Project Mémoire

Dorothy Lincoln

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Dorothy Lincoln
Dorothy Lincoln
Croix du Service distingué dans l'Aviation de son époux défunt.
Dorothy Lincoln
Dorothy Lincoln présentant son «Bletchley Park Commemorative Badge» avec fierté en 2011.
Le «Bletchey Park Commemorative Badge» décerné par le gouvernement britannique en juillet 1999.
Et pendant notre garde s’il y avait quelque chose de vraiment formidable ou une victoire ou quelque chose, le naufrage d’un bateau ou quelque chose comme ça, ils venaient nous dire que c’était grâce à nous et on poussait tous des hourras.
On vivait bien et puis évidemment, tout a changé quand la guerre a été déclarée. Parce que la première chose, tout le monde devait se promener avec un petit carton qui contenait un masque à gaz. Et au bout de notre rue il y avait un petit panneau posé sur un piédestal et il aurait changé de couleur s’il y avait eu une attaque au gaz. Et alors on devrait tous mettre ces masques et c’était vraiment très ennuyeux. Ce n’était pas pratique parce que vous deviez les porter autour du cou, et ils pendaient sur le devant quoiqu’il arrive. Après plusieurs mois comme ça, je pense qu’ils ont compris que ça n’allait pas se produire parce que les Allemands avaient au moins autant peur qu’on répande du gaz chez eux. Alors c’était une bonne chose, on n’avait plus besoin de se promener avec. Mais alors, beaucoup de gens pensaient que la guerre serait terminée pour Noël 1939. Il y avait d’énormes ballons qui flottaient au-dessus de Londres. C’était pour empêcher les avions de plonger en piqué et larguer des bombes sur les monuments et bâtiments importants. Et les derniers ballons étaient tout près de l’endroit où j’habitais à Kent, alors évidemment, les Allemands qui avaient été pris par les avions de chasse, ils passaient au-dessus des bleus, les derniers des bleus, et ils larguaient leur chargement. Alors on a eu notre part, ce n’était pas aussi terrible que dans la ville de Londres, mais on a eu notre part de bombardements. Mais souvent je me souviens, j’étais assez loin, j’avais l’habitude de me déplacer en vélo avec deux amies et je me souviens souvent d’un raid aérien alors que j’allais à l’école et il fallait qu’on descende de vélo pour essayer de trouver un arbre ou quelque chose pour s’abriter ou vous jeter sur le sol, c’était ce qu’ils vous conseillaient de faire. Et je sais qu’un jour je me tenais sous ce tout petit cerisier très menu et mon amie a dit; allez, allez, par terre. J’ai répondu, je ne vais pas faire ça avec mon manteau tout neuf, j’avais cette chose si précieuse, ce nouveau manteau. Il coûtait 24 bons de vêtements et on n’en recevait qu’une trentaine par personne pour l’année entière. Comme je travaillais à Londres, j’ai passé mon entretien à l’Amirauté et l’officier qui m’a fait passer l’entretien ou tout ce qui avait à faire avec les chiffres. En fait j’avais suivi des cours de comptabilité et travaillé dans ce service de la société Perely Shorts parce que beaucoup d’hommes qui étaient à la retraite étaient revenus pour aider à la faire tourner, parce que tous les jeunes hommes étaient dans l’armée. Et donc c’était les filles fraichement sorties de l’école, on faisait tourner cette compagnie d’assurance avec l’aide de nombre d’anciens qui avaient travaillé là pendant des années. Mais beaucoup d’entre eux ont suspendu leur retraite. À la fin de la guerre, on suivait 90 000 messages par mois et ils avaient un personnel énorme pour que le gouvernement puisse superviser tout ça et ensuite trier ce qui était important, quels messages étaient importants pour aider le gouvernement, et surtout Churchill, dont c’était le bébé en première instance, et pour l’aider avec la guerre. Et à la fin de tout ça, on en savait plus, quelquefois on était au courant de