Bon, on a débarqué là-bas à Bernières-sur-Mer (France, le jour J, les débarquements alliés du 6 juin 1944), si vous avez vu cette plage de Juno, il y a une très grande, une sorte de grand hôtel ici je crois que c’était – il est toujours là (les soldats canadiens le connaissent comme étant la maison sur la plage », aujourd’hui ça s’appelle Maison de Queen’s Own Rifles of Canada). Et c’était la première chose qu’on voyait, c’est ce dont tout le monde se souviens. Et l’autre chose c’était un immense vieux bateau qui était à l’extérieur juste au bord de l’eau sur le côté droit de la plage. La moitié était enterrée dans le sable. D’ailleurs, c’était un très bon abri pour pas mal de gens mais on ne pouvait pas être trop nombreux là-dedans, il a fallu commencer à chasser les gens pour mettre les blessés là-dedans. Ces cartouches de fusil ne pouvaient pas traverser la coque, c’était un vieux bateau en métal. Et c’était le seul endroit sûr qu’on avait là-bas, en dehors de ça, tout était à l’air libre.
Nous (Monsieur Wood servait comme auxiliaire médical dans le corps médical de l’armée canadienne) n’était vraiment pas assez équipés le premier jour. On était arrivés ; c’était comme tout le reste, il y avait toutes ces choses qui ne se déroulent pas bien et en quelque sorte, on n’a reçu la plupart du matériel que le lendemain. Alors on s’est retrouvé à bricoler comme on pouvait et on nous avait dit bien sûr de découper des chemises en morceaux et faire des attelles avec tout ce qui nous tombait à porter de main.
Soit dit en passant, les canadiens qui se trouvaient là-bas la seule unité de volontaires (les soldats engagés dans le jour J n’étaient pas des appelés) qui était là à ce moment-là et on n’est arrivé à notre position prévue cette nuit-là qu’à 8 heures du soir. Mais ensuite on est retourné sur le lieu de débarquement, où il y avait de nombreuses victimes et on a aidé à les transporter jusqu’au navire hôpital qui attendait là au large dans la Manche pas tout près.
.
Ça allait un peu mieux quand on a dû y retourner, à peu près au milieu de l’après-midi quand les choses s’étaient un peu calmées et que les gars ne se faisaient plus tirer comme des lapins et tout ça. Ils nous ont renvoyés là-bas avec quelques gars de l’infanterie juste pour nous assurer que l’ennemi n’allait pas nous prendre de revers. Et c’est comme ça qu’on s’est retrouvés sur la plage à nouveau et qu’on a vu qu’ils avaient un petit peu besoin d’aide supplémentaire là-bas. Et c’était pas seulement moi, un autre gars des premiers secours aussi aidait à les sortir de là, il y avait de nombreux bateaux privés venus d’Angleterre aux côtés du dispositif d’assaut et ils ramenaient les blessés jusqu’au bateau principal eux aussi.
À partir de là, c’était juste en général, j’étais surtout avec le North Shore Regiment (Nouveau Brunswick). S’ils n’étaient pas au combat et que le Chaudière (régiment de la Chaudière) ou le Queen’s Own (Rifles of Canada, les trois bataillons compris dans la 8ème brigade d’infanterie canadienne) étaient au combat et qu’ils se retrouvaient pris dans un truc un peu plus important que prévu et que les gars ne pouvaient pas faire face, parfois ils nous demandaient, celui qui venait de l’autre de venir et de leur prêter main forte. Et ce n’était pas très bien parce qu’on n’avait pas le temps de se reposer de cette façon mais on ne nous appelait pas très souvent.
Si vous sortiez du combat pendant trop longtemps, loin de la ligne de front, c’était très dur d’y retourner. C’était mieux d’entrer et sortir de la bataille alternativement tout le temps. Vous en preniez l’habitude et c’était moitié moins troublant que si vous aviez été à l’écart. Au fur et à mesure qu’on avançait vers l’Escaut (Estuaire en Belgique et en Hollande, où les canadiens se sont battus en octobre et novembre 1944 pour en prendre le contrôle) et certains de ces endroits là-bas, les allemands avaient fait sauter les digues et avaient inondé un grand nombre d’endroits. On s’est faits prendre au piège dans un de ces endroits et on est restés pendant trois jours coincés, avec de l’eau jusqu’au genou. Évidemment, tout ça c’était tout du fumier et des égouts et Dieu sait quoi encore, vous savez. Alors on s’est retrouvé avec des espèces de furoncles sur les jambes et on a dû rester dans une vieille grange après ça avec les pieds dans une baignoire d’eau bien chaude à faire tremper ces sacrés machins pendant trois ou quatre jours pour nous en débarrasser. Une sacrée pagaille. On était environ 150 à avoir été pris au piège là-bas.
Les allemands s’accrochaient à, pendant qu’on était en train de les chasser de là-bas, ils restaient cramponnés à toutes ces femmes et ces enfants. Ils les prenaient avec eux et un paquet d’entre elles étaient enceintes, alors on a eu beaucoup de naissances sur le chemin dans les tranchées et ainsi de suite. L’armée régulière allemande ne faisait pas ça mais les unités paramilitaires SS elles oui. Parfois il y avait 600 ou 700, 1000 civils qu’ils emmenaient avec eux.
Si on les chassait de là ou autre, bon, ils les alignaient et s’en servaient de bouclier humain, pour qu’on ne tire pas sur eux. J’espère qu’on a sauvé la vie de beaucoup de ces femmes et de ces enfants. Du côté des bébés il n’y avait pas trop d’espoir pour grand nombre d’entre eux parce qu’il faisait très froid. Mais une fois qu’on les avait ramenés au poste d’évacuation sanitaire, à ce moment-là bien sûr on prenait bien soin d’eux, vous savez.