Project Mémoire

David Deal Barrett

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Alors j’ai tenté ma chance et j’ai descendu le train d'atterissage et j’ai abaissé quelques volets, et j’ai atterri et j’ai roulé jusque là-bas et j’ai découvert que c’était l’École polonaise de pilotage de planeurs.
Quand j’étais outre-mer, je pilotais des Mosquito (avion de combat anglais) et quand je suis arrivé là-bas, ils ont distribué de nouveaux équipements de vols, combinaisons et gants, bottes. Il fallait porter trois paires de gants, une paire de gants en soie, une en laine et une paire de gants en cuir. Et quand je pilotais des Mosquito, c’était le seul bimoteur dans lequel j’ai volé où le bloc manette se trouvait sur le côté gauche. Normalement il se trouve au milieu de l’appareil. En tout cas, j’avais quelque difficulté à faire les manipulations entre le bloc manette et le levier de pas. Alors j’ai enlevé mon alliance et je l’ai mise sur une chaine autour de mon cou, et j’ai envoyé une photo chez moi à ma femme. Bon, à cette époque, les lettres faisaient la traversée de l’Atlantique par avion et vous n’avez pas idée de ce que c’était et je suis certain qu’aujourd’hui encore, elle ne me croit pas, même si ça fait en gros 67 ans qu’on est mariés. J’avais piloté, je crois, j’ai rempli les conditions requises pour piloter un Mosquito après avoir voler un peu plus de 1000 heures. Quand je pilotais un (Avro) Anson (appareil d’entrainement pour les équipages), je marchais jusqu’à l’Anson, j’ouvrais la porte arrière et je balançais mon parachute dans le fond et je remontais l’allée jusqu’au siège du pilote et on s’en allait. Quand je suis monté dans un Mosquito, vous preniez toutes les sangles à votre disposition pour attacher solidement tout ce qui se trouvait à bord, pour être sûr que tout soit en sécurité là-dedans. On s’asseyait sur notre parachute et sur notre canot de sauvetage et on portait un casque. On avait un masque à oxygène, tout était attaché bien serré et vous ne plaisantiez pas avec ça parce que ce que je ne réalisais pas à l’époque, mais si vous regardez les statistiques aujourd’hui, le Mosquito, quand je le pilotais, c’était l’avion le plus rapide du monde. Il était tout en bois et certains d’entre eux étaient fabriqués ici au Canada) à Malton en Ontario par A.V. Roe (Avro). Et en pilotant des avions bimoteurs, comme l’Anson, vous ne faisiez jamais de virage du côté d’un moteur en panne. Si vous aviez un moteur en panne, vous ne tourniez jamais dans cette direction, parce qu’il risquait de décrocher. Avec un Mosquito, je pouvais mettre l’hélice en drapeau et faire des tonneaux lents dans chaque sens à 180 nœuds environ dans chaque sens. Bon, quand on est arrivé là-bas, on a d’abord été affectés à la base (RAF) de Upper Heyford, parce que nos navigateurs venaient du Canada, ils ne connaissaient rien en ce qui concernait le GEE (système de navigation à impulsions de courte durée simples et doubles) ou le LORAN (système de navigation basse fréquence). Le GEE est un radar de courte portée et le LORAN un radar longue portée. Alors la première chose à Upper Heyford l’endroit où j’étais en garnison, ils devaient apprendre à se servir de ces instruments de navigation. Alors vous savez, on était allés à l’école de formation au sol et on avait passé deux semaines dessus et puis on avait une journée où on devait partir les tester. Mais on n’était pas autorisés à voler avec nos propres navigateurs, on devait tirer au sort un autre navigateur dans le groupe. Je ne sais pas pourquoi, mais c’était comme ça. En tout cas, on est sortis sur le tarmac ; et ils ont dit, vous allez voler sur un Oxford (appareil d’entrainement). Bon je n’avais jamais piloté un Oxford avant et j’avais un navigateur que je n’avais jamais