Nous ne comprenions pas tout à fait la réalité de la guerre. Vous savez, nous étions encore en période d’entraînement; nous avions vu la mort et les blessures mais nous n’avions pas encore l’expérience complète de la guerre. En tous cas, nous étions à bord d’un bateau, assis à l’arrière, et mon copain qui était ingénieur me montrait comment épisser les cordes et tout ça. Nous étions à environ 2.5 miles au large. Sur le fait, j’aperçu un corps qui flottait dans l’eau et j’ai crié ‘’Eh ! Il y a un cadavre là bas !’’ Mon copain l’a regardé et a simplement dit ‘’Ouais !’’. J’ai rétorqué ‘’Mais qu’est-ce que tu vas en faire ?’’ Il répondit ‘’Toi, qu’est-ce que tu veux en faire ?’’. J’ai dit ‘’Bien, nous arrêter et le repêcher.’’ Il dit ‘’Pourquoi voudrais-tu faire une chose pareille ?’’ (Il rit.)
Mais la réalité de la guerre commençait à se concrétiser. Il y avait un type qui marchait au milieu d’un champ de bataille, il marchait d’une tranchée à l’autre et juste comme il s’apprêtait à sauter dans une tranchée, il a été atteint d’un obus en pleine poitrine. Et puis, maintenant, les Allemands ne gaspillent pas un obus sur un individu; ça ne se fait simplement pas. En tous cas, son corps avait été complètement mutilé et il est tombé dans une tranchée en plein sur un autre gars qui lui, est devenu complètement fou. Le gars était assis là avec sa cantine; il mangeait son lunch, vous savez, et Oh boy !, quel dégât !
Et, tout le monde était là debout, complètement abasourdi – c’était notre premier mort. L’officier, le Major Port, est arrivé en trombe en criant ‘’Allez, bande d’imbéciles, nettoyez-moi çà et retournez à vos tranchées ! Pour lui, ce n’était qu’un dégât à nettoyer. C’était, bien entendu, la bonne chose à faire pour nous ramener rapidement à la réalité. Mais nous étions si choqués que si l’un d’entre nous avait eu un fusil, il l’aurait abattu ‘’drette-là’’.
En tous cas, c’était la façon de faire. Je veux dire, il fallait qu’on soit traité durement sinon on risquait de devenir fou d’inquiétude. Il nous arrivait de discuter avec les pilotes d’avions Thunderbolt et Hurricanes. Ils nous racontèrent qu’ils pouvaient sentir les odeurs des champs de bataille jusqu’à huit cent pieds d’altitude lorsqu’ils étaient en vol.
Je me souviens d’un petit incident bizarre qui s’est déroulé là-bas, le long d’un pâté de maisons qui s’enlignait vers la rivière – c’était comme des maisons en rangées qui s’enlignaient vers la rivière. Nous étions stationnés sur une ruelle et une dame est sortie demander à l’officier si elle pouvait servir à manger à deux de ses hommes. L’officier a répondu que ses hommes n’étaient pas en manque et que ce n’était pas nécessaire. La dame a rétorqué ‘’Non, non. J’ai deux enfants, un de sept ans et un de neuf ans, une fille et un garçon. Et, ce serait un très grand honneur si vous me donniez la permission de servir deux de vos soldats.’’ Alors, l’officier a choisi deux jeunes soldats, un surnommé Cripps et moi-même et il nous a ordonné de bien nous comporter. Nous étions deux jeunes soldats bien courtois. En tous cas, nous sommes entrés dans sa maison et nous avons mangé à sa table. Je me souviens qu’elle avait une grosse miche de pain bien ronde qu’elle gardait sous son bras. Et, à chaque fois qu’elle en coupait une tranche, elle faisait le signe de la croix. Ils étaient très catholiques à Rouen. Ce fut un très bon repas ; quelques tranches de viande, des légumes, des tomates et un petit pudding à la crème. Elle était très contente. Elle nous a demandé notre nom et notre adresse mais je n’ai plus jamais communiqué avec cette dame. Mais ce souvenir m’est toujours resté…
Et, là au milieu de la rue il y avait un Allemand, un soldat à motocyclette avec son casque d’acier et son manteau de cuir (il rit). Il gesticulait pour me faire arrêter. Évidemment, il ne m’a pas reconnu en tant qu’ennemi. Il faisait partie d’un régiment antiaérien et n’avait jamais vu un véhicule ennemi, n’avait jamais tiré un coup par colère. Il ne connaissait que les avions ; il avait passé trois ans à tirer sur des avions. C’est ce qu’on appelait des troupes de garnison. Alors, il ne nous avait pas reconnu et il était là, à l’intersection, pour arrêter les passants et faire passer un convoi militaire. Il devait assurer le passage de chaque véhicule dans le convoi.
