Je m’appelle Charles N. Ross. Les gens m’appellent Chuck ou Charlie.
Je me suis enrôlé dans le Corps royal d'intendance de l'Armée canadienne. Je fus parmi un groupe de trente soldats envoyés à Ottawa au service du MTVRD (Mechanical Transport Vehicle Reception Depot) – un service pour les véhicules militaires.
En janvier 1944, on m’a demandé de me joindre à l’Unité de film et de photographie de l’Armée canadienne. Je fus d’abord chauffeur; chaque caméraman avait un chauffeur. Par la suite, je suis devenu moi-même caméraman et je suis arrivé juste après le Jour J. L’Unité de film et de photographie de l’Armée canadienne fut fondée en 1942 mais les gars n’ont pas participé activement au combat avant d’arriver en Sicile. Hal Grayson de Montréal a tourné des images fort intéressantes du débarquement.
Ensuite, évidemment, la Sicile est tombée. Les gars sont repartis pour l’Italie où ils ont connu des jours très, très difficiles, surtout à Ortona. Dans un reportage d’actualité cinématographique de l’Armée canadienne, on peut voir les images de Jack Storey, originaire des Maritimes. Sa caméra installée sur un trépied, il prenait sur le vif un tireur embusqué qui s’esquivait sur le toit d’un édifice. Au même moment, un char d’assaut du régiment Calgary s’avançait. Le commandant en chef qui pilotait le char, ouvrit l’écoutille et lança (je ne répéterai pas ses paroles !) ‘’Mais que fais-tu là ?’’ Jack répondit ‘’Commandant, je tente de croquer le tireur embusqué qui se faufile sur le toit.’’ Bien, à son insu, il fut recommandé pour une médaille méritoire pour ses actions. Nous avons eu nos premières victimes à Anzio.
Mes premières images de combat furent tournées lors de la libération de l'estuaire de l’Escaut. J’avais tourné quelques images avant l’Escaut, à Caen en tant qu’assistant caméraman. Nous n’étions pas nombreux ; une soixantaine en tout pour les images fixes et la cinématographie. C’est Bill Grant de Vancouver qui a tourné les premières images du Jour J, sur la plage de Juno. Ses images furent les premières à arriver en Amérique du Nord. Les films et photos étaient tous de soldats. Nous avions perdu cinq hommes dans les champs d’Italie et dans le nord-ouest de l’Europe. Et, les hommes pour lesquels j’avais le plus grand respect, c’étaient les soldats d’infanterie. Tout le monde a accompli du beau boulot mais ces soldats étaient de la partie à tous les jours.
J’ai dit à mon fils ‘’Ce fut la plus grande aventure de ma vie mais je souhaite que tu n’aies jamais à passer à travers une telle épreuve.’’