rencontré auparavant. Quoiqu’il en soit, on a décollé vers 13h30, je crois ; et on devait faire un vol de navigation en trois étapes. Ils devaient se servir du GEE comme système de navigation tout le long. Alors on a décollé et pris un cap, et j’ai effectué ce premier tronçon ; et on a entamé le deuxième tronçon et ça a commencé à se gâter. Le ciel a commencé à se couvrir de nuages, un peu de pluie, parce que quand on était parti il faisait soleil. Alors je suis arrivé à un point où les nuages commençaient à descendre et j’ai pensé, je ferais mieux de monter au-dessus des nuages, parce que le niveau des nuages était trop bas. Alors en tout cas, je suis remonté au dessus des nuages et il y avait un très beau soleil là-haut ; et j’ai continué à voler jusqu’à l’endroit où on devait virer pour la dernière étape du vol. Bon remarquez, la durée totale du vol devait être pour le voyage tout entier, un peu moins de trois heures et on avait décollé vers une heure et demie, deux heures de l’après-midi, alors il commençait à faire un peu sombre aussi. Alors j’ai volé jusqu’au virage suivant et mon navigateur m’a donné le cap pour le retour. Alors j’ai viré et on a volé, volé, et on se rapprochait ; et j’ai dit, bon, donne-moi une heure probable d’arrivée. Il m’a donné l’heure d’arrivée prévue, alors j’ai commencé la descente à travers les nuages, ce qui est très dangereux de toute façon. Et je descends et je descends et finalement je passe à travers les nuages à 500 pieds environ, il tombe des cordes et il commence à faire sombre. Mais il n’y a pas le moindre aéroport en vue. Et je ne sais pas si vous avez déjà été placé dans les mêmes circonstances, mais 500 pieds ça ne vous donne pas trop de plafond. Il peut, il commence à faire sombre. Je commence à être juste au niveau de l’essence et je pilote un avion dont je ne connais pas grand-chose, et je cherche un aérodrome dans les parages ou quelque chose. J’ai d’abord, je savais que je survolais un tas d’avions. J’ai regardé en bas et il y a tout un tas d’Halifax (bombardiers lourds) qui sont stationnés là en bas ; et il y avait des tours de contrôle qui me tirait dessus avec des fusées rouges. Alors j’au fichu le camp de là. J’ai continué à regarder et à chercher quand vous voyez un train ou des rails de chemin de fer au Canada, on appelait ça la « boussole de fer » parce que vous voyez un train ici, des rails ici, et vous saviez exactement où vous étiez. Bon, là-bas, il y en a partout. Et alors j’étais complètement perdu, le navigateur n’avait pas la moindre idée, tout ce qu’il arrivait à dire c’était que le GEE ne marchait pas, ce qui n’aidait pas vraiment. Alors finalement, j’ai repéré une grande bande d’herbe verte et je suis descendu en piqué dessus. Et je l’ai contournée, ça ressemblait à un parcours de golf, et puis j’ai vu une tour de contrôle à une extrémité. Alors j’ai tenté ma chance et j’ai descendu le train et j’ai descendu quelques volets, et j’ai atterri et j’ai roulé jusque là-bas et j’ai découvert que c’était l’école de pilotage de planeurs polonaise. Alors j’ai passé quatre jours à l’école de pilotage de planeurs polonaise (à la base RAF Spitalgate). Très peu de gens parlaient anglais. Je n’avais pas d’argent sur moi et finalement, après être allé au mess des officiers et mon navigateur était sergent alors il était dans le mess des sergents dans une autre partie de la base ; et finalement je l’ai appelé au téléphone parce que j’ai reçu l’aval de Upper Heyford pour rentrer par temps clair. On est montés dans l’appareil et il a dit, d’accord capitaine, voici la route qu’on va suivre. J’ai dit, jamais de la vie. (rire) Je m’occupe de la navigation pour le retour à la base. (rire) En tout cas, on est rentrés sains et saufs, mais ça faisait un sacré détour.