Project Mémoire

Dorene Manley

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Edith Middleton
Edith Middleton
Bûcheronnes soutenant des rondins.
Edith Middleton
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Edith Middleton
Bûcheronnes au travail, soutenant des rondins qu'elles ont coupé. Crédit: Edith Middleton.
Edith Middleton
J’avais seize ans et demi quand je me suis engagée dans le Corps forestier féminin en Angleterre. À l’âge de 17 ans, vous étiez appelée sous les drapeaux et vous deviez aller là où ils voulaient. Alors j’ai opté pour la vie en plein air et je me suis portée volontaire dans le Corps forestier féminin. On était affectées, tout d’abord on est allées dans un camp d’entraînement. Je devais faire un essai d’un mois parce que j’avais une malformation de la main et ils ne voulaient pas me donner l’échelon « A1 ». Alors j’ai fait un mois à l’essai, en me servant d’une hache de bûcheron et ils ont dit que je pouvais m’en servir aussi bien que n’importe qui avec deux mains valides. Et alors à la suite de cela, je me suis engagée et nous étions en garnison dans les Cornouailles, le Devon et l’Hampshire et on coupait des arbres pour les poteaux télégraphiques et le bois de mine. C’était bien comme vie, c’était dur, très dur, à débiter des arbres. C’était le plus gros de notre travail. Et on utilisait des haches de bûcheron. On était deux, on était toujours par deux. Et on devait couper tout ce qui dépassait de l’arbre quand il était coupé, le rendre tout lisse et brûler la broussaille. On devait toujours s’occuper de tout le nettoyage. Et après les hommes qui n’étaient pas partis à la guerre, ils venaient et les faisaient tirer par un cheval, enlevaient tous les troncs pour qu’on puisse continuer. Et on travaillait à la pièce. Alors il fallait qu’on travaille dur pour se faire un peu d’argent. On ne gagnait pas beaucoup d’argent. J’ai reçu une médaille de la part du premier ministre. Comme je l’ai dit, j’avais seize ans et demi et il a fallu attendre que j’aie 84 ans avant qu’ils reconnaissent le Corps forestier féminin ou l’armée territoriale. Donc ils m’ont envoyé une médaille et une lettre de la part du premier ministre d’Angleterre, et j’en ai été vraiment très fière évidemment. On avait l’habitude d’avoir des congés et on devait traverser Londres et vous étiez dans un train et les trains étaient tellement bondés. Vous étiez debout avec votre sac de voyage entre les jambes dans l’entrée, dans le couloir, et vous ne pouviez pas aller aux toilettes si vous en aviez envie parce que vous ne pouviez pas bouger. On était tous collés contre le mur. Et ils larguaient des bombes incendiaires et des bombes volantes (roquette allemande V1); si ça (le son) s’arrêtait, vous saviez qu’elle était placée au-dessus de votre tête. Et puis traverser Londres pendant un raid aérien, c’est très effrayant un raid aérien. Ce sont les choses dont je me souviens, avec précision. Et autre chose aussi, vous saviez toujours quand c’était un avion allemand. C’était imprimé dans votre cerveau quand vous entendiez ça, ils faisaient un bruit différent et vous saviez que c’était un boche, on les appelait les avions boches. Et je n’allais jamais dans les abris antiaériens qui étaient en surface. J’avais terriblement peur de ceux-là parce qu’il y avait eu tellement de morts dedans et ils les scellaient tout simplement avec tous les morts à l’intérieur. Ils les construisaient dans la rue et moi je n’allais pas dedans, j’en avais trop peur. Je me souviens beaucoup plus distinctement du moment où la guerre a éclaté, c’est ce dont je me souviens. Et pourtant je ne me souviens pas de la fin. Parce qu’on était assis – avec mon père et ma mère – pelotonnés autour de ce petit poste de radio et je me souviens de Churchill disant : « L’état de guerre est déclaré. » (C’est en fait le premier ministre Neville Chamberlain qui déclara la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939). Vous savez, c’était un homme tellement merveilleux, Churchill (Winston Churchill a été premier ministre en Angleterre de 1940 à 1945). Mais je m’en souviens avec une telle clarté et pourtant je n’arrive pas à me souvenir du moment où la guerre s’est terminée.