Project Mémoire

Don H A Bellamy

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Don Bellamy
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Carte postale écrite par Don Bellamy et adressée à sa mère pendant qu'il était à bord d'un navire, janvier 1945.
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Photo prise en mer.
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Portrait de Don Bellamy.
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Photo prise en mer en janvier 1945.
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Photo de Don Bellamy. Date inconnue.
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On avait plus d’un ennemi. Il y avait les sous-marins ; il y avait les conditions sur notre bateau et on essayait de les rendre les plus saines possible ; et la violence de la mer. L’enfer parfois c’était l’océan lui-même.
La chose la plus étrange qui me soit arrivée c’était à Noël en 1945. On m’avait demandé de jouer dans une église dans un quartier de Sydney (Nouvelle-Écosse) qui s’appelle Whitney Pier. Il y avait tout un tas de durs à cuire là-bas. Ils travaillaient à l’aciérie, DOSCO (Dominion Steel and Coal Corporation), l’aciérie, et ils aimaient boire et ils étaient très tapageurs et vigoureux, et ainsi de suite. Mais ils voulaient que je joue dans une église pour un groupe de jeunes enfants. Alors j’ai décidé de la faire et je me suis présenté à l’heure prévue ; et je ne connaissais pas bien le quartier Whitney Pier, mais je suis rendu à l’église. Il y avait une fête de Noël qui se déroulait là avec des gamins, oh entre trois, quatre ans et 12, 13, 14 ans. Je suis entré et me suis présenté aux organisateurs là-bas ; et j’ai dit, je suis venu pour vous jouer du piano. Et, ils ont dit, oh, c’est très gentil, entrez donc ; et on y va et ainsi de suite. Et puis quand je suis parti, je suis retourné à la base navale et j’ai été appelé dans le bureau du commandant et j’ai passé un mauvais quart d’heure parce que j’avais raté ma mission. Il y avait deux églises et elles étaient en diagonale l’une par rapport à l’autre. Je n’étais pas allé dans la bonne. Je ne me suis jamais présenté ; et l’officier responsable de cette mission n’était pas vraiment content. Mais ils s’en sont remis. Mais je me sentais plutôt mal à cause de ça, même si c’était… Des années plus tard, j’en entendais toujours parler. Les journées étaient plus ou moins toutes les mêmes, vous aviez toujours une tâche de quelque nature que ce soit, et quelles que soient les conditions météo et croyez-moi, Noël 1945 c’était là où l’Atlantique nous a donné le plus de fil à retordre côté météo. Croyez-moi, j’étais de surveillance tout le temps, c’est à dire, c’est ce qui se passait quand j’étais en mer. Mon poste était sur le côté tribord du pont. Et là-haut, oh, des ponts à ciel ouvert au fait, quand vous aviez des paquets de mer (vague puissante déferlante qui s’écrase sur le bateau) sur le gaillard d’avant, c’est le nez, elles arrivent jusqu’au dessus du pont et ça vous trempait, mais on avait des vêtements adaptés, alors ce n’était pas trop terrible. Mais une des vraies, quand vous avez ce sentiment d’un danger qui vous guette, c’était la nuit. Et quand l’océan était mouvementé, démonté vraiment, on était relativement en sécurité parce que les sous-marins ne peuvent pas plonger. Mais vous regardez, et on avait des quartiers (une zone particulière), c’est à dire, à surveiller. Moi c’était la proue du bateau à tribord, 90°. Évidemment, on avait aussi des officiers sur le pont et bien sûr, il y avait une surveillance à la poupe ; et il y avait des postes d’observation sur les trois autres quarts du pont. On était à la recherche de n’importe quel signe de quoi que ce soit là dehors et quand les eaux étaient immobiles, ce qui n’arrivait pas très souvent, c’est là qu’ils nous fallait être très attentifs et s’il vous arrivait de voir quoi que ce soit ou de croire que vous aviez vu quelque chose, vous en faisiez part immédiatement à l’officier et il venait jeter un coup d’œil par lui-même. Parfois je me demandais si on ne passait pas la moitié de la nuit à voir des fantômes parce que s’il y avait le moindre mouvement, et même des moutons, c’était forcément le sillage d’un sous-marin. Et pourtant, bien sûr, il n’y avait sans doute pas de sous-marin à moins d’un millier de kilomètres de nous. Et aussi, ça a l’air très bien, mais quand les sous-marins ont été envoyé vers les côtes canadiennes, là on est devenu un peu nerveux à propos combien il y en avait là et de l’endroit où ils se trouvaient, et on se demandait s’ils nous observaient ; et on n’arrivait pas à les voir. Cette période là a été très dure ; et ils étaient meurtriers, ils étaient très silencieux si ce n’était le rugissement de l’océan. C’était le pressentiment qu’on avait qui était vraiment dur pour nous parce qu’on ne dormait pas beaucoup quand on était en mer et si vous aviez un appel de la vigie là-haut sur le pont et qu’ils pensaient qu’il y avait quelque chose, on devait se rendre à nos postes. Alors vous aviez beau être au lit, et quand je dis lit, je parle de hamacs parce qu’on n’avait pas de couchettes. Vous sautiez sur vos pieds et rejoigniez votre poste le plus vite possible. Vous passez trois ou quatre heures à ne rien faire à scruter pour trouver quelque chose qui pouvait bien se trouver là dehors. Vous deviez prendre votre quart, le quart suivant alors quelquefois, dormir, dormir. Chaque fois qu’on avait cette chance, on était complètement à côté de nos pompes. Pratiquement inconscients et c’est le genre de choses qui était vraiment, quand on était en mer, 99% du temps rien du tout, un pour cent l’enfer sur terre. On avait plus d’un ennemi. Il y avait les sous-marins ; il y avait les conditions sur notre bateau et on essayait de les rendre les plus saines possible ; et la violence de la mer. L’enfer parfois c’était l’océan lui-même.