Project Mémoire

Ernest Randle

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Ernest Randle
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Portrait d'Ernest Randle prise à Montréal en 1942, quand il avait 18 ans. Randle est vêtu d'un uniforme blanc.
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Ernest Randle est allé à l'école à Halifax, en Nouvelle-Écosse, dans la classe des Aigles 5. Il est le troisième sur la droite dans le second rang.
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Tout ce que je dis, c’est que c’est dommage que nous ayons… que nous ne puissions vivre sur cette planète sans nous battre.
On a coulé deux sous-marins allemands, je crois que c’était au large d’Haarlem, quelque part. Je ne suis pas très sûr de l’endroit exact où se trouvaient les deux sous-marins. Il n’y a eu aucun survivant, ni dans l’un ni dans l’autre. Ce qu’on a fait, c’est qu’on a filé droit là où on avait repéré le sous-marin et on a lâché ces bombes, deux types de bombes. Vous aviez le hérisson ou la grenade sous-marine. Les deux sont différentes. Le hérisson se déclenche seulement au contact. La grenade, c’est par compression. On la règle pour 50 ou 100 pieds, une certaine quantité d’eau s’infiltre et ça la fait exploser. Après, on s’est rendus au lieu exact, on a ramassé des morceaux du sous-marin, tout ce qui… en fait, n’importe quoi qui se trouvait à la surface. Ça pouvait être du bois, des conteneurs, des boîtes de conserve, ou bien le sous-marin flottait encore et de l’huile, beaucoup d’huile s’en échappait. De là on est allé à Mermansk, en Russie, où on s’est fait attaquer par des Junkers 88, des bombardiers. Ils arrivaient bas, je dirais à 18 heures, en essayant de lâcher une bombe sur nous. On en a tué un et on a ramassé les survivants. Leur officier portait une croix allemande et un des gars voulait la lui enlever… il a dû la lui redonner. L’autre, qui parlait anglais, très sympathique, nous a dit qu’ils avaient maintenant un nouveau modèle de sous-marin et qu’ils allaient rayer l’Angleterre de la carte. Qu’il leur suffisait de l’effacer. De tourner un peu autour de l’Angleterre avec le sous-marin, et puis de la rayer de la carte. Il blaguait avec nous. Quand est venu le moment de les faire débarquer, ils ne voulaient pas s’en aller, ils voulaient rester avec nous. C’était très drôle. Enfin, on les a fait débarquer, et il faisait plutôt froid dans l’Arctique, alors il a fallu qu’on leur enlève leurs vêtements et qu’on les mette au chaud sous des couvertures. On avait une prison, un endroit où on pouvait les mettre, les enfermer. Et puis quand on s’est rendu compte qu’ils n’étaient pas hostiles, eh bien, on les a laissés manger avec nous. Quand ils ont vu notre nourriture, leurs yeux en sont presque tombés. Faut dire qu’à ce moment-là ils devaient pas avoir grand chose à se mettre sous la dent. Et nous, on avait… quoi… du beurre, eux ils n’en avaient pas… et un paquet de choses. Donc ils se sont bien entendus avec nous. On avait pour ordre de les tuer, et ils avaient pour ordre de nous tuer, alors… Ils étaient jeunes, voyez-vous, ils avaient tous notre âge, à peu près. À bord du sous-marin, je ne pense pas qu’il y ait personne au-dessus de 30 ans, dans un sous-marin. Tout ce que je dis, c’est que c’est dommage que nous ayons… que nous ne puissions vivre sur cette planète sans nous battre. Parce que, lorsqu’ils ont lâché cette fameuse bombe atomique, combien de gens sont morts d’un coup? Mais ce n’est pas nous, qui avons fait cela. On a fait beaucoup de choses, vous savez, quand on va à terre et ci et ça et qu’on repart, eh bien, on vit notre vie tant qu’on peut, tant qu’on est vivant. Voyez-vous, on ne sait jamais quand va être le prochain départ en mer ni si on en reviendra. Alors on en profite au maximum quand on est à terre. On profite des salles de danse, des pubs, de la bière et…