemps. C’était froid la Corée. On s’imagine, quand je suis revenu de la patrouille, comment j’étais. Je me souviens que Desjardins m’avait donné la moitié d’une tasse de scotch. Je l’avais bu d’un coup, moi qui ai horreur du scotch. Mais j’en avais besoin, je tremblais comme une feuille. Toute une nuit en chemise c’était, comme la jungle disons, c’était très humide. Pour moi ç’a été un choc parce que je n’ai jamais été volontaire pour faire d’autres patrouilles.