renseignements avant même que le haut commandement en Allemagne en soit averti. Et on avait des gens à l’écoute partout dans le monde, vous savez, des messages qui arrivaient. Et bien sûr, il y avait tous les linguistes, on faisait juste la première partie du travail qui était purement mécanique. Et ensuite ça partait dans les baraquements spéciaux où les linguistes interprétaient ce qu’on avait trouvé, alors c’était assez incroyable. (Secret autour de Betchley Park) Et c’était quand ils ont pris part. Or, il vous faut comprendre que c’est absolument secret. Vous ne devez en parler à personne, et en particulier en ce qui concerne votre famille ou petit ami ou qui que ce soit dans le service. Parce que s’il leur arrivait d’être faits prisonniers, on pourrait les torturer pour obtenir des renseignements s’il y avait quoi que ce soit à tirer d’eux, ce qu’on faisait là-bas, à décoder ce Colosse. Et alors ils ont dit, si vous en parlez à qui que ce soit, si vous ne tenez pas votre promesse, vous aurez une amende de 2000 livres et deux ans de prison. Bon évidemment, on était complètement horrifiées, on avait même peur de parler en dormant. Mon mari était très intelligent et il avait l’habitude de venir me retrouver, s’il avait une permission et pas moi, et il venait jusqu’aux grilles à Betchley et il voyait les gardes à l’entrée. Chaque fois qu’on entrait, ils montaient dans nos cars, des soldats anglais, armés, ils nous inspectaient tous, alors qu’on était en uniforme et il y avait un officier qui se portait garant pour nous, on nous laissait passer et puis le car entrait dans le parc, allait jusqu’au stationnement. Et puis il était en quelque sorte, vous savez, j’ai découvert ce que vous faites ici. Il a dit, il y a l’armée de terre, de l’air et la marine, des civils, il a dit, je crois que vous faites du décodage. Bon, j’ai failli avoir une attaque et j’ai pensé, oh mon Dieu, qu’est-ce que je vais répondre. Et puis j’ai dit, comment pourrais-je bien faire ça, je ne parle pas allemand. Et pendant notre garde s’il y avait quelque chose de vraiment formidable ou une victoire ou quelque chose, le naufrage d’un bateau ou quelque chose comme ça, ils venaient nous dire que c’était grâce à nous et on poussait tous des hourras. Mais ils ne nous offraient pas un verre. Bon, non, un car venait, ils disaient il va y avoir une soirée dansante à la base aérienne américaine. Alors nous avons besoin de tant de volontaires et ils envoyaient un camion, on grimpait à l’arrière, tout le monde y allait, à un endroit où les Américains étaient en garnison. Je me souviens avoir vu Glen Miller une fois. Je le connaissais de nom, je connaissais Glen Miller parce qu’on le voyait dans des films, mais c’était vraiment triste parce qu’il a été descendu (son avion a disparu en chemin sur un vol de l’Angleterre à Paris le 15 décembre 1944). Bon, je vous le dis, c’était un privilège d’être là. Je sais que c’était quelque chose de terrible, les gens disaient, oh quelle horreur de vivre là-bas. La nation tout entière à quelques exceptions près, tout le monde faisait attention à tout le monde. Et je n’ai jamais vu de telles démonstrations d’humanité. Et si une bombe tombait sur votre maison ou que quelque chose comme ça arrivait, il y avait des centaines de personnes tout autour qui apportaient leur aide à la famille, les prenaient chez eux jusqu’à ce qu’il trouve un refuge, un refuge permanent si leur maison avait été détruite. Tout le monde faisait quelque chose, les femmes ont juste aidé à prendre la relève. Et puis après la guerre, ils ont dit, maintenant il faut partir et rentrer chez vous parce que les emplois sont pour les hommes maintenant. Alors c’est pour ça qu’elles ont commencé à se révolter un peu et le monde est vraiment différent pour les femmes aujourd’hui. Mais ça a vraiment fait une différence.