Je m’appelle Dorothy W. Scott, née Green le 19 mars 1921. Oui, j’ai été appelée en septembre 1941 et envoyée à Portreath en Cornouailles comme employée SD, travaillant au centre des opérations, employée de bureau, en service spécial c’était, ce qui veut dire qu’on devait signer le Official Secret Act.
Bon, on relevait la position des avions, amis et ennemis. Alors au début il n’y avait pas de radar quand je suis arrivée, c’était un système de triangulation. Vous aviez des stations d’observation, vous voyez, trois ou quatre à peu près. Et elles rapportaient toutes quel avion ou n’importe quelle chose qu’elles croyaient voir et le sens dans lequel il était. Alors on avait une autre table avec des fils on sortait le fil là de cette direction et on le plaçait à partir de là, et puis après vous deviniez, et c’était vraiment de la devinette, d’où ces engins venaient, où se trouvait l’avion en réalité. Ce n’était pas très précis.
On était dans un bureau secret, c’était censé être à ce moment-là le centre des opérations. C’était une vieille ferme qu’ils avaient transformée. Evidemment, tous les gens du coin savaient où il se trouvait, et vous ne pouviez pas ignorer les bus qui faisaient la navette à chaque changement d’équipe. (rires) Mais ça c’était la théorie, l’idée que vous ne pouviez pas le voir.
Il y a eu un événement intéressant en fait dans cette ferme secrète. Il y avait un gars qui est tombé juste au large de la côte et il avait un navigateur avec lui et ils sont montés dans leur canot de sauvetage, il a réussi à atteindre le rivage, et ça se passait dans le noir, il a grimpé la falaise, où personne n’avait songé à mettre du fil de fer barbelé parce que ce n’était pas possible de grimper par là. Son navigateur avait été légèrement blessé et il était considéré comme très vieux, il avait 35 ans. Et alors il l’a attaché au pied de cette falaise, a grimpé, en fait complètement sous l’influence d’une poussée d’adrénaline, il a mis la main sur un gars du coin et il a dit : « Où est la base aérienne la plus proche ? » Et ils ont répondu : « Oh, ça doit être cette ferme là-bas. ». Il est arrivé là, est entré, s’est frayé un chemin, il a dit : « Je dois aller porter secours à mon navigateur, vous voyez » Alors évidemment, tout était en place et ils l’ont fait évidemment.
Et pendant ce temps, on lui a donné du café, dit d’aller se coucher et ils avaient des lits de camp pour les services de nuit, ça nous arrivait quelquefois d’avoir une nuit calme s’il tombait des cordes par exemple. Et le matin évidemment, quand nos équipes sont arrivées, on a vu ce héros, le pauvre gars, il était tellement gêné, ce gentil garçon, tous ces gens plein d’admiration pour ce qui était arrivé. (rires)
Une des choses dont je me suis souvenue c’était cette paire de bas que j’avais, les bas réglementaires, ils étaient hideux, des bas en coton gris, très épais. Et on n’avait pas le droit de les échanger contre des neufs tant qu’on n’avait pas 17 reprises. Et les deux dernières ce n’était pas des vraies. Et si vous ne les aviez pas reprisés correctement on ne vous en donnait pas de nouveaux. Oui. Repars d’où tu viens, va défaire ces reprises et refais-les.
Voyez, après quelques temps on m’a envoyée dans une autre station à Middle Wallop. Et bien ils se préparaient pour le débarquement du jour J à ce moment-là. Et parce que Middle Wallop dans le Hampshire, qui est dans la partie sud de l’Angleterre, le long de cette petite partie plate près de la Normandie. A ce moment-là les américains étaient déjà arrivés et il n’y avait plus de chasseurs dans notre base. Alors on n’avait absolument aucun contact. On attendait tout simplement, établissant des contacts avec, et en vérifiant que les allemands n’envoyaient pas d’avions de reconnaissance, ce qu’ils faisaient évidemment. Chaque couloir et les endroits, bon, ils appelaient ça des routes, mais c’était des routes B, c’était juste une large piste vous voyez. Mais dans les haies, elles étaient toutes bordées de haies, et juste contre les haies, tout le long, pratiquement, ils avaient mis des filets de camouflage au dessus des arbres de chaque côté des haies. Donc ces trucs étaient invisibles depuis le ciel. Et il y avait des unités stationnées tout le long avec leur engins de débarquement amphibies. Et des canons et ainsi de suite, tout un tas de choses. On gardait le contact avec eux parce qu’ils avaient des parachutistes, et il y avait plein de canadiens là, les parachutistes canadiens ont joué un grand rôle le jour J, vraiment.
Et je me souviens descendre en bicyclette, on n’avait pas le droit de faire plus d’une vingtaine de kilomètres et j’ais une amie qui vivait juste dans les limites de cette zone, et elle m’a demandé de venir et de rester pour la nuit. Evidemment j’étais seulement trop nerveuse. Alors on n’était pas censés dormir dehors au-delà de ce périmètre, je suis sortie subrepticement et j’ai roulé jusque là-bas. Et sur tout le trajet, ces gamins ils s’ennuyaient à mourir évidemment, ils passaient leur temps assis là et il y avait ces trucs qu’ils faisaient avec leurs mains, des bruits d’animaux, le chat, le loup et des hou ! ils criaient et me saluaient pendant que je passais. Alors je faisais ce truc de la reine d’Angleterre, vous savez, ce petit geste de la main pour saluer. Et c’était vraiment très amusant.
Quand le jour J est arrivé, évidemment, ça a été assez spectaculaire. Ils sont tous partis, tous les avions qui auraient dû se regrouper à différents endroits, les gros porteurs qui transportaient les troupes, avec les planeurs derrière et les autres sont tous montés dans le ciel en même temps et le ciel tout entier était recouvert d’avions d’un bout à l’autre. Et leurs lumières étaient allumées, ce qu’ils ne faisaient jamais d’habitude. Ils devaient le faire autrement ils se seraient tous rentrés dedans. C’était vraiment très bruyant et la terre entière a tremblé pendant qu’ils traversaient avec toutes ces lumières.
Mais là je vous ai donné les meilleurs moments. C’est vraiment mortellement ennuyeux la guerre. Il fait froid, humide, on s’ennuie, attendre, attendre, attendre, attendre, attendre, attendre et fatiguée, fatiguée, fatiguée, fatiguée. Et vous ne vivez pas votre vie. Et bien-sûr, ce n’est pas très agréable de danser avec quelqu’un un soir et d’apprendre le lendemain qu’il est mort.