Project Mémoire

Del Nelson Budd

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Delbert N. Budd
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Carnet de bord de Delbert Budd, septembre 1943.
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Coupure de presse: Groupe de prisonniers de guerre des Alliés attendant le transport aérien à Bangkok pour l'Inde.
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Carnet de vol de Delbert Budd, 1945. Pages notifiant le transport de soeurs infirmières.
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Carnet de vol de Delbert Budd, 1945. Pages notifiant le transport de prisonniers de guerre, ainsi que les totaux de ses voyages.
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Delbert Budd et sa femme, photo du diplôme de la RCAF, 1995.
Delbert N. Budd
Et ça nous a pris au moins une heure pour convaincre ces infirmières pendant le vol que j’étais vraiment un pilote.

Je m’appelle Dell Budd, Delbert N. Budd, B-U-D-D. Et j’ai 85 ans. Je suis né à Guelph en Ontario, il y a 85 ans je suppose. Mais la première fois que j’ai volé en fait, j’avais fait 8 heures de vol sur des Tiger Moth à Oshawa. Et ensuite ils vous envoyaient en solo et vous savez, vous montez là-haut et vous pensez, décoller n’est pas mal, mais vous pensez, mon dieu, je dois ramener ce truc sur le plancher des vaches. Alors vous savez, j’ai fait mon tour et j’ai atterri et puis quelques tours de plus et maintenant je sentais que, bon, je sais peut-être bien voler après tout.

Quand j’ai commencé avec l’escadron 117, en fait on faisait l’approvisionnement de la 14ème armée britannique. Une fois j’ai fait une liste de quelques uns des trucs qu’on transportait et on transportait du carburant dans d’énormes bidons et on les larguaient avec des parachutes, comme ça ils ne touchaient pas le sol trop violemment. Puis d’autres choses comme par exemple de la nourriture pour les mules, du sucre, du sel, des trucs comme ça, qu’on pouvait mettre dans un deuxième sac, on les larguait à 25 pieds au dessus du sol, pour qu’ils roulent. Si vous étiez trop haut, la trajectoire changeait et ils tombaient à la verticale et éclataient en touchant le sol.

Et on transportait des munitions et l’un des chargement les plus sympas que j’ai transporté, un jour après que les anglais aient repris Mandalay aux japonais, j’ai atterri avec 2700 kilos de bière et de whisky. Alors j’ai été plutôt bien accueilli là-bas. Quelquefois on atterrissait, quelquefois on larguait notre chargement sans rien et d’autre fois avec des parachutes. Et puis il y avait un endroit appelé Mithila qui était intéressant parce que les anglais tenaient la place pendant le jour et puis ils rentraient dans leur casemate pour la nuit et les japonais s’en emparaient. Et puis le matin les anglais devaient se battre pour récupérer la piste. Et si on arrivait trop tôt, on devait tourner en rond avant de pouvoir atterrir jusqu’à ce qu’ils la reprennent aux japonais.

Une grande partie des largages qu’on faisait se passaient dans les collines, c’était là où la 14ème armée britannique se déplaçait. Et on descendait et ils nous tiraient dessus des collines. On aurait été plus bas en plaine que ce là où les japonais étaient dans les collines. Et ils tiraient et ils ont touché quatre gars dans mon avion. Juste des blessures superficielles mais c’était assez excitant sur le moment.

Dans le Proche-Orient, quand ils avaient fait 75 heures d’opérations, ils devaient passer une visite médicale. Mais on était tellement occupés à soutenir la 14ème armée britannique que pendant les cinq premiers jours du mois de mars, en 1945, je crois que j’avais fait dans les cinquante heures, juste en l’espace de quelques jours. Mais on, on décollait tôt le matin, ils nous réveillaient à 4 heures, on avait une ordonnance qui nous réveillait. Et on décollait aux alentours de 5h30 et notre dernier atterrissage, après avoir fait trois voyages en une journée peut-être, on rentrait vers 9 heures du soir. Je vous le dis, on était fatigués. On pouvait à peine bouger. Vous savez, vous êtes en service pendant tellement longtemps.

