Project Mémoire

Frank Battershill

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Nous étions bien formés. L’Armée canadienne, et tout spécialement la 3e Division dont j’étais membre, dont notre régiment était membre, devrais-je dire, offrait un très bon entraînement. Nous avons subi notre baptême de feu au jour J. Nous avons appris très rapidement que le vrombissement que nous entendions au-dessus de la tête ne provenait pas d’abeilles ou de maringouins, c’était bien le sifflement des balles. Nous avons appris ça très, très rapidement. Et, vous savez, je suis certain que la date originale du jour J devait être le 5 juin. Nous sommes montés à bord de ce que j’appelle le navire-mère, nous ne connaissions pas le nom du navire. Lorsque je dis ‘’nous’’, je veux dire notre régiment mais sans les véhicules, seulement les compagnies d’infanterie. La Manche était très houleuse. Mais à bord du grand navire, ce n’était pas si mal. Nous y avons passé une journée supplémentaire parce que le mauvais temps avait retardé l’invasion. Cette décision relevait du Général Eisenhower. Lorsque le jour est arrivé, le 6 juin, tôt le matin, les membres de l’infanterie sont descendus dans des navires de débarquement, des petits navires à fond plat. Ils pouvaient contenir environ quarante soldats ; c’était à l’époque à peu près la taille de notre peloton de carabiniers. C’étaient des navires à fond plat qui bondissaient partout en mer houleuse et je suis certain que tous et chacun ont souffert du mal de mer. Quelqu’un avait prévu le coup et en montant à bord du navire de débarquement, on nous avait donné des sacs de mal de mer. Et, nous étions très contents de les avoir. Nous avancions vers la rive et nous attendions l’atterrissage. Avec la marée tombante, nous pouvions apercevoir les défenses sur la plage ; elles étaient munies de mines très dangereuses. Le commandant de la Marine royale en charge du navire et moi-même avons décidé qu’avec la mer houleuse, il serait bien difficile de naviguer entre ces défenses. Si nous frappions une mine, le navire sauterait. Alors, nous sommes descendus et nous avons pataugé les derniers 100 verges jusqu’à la rive. L’eau nous arrivait aux genoux. Nous étions sous le feu des mitrailleuses ennemies et nous avons perdu un ou deux hommes. En fait, au moment du transfert au navire de débarquement, la mer était si houleuse qu’on a perdu un homme; il est passé par dessus bord et s’est noyé. Ce fut le premier mort. Les derniers 100 verges à patauger avec l’eau qui nous arrivait aux genoux et plus haut même, ce fut très difficile. Mais, ce sont des choses qu’on apprend à accepter, ça fait partie de la routine.