Frank Aldred. Je suis né à Toronto, le 18 mai 1921. On patrouillait au large d’Antofagasta, au Chili, et on travaillait avec, séparément, deux croiseurs britanniques, et un autre : le [HMS] Diomede, le [HMS] Despatch et le [HMS] Caradoc. Il y avait trois navires marchands allemands au port d’Antofagasta. Le Chili était neutre, ce qui fait que les belligérants pouvaient s’y rendre pour, je crois, 48 heures, pour prendre du carburant et des vivres. Donc, il y avait ces trois navires, qui avaient des rapports des services d’information, parce qu’ils avaient des espions, des agents. Qu’ils aient communiqué avec nous ou avec l’amirauté, et que l’amirauté nous ait envoyé des signaux, je ne sais pas trop ce qui s’est produit, mais on était là, en patrouille, pour les intercepter s’ils essayaient de sortir du port, ou les capturer s’ils tentaient quoi que ce soit d’autre. Quand on montait la garde, il pouvait se passer des jours sans qu’on n’aperçoive autre chose que la mer.
Donc on patrouillait la côte, au Chili, au large d’Antofagasta pendant quelques jours et là, on a eu le signal qu’un des navires avait été sabordé dans le port et que les deux autres tentaient une brèche. Tout cela avant le radar, ce qu’on n’aurait pas détecté de toute façon. Mais on a estimé le trajet que l’ennemi comptait prendre, et on a essayé de l’intercepter. On a suivi l’un des navires et, dès qu’ils nous ont vus, ils ont fait feu. Alors on l’a laissé partir, et on a pris l’autre en chasse. On l’a repéré et on a tiré un coup dans l’étrave, qui a pris feu. Ils ont abandonné leur navire et on les a capturés. On les a emmenés à bord en tant que prisonniers et on a amarré notre navire sur le leur. Les deux navires qu’on a interceptés étaient le München et le Hermonthis. On s’est amarré le long de l’Hermonthis, parce que le Pacifique Sud était calme, ce qui était remarquable comparé à ce qu’on avait connu avec l’Atlantique. On a essayé d’éteindre le feu, mais ils ne voulaient pas nous dire comment actionner les pompes. En plus, ils avaient ouvert les vannes. Alors on a dû couler leur bateau.
On a tourné autour de ce foutu bateau pendant ce qui m’a semblé des heures, éteignant des feux qui sortaient par des trous d’obus de six pouces. L’acier sur le côté du bateau était chauffé au rouge. Et le bateau ne coulait pas. Finalement, on l’a abandonné pour aller voir l’autre. Le croiseur britannique avait fini par couler celui que nous avions laissé, et je pense que c’est la marine chilienne qui a coulé l’autre.
Sur le [HMCS] Skeena, j’étais seulement officier de marine. Ça n’était pas un titre, ça, ce n’était pas comme être artilleur ou torpilleur, mais une fois détaché sur le Skeena, je suis devenu torpilleur. Ça représentait neuf semaines, à 10 sous de plus par jour. Quand j’ai terminé ma formation de torpilleur, je n’ai pas voulu m’embarquer sur une corvette. Pour s’en moquer, on les appelait des « canots à vapeur ». On connaissait un des officiers au bureau du répartiteur des torpilleurs, alors on est allé le voir et on lui a crié : « Joe, t’as des places sur un destroyer? », à quoi il a répondu : « Oui, quelque chose comme sur le Niobe? », et moi : « Ce serait génial! ». Il a dit : « O.K., je peux vous inscrire pour le Saskatchewan ». C’était le HMCS Saskatchewan, anciennement appelé HMS Fortune.
J’avais une charge. Mon travail, c’était de veiller au fonctionnement de tous les ventilateurs et de tous les moteurs. On n’était pas si expérimenté que ça, je vous dirais. Mais on faisait notre boulot et, plus tard… je dois parler de ça aussi, tenez, on était en poste pour le jour J, on cherchait des sous-marins pour les intercepter. Une fois, on en a repéré un, ou ce qu’on croyait être un sous-marin à la surface, au radar, mais il faisait un brouillard à couper au couteau et on ne pouvait rien voir. Le capitaine nous a donné l’ordre de rester prêt à l’attaque, alors on était là, à attendre. Le bateau filait à 24 nœuds, et on ne voyait rien. Demi-tour, recommencer, prêt à l’attaque, et finalement ils ont réalisé qu’il y avait eu, en fait, un sous-marin, et qu’il avait lancé un ballon, un grand ballon, duquel pendaient des bandes de métal. C’était raccordé à quelque chose qui flottait, alors ça restait là. Et c’est ce que le radar a détecté. On a presque percuté le ballon.
Si je me souviens bien, c’était en 1943 ou 1944, les Allemands ont sorti la torpille acoustique. Ils n’avaient pas besoin de bien viser la cible. La torpille se guidait sur les vibrations des hélices du navire. Quand ils en lançaient une, que ce soit plus ou moins proche d’un navire en mouvement, elle était attirée par les hélices du navire. Elle n’avait pas besoin d’atteindre sa cible : dès qu’elle était rendue à une certaine portée, elle explosait. Nous, et je crois tous les escorteurs alliés, on était équipé d’un bruiteur : deux barres d’acier branlantes traînées derrière le bateau, qui entraient en vibration, avec peut-être un demi-pouce entre chacune. Avec la vitesse, l’eau passait rapidement entre les barres et les faisait vibrer. Ça faisait du bruit. Ce système était appelé « contre-torpille acoustique », ou C.A.T.
On était des torpilleurs, on montait constamment la garde sur la plage arrière, là où se trouvaient les grenades sous-marines. C’était notre travail de lancer le C.A.T. à la mer ou de le haler à bord. On devait le mettre à l’eau si un écho était détecté à l’ASDIC [système de détection de sous-marins par sonar] ou au sonar. Si on détectait un écho au sonar, habituellement, le navire accélérait et le C.A.T. faisait plus de bruit : ça brouillait l’opérateur de l’ASDIC. Quand on devait ramener le C.A.T. à bord, traîné par, disons, 300 pieds de câble d’acier, il y avait toujours des effilochures le long du câble, avec des brins d’acier qui ressortaient. Quand on le halait à bord, nos mains prenaient des écorchures. On haïssait ce C.A.T.
On patrouillait, comme je le disais, à la recherche de sous-marins, pour les tenir loin. Le C.A.T. était à la mer, on le retirait, et tout à coup, il y a eu toute une explosion à l’arrière. On a pensé que c’était un avion et qu’on nous bombardait. On a regardé dans le ciel : pas d’avion. Ensuite, quelqu’un a dit : « Peut-être que c’est une batterie à terre, ils peuvent tirer d’aussi loin. » Alors, on a attendu pour voir si quelque chose d’autre allait arriver, mais non. Quelqu’un a pensé que c’était peut-être le C.A.T., alors on a halé le C.A.T. Il était détruit. C’était un sous-marin qui avait tiré une torpille, qui l’avait atteint et l’avait fait voler en pièces.