Project Mémoire

Charles William Miller

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Charles Miller
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Bérêt du soldat Charles Miller faisant partie de son uniforme avec <em>The Seaforth Highlanders</em>.
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Soldat Charles Miller, à l'extrémité droite, avec trois amis à Utrecht, Pays-Bas, 1945.
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Charles Miller en uniforme, 1946.
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Violet, l'épouse de Charles Miller en Angleterre.
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Mariage de Charles et Violet Miller à Stoke-on-Trent, Angleterre, le 12 janvier 1945.
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C’est une sensation horrible et elle sera toujours présente, je sais qu’elle sera toujours là. C’est comme un tatouage, vous avez ça dans le crâne et ça ne vous quittera jamais.

On est allés dans une vieille maison et il y avait seulement, je crois, seulement une partie du toit qui était encore là. Il y avait peut-être bien trois côtés de la maison qui avaient été bombardés. Et il y avait un sergent d’un certain âge là-bas. Je crois qu’il avait fait la Première Guerre mondiale. Quand on est arrivés à cette vieille maison le vieux sergent était là, et il a dit, les garçons, je vais vous dire quelque chose maintenant. Il a dit, demain matin, on devait monter la garde pendant toute la nuit en alternant deux heures de garde et deux heures de repos. Il y avait une mitrailleuse Bren dans le coin et notre mitrailleuse Bren, je veux dire, c’est une arme automatique, et elles sont lourdes. On avait de la terre dans un tas alors ça faisait une protection pour ça. Il a dit, si cette porte s’ouvre, vous appuyez sur la détente de cette arme automatique, qu’on était entrainés à utiliser. Quand mes deux heures ont été finies, je ne sais pas à quelle heure le matin, et le sergent s’est approché ; et tout ce dont il pouvait se servir c’était une petite lampe de poche qu’il avait, au lieu que mon arme soit préparée pour la porte, j’étais vraiment trop dans le coin. Je tremblais tellement et j’avais tellement la trouille parce que j’avais juste une vingtaine d’années, je venais d’avoir 20 ans, et ils disent toujours que votre cerveau n’a pas fini son développement, même quand vous avez 20 ans. Mais ça ne prend pas longtemps avant de faire de vous un soldat une fois que vous êtes là-bas et vous êtes en plein dedans, vous apprenez très vite.

Le lendemain matin, quand le jour s’est levé, il a dit, maintenant, si vous pouvez, sortez juste devant la porte, mais n’avancez pas trop ; et il a dit, quand vous entrez à nouveau, si vous pouvez boire un petit verre de rhum, je vous prends comme soldat. Alors quand mon tour est venu de sortir, je suis sorti et ce qu’est-ce que j’ai vu, un âne allongé là tout gonflé, et juste quelque part par là, je ne sais pas où c’était, mais il n’y avait pas de tête sur ce corps. Et c’était un soldat allemand mort. Mais en tout cas, quand je suis rentré à l’intérieur, j’ai eu mon petit verre de rhum ; et il a dit, d’accord, je te prends avec mes hommes et c’est comme ça que je suis entré dans l’unité des Seaforth Highlanders of (Canada) British Columbia.

Bon, je me souviens de la Bataille d’Ortona (pendant la campagne d’Italie), qui était épouvantable. Il a fallu qu’on fasse du porte à porte dans Ortona. Dans Ortona, la plupart des maisons étaient mitoyennes. On appelait ça « faire des trous de souris » parce que vous pouviez cogner dans le mur pour faire un trou et lancer des grenades à main avant d’entrer vous-même dans al maison. Mais le (Loyal) Edmonton Regiment, ils se sont faits prendre dans la maison. Si j’utilise le mot il, je parle des allemands. Mais ils (les allemands) avaient le truc entièrement piégé et quand le Edmonton Regiment, je ne dirais pas dire régiment, plutôt pelotons, quand ils ont été à l’intérieur, il a fait sauté la maison, les allemands ont fait ça.

Je sais, un de mes copains n’était pas à plus d’une quinzaine de mètres de moi quand on a fait une percée dans la ligne Hitler (ligne de défense allemande dans le centre de l’Italie) ; et il s’est juste désintégré dans les airs, et je ne sais pas s’il avait marché sur une mine ou bien si c’était une explosion d’obus (éclat d’obus) ou quoi, je ne sais pas. Mais tout ce que j’arrivais à voir c’était des bras et des jambes, et des bouts, je suppose qu’on peut appeler ça comme ça. On a fait partir les allemands de là-bas, mais ça a été une boucherie épouvantable. Je ne sais pas si l’être humain peut fonctionner sur un mode différent ou quelque chose comme ça, mais quand vous savez la nuit (que) le matin suivant, au lever du jour, vous allez attaquer, il n’y a pas moyen de trouver le sommeil, à penser que pendant la journée vous allez peut-être vous retrouver grièvement blessé ou que vous allez vous faire tuer. Mais il y a un tas de choses qui vous trottent dans la tête. Mais on a fait ce qu’on avait à faire et je suis content d’avoir participé, je pense.

Juste après mon retour, il m’a fallu courir dans tous les sens pour essayer de trouver un endroit où habiter parce qu’à Halifax tout était pris par la marine et tout ça. Il n’y avait nulle part où habiter. Je devais m’inquiéter pour ma femme qui allait venir et qu’est-ce que j’allais bien pouvoir faire, et voilà que je n’étais plus dans l’armée et de retour à une vie normale, comme c’est censé être, mais ça n’a jamais été normal pour moi. L’entreprise m’a mis dans les chantiers navals d’Halifax pour travailler sur les bateaux, mais ils avaient des pistolets à air ça faisait (faisait du bruit), juste comme ça et je ne savais pas quoi faire. Je suis descendu du bateau et je suis allé plus loin sur le chantier, pour ne pas entendre cette chose, et quand mon patron est venu, je lui ai dit, il faut que vous me fassiez partir d’ici parce que je ne peux pas supporter.

Mais il était, il a compris, il m’a enlevé de là, mais ces sacrés pistolets à rivets, tout comme une arme automatique. Mais ici récemment, ça a réussi à se calmer un peu, mais il y a des nuits, où je suis hors du lit et assis sur le bord du lit, à me demander qui allait déboucher du coin suivant. C’est toujours le, il semblerait qu’il y en ait trois, trois hommes en uniforme, et c’est un uniforme allemand. Ces trois hommes il semblerait qu’ils soient toujours après moi. J’essaye de me cacher ici et là, comme ça j’aurais peut-être la chance d’en attraper un, un des trois, je ne sais pas. Mais c’est une sensation horrible et elle sera toujours présente, je sais qu’elle sera toujours là. C’est comme un tatouage, vous avez ça dans le crâne et ça ne vous quittera jamais.

Date de l'entrevue: 14 octobre 2010