Un vol ordinaire, on décollait et on ne rencontrait rien de très excitant. Et en fait, on mettait, je mettait le pilote automatique et on avait une boite entre nous le copilote et moi-même et mon navigateur s’asseyait sur une autre boite et on jouait aux cartes. Mais il y a d’autres choses, comme, notre opérateur radio restait à l’écoute en permanence quand on était en opération. Et s’il y allait avoir des avions japonais dans notre secteur et ils avaient des codes pour ces secteurs, la zone verte, la zone bleue, la zone rouge, ils le prévenaient, ou prévenaient tous les gens qui étaient à l’écoute, disait qu’il y avait un avion ennemi dans tel secteur et on partait dans les nuages tout simplement. On n’avait pas d’armes à bord du Dakota, alors on ne pouvait pas répondre à une attaque ou quoi que ce soit, alors on allait dans les nuages.

C’est drôle, mon équipage, j’avais 20 ans, mon copilote 23, mon opérateur radio 27 et mon navigateur 23. Alors on appelait mon radio, on l’appelait papa. J’ai plutôt de bons souvenirs, quelques uns pas si bons, vous savez. Voler était épouvantable pendant la mousson. C’était très dangereux. Je pense qu’on a perdu plus d’avions à cause des moussons qu’au cours des combats avec l’ennemi. Mon premier navigateur c’était Buck Nowell il venait de Nouvelle Ecosse et j’allais voler avec un nouvel équipage pour leur montrer quoi faire quand ils survolaient une zone de largage. Et le commandant et le capitaine-adjudant allaient à Calcutta avec eux, alors le capitaine-adjudant m’avait demandé si je voulais bien prendre sa place au bureau et m’en occuper pour la journée. Alors mon navigateur y est allé à ma place. C’était seulement un truc d’entraînement de toute façon. Et cet équipage n’est jamais rentré.

Et c’était un drôle de chose là-bas, si vous changez quelqu’un dans l’équipage, ça portait presque toujours malheur. Et j’ai commis une erreur, je me tenais sur le hayon arrière d’un camion (truck), ils appellent ça des camions (lorry) dans la RAF [ NDT : camion se dit truck en anglais américain et lorry en anglais britannique] à regarder un planeur arriver quand on était là-haut dans le nord-ouest de l’Inde, et j’ai reçu un coup de fil de téléphone dans le cou, une sorte de fil, et ça m’a brûlé le cou en travers. Alors pendant quelques jours je n’ai pas pu voler, j’avais le cou entièrement recouvert d’un pansement. Mais mon équipage ne voulait pas voler avec quelqu’un d’autre parce que ça portait malheur. Alors j’ai volé avec mon bandage autour du cou. Alors vous savez, ce sont des particularités que vous apprenez et elles se révèlent être vraies plus souvent que fausses.

Une des choses qu’on a faites, parce qu’on était des avions de transport, on était, deux équipages avaient été invités à Camilla pour emmener des infirmières à Rangoon. Et les gars du personnel au sol étaient tout excités, toutes ces infirmières qui se baladaient là autour, on ne voyait pas souvent des femmes. Alors j’ai dit à on équipage, on va prendre un peu de bon temps. Alors j’ai échangé ma veste avec celle de mon navigateur et mon copilote a échangé la sienne avec celle du radio. Et on a fait semblant de tirer au sort pour savoir qui allait piloter l’avion. Et bien-sûr mon navigateur, moi je porte la veste du navigateur, je dis, « Moi je vais piloter. » Et mon copilote qui porte la veste du radio dit « Et moi je vais être second. » Alors les deux autres se sont assis derrière avec les infirmières pendant qu’on décolle et on descend la piste et on la montée est régulière, j’ai regardé ma vitesse, qui était sur zéro et ce n’est pas une bonne chose pour voler. Alors j’ai fermé les gaz, freiné aussi bien que j’ai pu, et j’ai fait une giration au sol en fait au bout de la piste et je suis reparti lentement dans l’autre sens sur la piste. Et l’équipe au sol avait oublié d’enlever la gaine du tube Pitot. Le tube Pitot c’est ce truc qui se trouve devant et qui vous indique la vitesse. Et ça nous a pris au moins une heure pour convaincre ces infirmières pendant le vol que j’étais vraiment un pilote. Alors pour les calmer, j’ai fait descendre l’avion, à environ 15 pieds au dessus du sol comme ça elles ont pu prendre de belles photos des deux pagodes en bas.

Bon, c’est drôle vous savez, soit vous regardez les choses du bon côté ou alors vous passez votre temps à vous morfondre.