Et, en tous cas, Boy ! Vous savez, un Allemand debout au milieu de la rue vous signalant d’arrêter - ce fut un réveil assez brutal à 05 h 15 (il rit). J’ai crié ‘’Jerry !’’ (Bosch) tout de suite. Dans notre blindé, mon commandant, qui était chargeur, était comme à moitié endormi sur les cannons. Lorsque j’ai crié ‘’Jerry !’’, bien, il s’est relevé rapidement et s’est frappé la tête sur la tourelle et, lorsqu’il l’a vu, il a rapidement fermé l’écoutille devant lui – il y a une petite écoutille de toit pour le conducteur qui est munie d’un série de carreaux anti-balle. Ce fut une bonne chose parce que moi j’ai laissé tombé mon fusil et j’ai appuyé sur la gâchette de mon canon 40 mm et j’ai atteint un camion de munitions qui était directement derrière de soldat à motocyclette. Je n’ai plus jamais revu ce soldat ni sa moto.
L’explosion a failli nous atteindre, nous étions si proches - seulement 100 ou 150 pieds du camion et je vous dis, ce fut une explosion terrifiante. Il y avait un véhicule allemand derrière le camion. Il contenait six officiers – ils ont tous été tués sur le fait et la voiture était en feu.
C’était un matin typique d’un 1e septembre – avec une légère brume suspendue à deux pieds au-dessus des champs – un très beau matin. Mais le camion brûlait et le mélange de la fumée et de la brume firent que nous pouvions à peine respirer. J’ai atteint un autre camion qui s’est vite enflammé. L’ennemi ne retournait pas le feu. Rien. Je ne comprenais pas ce qui se passait. J’ai passé le message aux autres blindés de continuer l’attaque et c’est ce que nous avons fait tout feu tout flamme. Finalement, nous avions entre huit et dix prisonniers devant nous. Je leur ai demandé pourquoi ils n’avaient pas retourné le feu, que se passait-il donc, pourquoi n’avaient-ils pas montré le drapeau blanc ? Un des prisonnier a répondu qu’ils avaient été pris de cours et qu’ils n’avaient même pas réalisé qu’ils étaient sous attaque. Ils croyaient que le camion avait frappé une mine ce qui avait causé l’incendie. Eh, bien !
Nous étions à environ trois milles de Dieppe, nous étions en communication téléphonique avec eux, ils savaient que nous étions en route. Bien, vous pouvez vous imaginer ce que cela signifiait. En tous cas, nous avancions et nous nous sommes retrouvés devant une immense foule de gens qui dansaient et qui riaient de joie. Quelle scène ! Il y avait des membres de la Résistance qui s’accrochaient aux blindés – en fait, ils étaient monté sur les blindés sur les derniers dix milles de notre avance. Chaque blindé en avait environ dix (il rit). Ils portaient de petits brassards, de petits fusils Sten et de petits bérets noirs; ils étaient mignons.
En arrivant, j’ai vu qu’il y avait un plus petit blindé devant moi qui était complètement recouvert de gens et je voyais l’officier qui écoutait parler des membres de la Résistance. Il prît alors la radio et annonça ‘’Jigs, Frank. Jigs, c’est mon sobriquet et Frank…bien, allez derrière moi et rendez vous en ville, ces gars vont vous montrer où se trouve un nid de mitrailleuses, un nid de mitrailleuses allemand en ville, allez le prendre !’’ Vous savez, un char blindé en fonte de neuf tonnes peut facilement écraser un nid de mitrailleuses…en tous cas, nous avons été les premiers à Dieppe, les premiers à mener l’assaut. Je m’apprêtais à tirer lorsque j’ai vu quelqu’un brandir des draps et des oreillers. ‘’Ne tirez pas, ne tirez pas !’’ Un policier est venu me dire que les gars de la Résistance avaient capturé les trois Allemands du nid de mitrailleuses, qu’ils les avaient alignés contre un mur et qu’ils allaient les abattre. ‘’Pourquoi les tuer ?’’, je leur ai demandé. Ils m’ont répondu ‘’Parce qu’ils sont des Allemands !’’ J’ai ajouté, ‘’C’est la seule raison ?’’. Ils m’ont répondu, ‘’Oh, oui, absolument !’’
Par contre, ils m’ont expliqué qu’ils ne les avaient pas tués. La police les avait incarcérés leur sauvant ainsi la vie. Sur le fait, un civile, un photographe, m’a pris en photo. Je suis à la radio; j’envoie le message ‘’Francis est en vie et il va bien’’. Francis était le code pour Dieppe. ‘’Francis est en vie et il va bien, nous attendons ses amis pour souper.’’ Et ce message a été transmis tout le long de la ligne que Dieppe avait été libéré et que l’infanterie pouvait maintenant avancer.
Pour en savoir davantage :
http://www.thecanadianencyclopedia.com/index.cfm?PgNm=TCE&Params=A1ARTA0002292
http://www.thecanadianencyclopedia.com/index.cfm?PgNm=ArchivedFeatures&Params=A217
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