Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
Je m’appelle Esther Mary Mager. Nous étions au Havergal College à Toronto, même si je me suis enrôlée à Montréal. Nous ne sommes pas restées très longtemps et quand tout était terminé, nous étions très fières, bien sûr, de participer à une marche avec la fanfare le long de la rue Jarvis, je crois, vu que le collège se trouve là. À ce moment-là, nous étions automatiquement prêtes à être affectées et c’est ce qui s’est produit.
Tout d’abord, nous avons été affectées à la station de l’ARC de Saint-Hubert, mais pas pour très longtemps. De là, j’ai été transférée à la station de l’ARC de Mont-Joli, au Québec, et ce fut toute une expérience, car c’est juste sur la côte de la Gaspésie, entourée par le Saint-Laurent. Le temps qu’il fait en hiver est épouvantable [rires]. Il ne se fait pas pire. À un moment donné, j’étais là, je ne sais plus depuis combien de temps, quelques semaines ou mois. J’avais été trop exposée aux éléments à cause de mon instruction. Je travaillais dans le transport routier et je sortais beaucoup. J’ai donc été hospitalisée pour, comment dire, me réchauffer, je dirais. Le temps était terrible.
La situation était si grave que je me souviens d’un voyage où la neige était si haute qu’on ne pouvait pas passer. J’ai donc suivi la déneigeuse de ma station à la ville suivante. Sinon, je n’aurais jamais pu y aller, car la neige était presque aussi haute que la voiture. C’est dire à quel point la situation était grave. Je n’oublierai jamais ce voyage. Il y avait des déneigeuses qui traçaient des routes pour que nous puissions nous rendre là où nous devions aller. C’était une expérience en soi.
C’était une école de bombardement et d’artillerie; beaucoup d’avions devaient décoller de là et il y avait beaucoup d’accidents. Nous avons donc souvent dû nous rendre de la station à l’endroit de l’écrasement et, neuf fois sur dix, des corps s’y trouvaient. Les pilotes étaient en apprentissage, après tout. Nous avons donc dû aller ramasser les morceaux. En fait, vous trouverez de nombreuses photos que je lui ai données de certains des sites d’accidents où je suis allée.
Un autre incident très intéressant s’est produit sur cette route. Je devais aller apporter de la nourriture aux deux ou trois gars qui vivaient là. Ils avaient de petits poêles, comme des casseroles de cette taille. Leur source de chaleur était le bois, je pense. Mais il n’avait pas l’air d’avoir fait chaud une seule fois là-dedans [rires]!
Je m’y rendais pour leur apporter de la nourriture de la station. Ils avaient le poêle, ou la casserole, mais ils ne savaient pas cuisiner. C’était tellement sale! Leurs tasses étaient surutilisées. Ils buvaient probablement dans ces tasses 50 fois. Lorsque nous sommes arrivées, ils nous ont offert un verre parce qu’il faisait terriblement froid. En fait, j’étais seule la plupart du temps. Ils ont donc proposé une boisson chaude. Comment refuser? Ils étaient si gentils de nous offrir une boisson alors qu’ils n’avaient pas grand-chose là-bas. Ils devaient attendre que nous leur apportions des provisions. C’était sur la route lorsque nous avons contourné le fleuve Saint-Laurent jusqu’à l’autre ville, cette fois-là. Ce n’est pas lorsque nous sommes allés chercher les corps. C’était un voyage individuel. Mais ça en faisait partie. Vraiment intéressant! Le Saint-Laurent était sauvage en hiver, mais pas l’été, bien sûr [rires]!