Edith Blanch Middleton. Oh ! j’ai vécu une vie très... enfin, je dirais une vie intéressante. J’étais à l’école, j’avais cinq ans et j’apprenais la danse. Ma grand-mère tenait une boutique et elle faisait tous mes costumes. J’avais beaucoup de chance. Puis à 14 ans, je faisais des spectacles pour les troupes. Mon professeur de science avait besoin d’une danseuse pour 100 spectacles destinés aux troupes à Edimbourg. Et c’était toujours la guerre, et il y avait encore des bombardements.
Mais bon, tout le monde appréciait... Quand j’ai eu 18 ans, nous devions tous prendre une décision par rapport à nos documents de convocation. Alors j’ai pensé aux grands espaces et je me suis dit que l’idéal serait de me joindre au club forestier. Sinon, j’avais le choix entre le Service féminin de la Marine royale (WRENS), la Marine ou le Auxiliary Territorial Service (ATS).
Bref, nous avons pris le train pour la Haute-Écosse. La ville de Carrbridge est proche d’Aviemor et d’Inverness. Nous avons commencé dès le lendemain par l’abattage des arbres et différents petits boulots. Nous changions de tâches toutes les semaines. On pouvait se retrouver au banc de sciage, à l’empilage et aux fouilles, conduire un tracteur ou décharger les wagons à la gare. Et les Canadiennes nous aidaient, on leur donnait des gants et elles se rendaient utiles.
Tout se passait très bien avec elles. Mais il y a eu une semaine où nous devions faire du feu pour chauffer les lieux avant leur arrivée, mais le bois était trop humide et elles étaient furieuses. Nos baraques étaient froides et nous n’avions qu’une lampe à pétrole pour les chauffer. Pas d’électricité, bien sûr. Puis un soir par semaine, il y avait de la danse et nous nous dansions jusqu’à deux heures du matin. Avec nos bras meurtris, nous nous demandions à chaque fois s’il nous resterait assez d’énergie après avoir abattu tous ses arbres, puis nous nous amusions à comparer nos muscles.
Il se passait toujours quelque chose d’intéressant. Je devais monter à cheval l’une de ces semaines. Mais comme je suis de la ville, je ne connaissais rien aux chevaux. Il fallait leur botter le train pour leur faire tirer les rondins. Je ne me souviens pas à quoi ils servaient, mais il fallait transporter les rondins jusqu’à l’endroit où les filles les chargeaient dans des camions. Ça changeait toutes les semaines. Mais je n’aimais pas travailler avec les chevaux, alors j’ai fait autre chose.
Quoi qu’il en soit, ç’a duré trois ans, puis la guerre a pris fin.
Partout en Écosse, il y avait des travaux de foresterie. Et différents camps de baraques, trois, six ou huit par camp. Il y avait trois camps forestiers. Et dans toute l’Écosse, il y avait des bûcherons, et aussi l’armée de terre. Les types de l’armée de terre n’étaient jamais seuls, c’est-à-dire qu’ils restaient avec leurs proches à la maison pour traire les vaches et tout. Nous avions toujours froid et nos bottes de caoutchouc nous torturaient les pieds. On travaillait parfois dans les marais jusqu’aux genoux. Et la nourriture n’était pas terrible. Nous nous levions à 6 heures 30 et faisions la queue pour un petit déjeuner au gruau, peut-être avec un peu de saucisse ou de bacon. Et c’était parti pour la journée.
Nous chantions souvent « Trees, trees, trees, the girls are felling », ou d’autres chansons de route. Et nous les savons toutes encore. Puis nous avons pris le train à Inverness pour aussitôt faire la file dans le wagon-restaurant afin de manger des œufs au bacon, car nous avions toujours très faim. Parfois nous restions danser et rentrions par le train. En somme, je dirais que c’était une vie très saine pour ces milliers de jeunes filles qui vivaient dans le nord de l’Écosse.