Project Mémoire

Eldon Byron Comfort

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Eldon Comfort
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Eldon Comfort lors de ses Classes à Cornwall, Ontario, août 1942.
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Eldon Comfort se tient devant sa Jeep sous la pluie prêt de Antwerp, Belgique, Octobre 1944.
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Eldon Comfort à la fin de 48h permission à Bruxelles en novembre 1944.
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Coupure de presse montrant Elson Comfort qui examine une mine antipersonnel reliée à une étagère d’artillerie qui ne s’est pas déclenchée. Elle fut déposée par les Allemands à leur départ hâtif de Dieppe en France. L’article est paru dans le Toronto <em>Evening Telegram</em>, le 14 septembre 1944.
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Eldon Comfort auprès de son épouse, portant sa fille pour la première fois depuis son retour après deux années à l’étranger, juillet 1945.
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C’est à ce moment-là que je suis devenu un fervent pacifiste. De voir ces jeunes gens, des gamins vraiment, derrière des fils barbelés, abattus, débraillés, affamés, désorganisés, évidemment, et je me disais, pour sûr, ces gars là ne sont pas mes ennemis.

Qu’est-ce que je pensais du fait de partir outre-mer ? Bon, je savais que c’était inévitable, c’était la raison pour laquelle on s’engageait, parce que en mesurant la situation, comment ça se passait en Europe à ce moment-là, ils avaient besoin de tous les hommes qu’ils pouvaient trouver. Alors je n’avais pas d’inquiétude à propos de servir sur le front.

Bon, sur le chemin, j’ai eu le mal de mer tout le long, alors quand je suis arrivé, je n’étais pas en grande forme. On a fait la traversée à bord de l’Île de France (vaisseau de transport de troupes) et on a débarqué en Écosse, et puis de là on est descendus en train dans le sud de l’Angleterre, où on allait nous garder en tant que réserve.

Mais je n’étais pas lié à une branche particulière de l’armée quand je suis parti là-bas. Je suis allé là-bas pour être gardé comme réserve et la manière dont ça s’est passé, l’officier des transmissions que j’ai fini par remplacer avait été blessé et j’ai été appelé pour prendre sa place, oh, quatre ou cinq jours après le jour J. Alors j’ai fait la traversée de la Manche sur un de ces chalands de débarquement et il a fallu aller jusqu’à la rive à pied.

Le chaland ne pouvait pas toujours arriver jusqu’au bord car c’était très peu profond vers la plage. Et il est remonté aussi loin qu’il a pu et puis une espèce de grand hayon devant a basculé, et on a émergé de là. C’était un genre de bateau grand ouvert tout plat qui pouvait contenir à peu près, oh, je pense qu’on était une cinquantaine là-dessus. Et on descendait le long de cette rampe jusque dans l’eau, on en avait jusqu’à la taille, et puis on remontait jusqu’au rivage.

De là, on m’a affecté au quartier général de la 2ème Division d’artillerie (faisait partie de la 2ème Division d’infanterie canadienne), et c’était là que l’officier que je remplaçait avait été, donc mon travail c’était de prendre la tête d’une section d’hommes qui s’occupaient des communications entre l’artillerie lourde de la 2ème Division et les postes d’observation. Comme on utilisait des téléphones, alors on devait installer des lignes de téléphone quand c’était possible. Quand on était en déplacement, on utilisait la radio.

Je devais garder un contact très proche avec l’état-major, comme ça je savais s’il y allait y avoir des déplacements. Et je faisais toujours partie du groupe de reconnaissance qui partait en avant. Quand l’état-major allait se déplacer, alors je devais partir avec eux pour mettre en place notre propre poste de communications à l’extrémité ou le plus près possible du quartier général. Et quand on n’était pas en déplacement, j’étais en quelque sorte le dépanneur pour les hommes. Il y avait toujours des problèmes qui surgissaient ; et j’avais un chauffeur et une jeep à ma disposition, et je pouvais me déplacer dans les alentours à l’intérieur du secteur dans lequel on opérait. Donc j’étais censé m’y connaître en radio et téléphonie, et être capable d’assurer le dépannage.

Juste après le jour de la Victoire en Europe, notre unité était stationnée là-haut à Wilhelmshaven (Allemagne), juste pour essayer de maintenir la paix pendant un moment. Les allemands avaient été désarmés, évidemment, mais il y en avait encore beaucoup par là et beaucoup d’entre eux étaient encore dans des sortes d’enceintes de prison. C’est à ce moment-là que je suis devenu un fervent pacifiste. De voir ces jeunes gens, des gamins vraiment, derrière des fils barbelés, abattus, débraillés, affamés, désorganisés, évidemment, et je me disais, pour sûr, ces gars là ne sont pas mes ennemis. J’étais un soldat malgré moi au début, et je ne pouvais pas m’empêcher de me demander combien de ces jeunes avaient été eux mêmes des soldats malgré eux, ils obéissaient aux ordres tout simplement. À ce moment-là, ils ne savaient même pas qu’Hitler était mort depuis près d’une semaine.

Alors à partir de là, quand je parle dans les élèves des écoles secondaires (lycée) et ainsi de suite, de retour à la maison, après être rentré chez moi, en général je leur disais que la question qu’ils devraient se poser n’est pas tant de savoir qui est mon ennemi, mais qui sont mes frères et mes sœurs.

Date de l'entrevue: 10 novembre 2010