Project Mémoire

Doris Margaret Irene Mitchell

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Doris Mitchell
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James Mitchell, mari de Doris Mitchell, photographié quand il faisait partie du régiment canadien écossais. Ils se sont rencontrés quand il stationnait à Storrington, Sussex, au Royaume Uni, 1942.
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Broche de bérêt pour le Service Auxiliaire Territorial (ATS-Royaume Uni), 1942.
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2ème École anti-aircraft, Sussex, Royaume-Uni, 1942. Doris Mitchell est la 2ème à droite au 2nd rang.
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Écusson avec le symbol anti-aircraft porté sur le bras gauche, 1942.
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Médailles de service de Doris Mitchell: Médaille de guerre (1939-45) et Médaille de la Défense.
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Nous nous sommes réveillés à six heures du matin, mais c’est en fait le bruit fracassant des avions qui nous a sortis du lit. Et nous avons bien sûr levé les yeux au ciel, qui était littéralement noir d’avions.

Je suis née le 5 août 1919 à Londres, à West Ham Borough. J’étais la plus jeune d’une famille de sept enfants. On était très proches dans la famille. Oh j’ai fait les choses habituelles, aller au lycée et autre. Je venais d’avoir 20 ans quand la guerre a été déclarée. Le temps qu’on arrive en 1942, j’avais quatre frères et deux sœurs, mes quatre frères avaient tous été appelés sous les drapeaux. Alors un jour au travail – je travaillais dans une grande imprimerie qui fabriquait des imprimés commerciaux – avec une autre fille on a décidé d’aller à Essex et de nous engager. Et quand je suis rentrée et que j’en ai parlé à ma mère, elle n’était pas très contente. Elle a dit, vous savez, que les garçons étaient obligés d’y aller mais qu’elle n’aimait pas l’idée de me voir partir. Mais je ne l’ai jamais regretté.

Une période difficile pendant la guerre, en Angleterre, elles se débrouillaient toutes seules. Les gens avaient la sensation, vous savez, qu’il fallait faire quelque chose. C’est surprenant, il y a eu beaucoup de femmes qui ont participé à l’effort de guerre. J’ai fait ma formation en six semaines dans le Devonshire et six semaines dans le Lancashire à apprendre le travail administratif, taper à la machine et des choses comme ça. Et ensuite j’ai été affectée à Storrington dans le Sussex, un petit village. J’ai en quelque sorte échappé aux bombardements après ça.

Principalement taper à la machine. Je m’occupais des ordres du jour, il y a une feuille de papier très longue. Ca devait être fait tous les jours. Et si les gens étaient affectés ailleurs, on mettait leur nom sur cette feuille. J’aidais les hommes le jour de la paye, j’allais chercher tous les registres de caisse toutes les deux semaines, deux fois par mois. Et puis quand c’était le jour de paye des ATS [Auxiliaires féminins de l’armée de terre], ou si c’était le même jour, je devais descendre dans leur bureau pour les aider. Il y avait deux officiers à ce moment-là. De nos jours, c’est tout intégré.

Je crois qu’on a tous aidé. Vraiment, les gens ne savaient pas vraiment, combien de filles se sont impliquées dans la guerre, vous savez. Il y avait des femmes qui amenaient de nouveaux avions des Etats-Unis et du Canada jusqu’en Angleterre. Et ça n’a jamais été raconté ; il fallait tout garder secret parce que vous ne vouliez pas que l’ennemi soit au courant, vous savez. Mais ils en ont fait un film et elles étaient très courageuses parce qu’elles ne pouvait pas avoir de contact radio ou quoi que ce soit. Alors c’est le genre d’histoires qui, vous savez, on ne pouvait pas en parler à l’époque.

Six mois avant le jour J, on était dans une zone à accès réservé et on ne pouvait même pas renter chez nous à Londres le week-end pour rendre visite à nos parents parce qu’on savait que quelque chose d’important allait se produire. Quand on écrivait à un petit ami ou à un ami tout court elle devait passer entre les mains de l’officier d’abord. Et s’il n’aimait pas ce que vous disiez, il la censurait. Parce qu’ils étaient inquiets qu’on puisse faire passer des secrets, sans nous en rendre compte, vous savez.

Je crois que c’était au moment du jour J quand les alliés ont débarqué en France, les autres filles et moi-même on était dans un petit bureau toutes seules et les fenêtres ont commencé à vibrer et l’endroit tremblait alors on est allées dans la salle des rapports et j’ai demandé au sergent, l’homme, ce qui se passait. Et il a répondu, oh ce sont les canons en France. Donc il n’y a que 34 kilomètres de distance par la Manche, et c’est comme ça qu’on les a entendus. C’est pour ainsi dire comme ça qu’on a compris à quel point on était proche.

Je trouve que quand je parle aux gens du jour J –par exemple à 6 heures du matin, on s’est levés, bon, on a été réveillés par un boucan épouvantable, les avions. Et naturellement, on a regardé dans le ciel et, il était littéralement noir d’avions. Et sur le dos de l’avion, un planeur attaché, on aurait dit qu’il n’y avait personne dedans. Et il y avait peut-être des troupes dedans mais personne qui le conduisait. Et quand ils arrivaient de l’autre côté, il relâchait la corde et il finissait le trajet en planant et atterrissait en France. C’est là qu’ils allaient. Et on disait, oh, il y a quelque chose d’important qui se passe ce matin, vous savez. Et c’était toujours la même chose à 4 heures de l’après-midi. Chaque fois que vous leviez les yeux, vous pouviez voir toute cette multitude d’avions. Et quand je raconte ça aux gens, ils disent que ce n’est pas possible, vous savez. Mais c’était comme ça. Ils traversaient, lâchaient les planeurs et revenaient pour en prendre d’autres.

On était tout simplement bouche-bée, vous savez, devant l’ampleur de cette initiative. Et comme il y avait beaucoup d’américains présent à ce moment-là, toutes les forces aériennes participaient. Et c’était tenu secret, personne n’a rien su et c’est le genre de choses qu’ils devaient tenir secrète pour pouvoir, vous savez, faire ça sans que les allemands le découvrent.

Alors, mais c’était la plus, je ne sais pas, la chose la plus fantastique que j’ai vue. Je n’ai jamais participé à aucune action comme des combats, comme les filles le font aujourd’hui. Ils ne les laissaient pas participer à cette époque. Mais aujourd’hui elles peuvent se porter volontaires si elles veulent aller au front. Alors on en a fait du chemin. Jusqu’au moment où je me suis engagée les femmes ne quittaient pas la maison pour aller travailler quelque part, vous savez. Et c’était une genre de vie très protégée d’une certaine manière. Ca parait impossible aujourd’hui, vous savez, mais à cette époque c’était comme ça. Comme je l’ai dit, on en a fait du chemin.