Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
J’avais 18 ans que je suis arrivée dans l’armée canadienne. L’armée canadienne acceptait les femmes à 18 ans. Ce n’était pas le cas aux États-Unis; mon père était à l’étranger, alors une amie et moi nous sommes enrôlées pendant notre dernière année de secondaire. Nous avons fait le voyage de Portland à Montréal en train. Ah ces vieux sièges en crin, durs comme des clous!
Nous devions traverser les douanes à mi-chemin. On changeait de train pour les agents des douanes et de l’immigration. Il n’y avait aucun accroc, les gens traversaient tout le temps la frontière. Tous les jours.
Je me souviens être allée au bureau de recrutement avec mon amie et avoir passé un test d’intelligence. Ceux qui pouvaient faire passer quatre bâtons dans quatre trous ronds étaient acceptés.
J’ai été envoyée à la caserne Saint-Sulpice à Montréal. Je crois que c’était un séminaire. Ce n’était pas un endroit agréable à cause des punaises de lit et des coquerelles. Nous avons prêté serment, on nous a donné nos uniformes et on nous a envoyées à l’instruction de base. Nous sommes restées à la caserne Saint-Sulpice trois ou quatre jours. Ce n’était certainement pas très agréable, mais nous avons appris vite que notre opinion ne comptait pas vraiment. Même chose pour les repas. Le premier que nous avons eu, il y avait une coquerelle qui circulait au milieu du bol. J’en ai parlé à la sergente, qui m’a demandé si j’allais la manger ou la tuer. Nous avons donc dû nous y faire rapidement.
J’ai été affectée à la BFC Ottawa. Beaucoup d’entre nous ont été envoyées pour distribuer les obligations des militaires. C’étaient les obligations de la Victoire. On a demandé à deux d’entre nous de rester pour s’occuper de la correspondance des soldats à l’étranger qui ne savaient pas où ils allaient envoyer leurs obligations ou si ces dernières se retrouvaient au mauvais endroit. Certains les avaient envoyées à leur mère et voulaient que leur copine en bénéficie, pour d’autres c’était exactement le contraire. Nous avons donc fait ça pendant un certain temps. Pendant que nous y étions, nous avons défilé pendant deux heures à l’occasion de la visite de Son Altesse Royale la reine Juliana des Pays-Bas à Ottawa. C’était tout un événement à l’époque.
Je passais mes fins de semaine à Manotick. Il y avait là un pavillon qui servait d’arrêt d’autobus et de lieu d’embarquement pour les hommes qui travaillaient à l’installation des lignes téléphoniques. C’était aussi un camp de prisonniers de guerre à Kitchener à cette époque. J’y suis restée jusqu’à ce que, en travaillant les fins de semaine, j’obtienne mes galons de sergente et que je sois renvoyée à Kitchener pour un cours de discipline. Deux jours avant la fin du cours, je me suis mariée à Kitchener. Je pense que ça a été la seule cérémonie de mariage jamais tenue sur la base.
Il était avec un groupe d’aviateurs invités pour le repas de Noël. Il était très timide. Il ne voulait pas porter un toast aux dames. Il disait qu’il préférait faire la vaisselle. Alors l’hôtesse lui a demandé avec qui il aimerait faire la vaisselle et il m’a choisie. Il y avait de la vaisselle pour 19 personnes. Ce n’était pas agréable. Pas du tout. Mais on a fini par se marier et ça a duré 60 ans. Comme il était pilote de la RAF, à son retour en Grande-Bretagne, il a été affecté à l’étranger. Juste avant d’être libérée, j’ai passé un examen médical avec d’autres femmes, car nous allions être envoyées au Japon. L’un des médecins a remarqué ma bague et m’a dit qu’il me retirait de la liste pour le Japon. C’est arrivé ainsi. Comme je venais de me marier, la guerre était finie : les femmes mariées étaient démobilisées.
J’ai aimé être dans l’armée. Aucune rancœur après ce premier repas! Pas du tout!